Législatives 2024 : Les citoyens sont-ils concernés par le silence électoral sur les réseaux sociaux ? On vous explique
Fake off•Les citoyens, tous comme les médias, sont tenus de respecter une période de réserve électorale durant les 24 heures précédant une électionAchille Dupas
L'essentiel
- Alors que la période de silence électoral interdit la propagande politique dès la veille des élections législatives ce week-end, de nombreux internautes se demandent s’ils sont eux aussi concernés.
- Comme le rappellent les spécialistes interrogés par 20 Minutes, la période de silence électoral vaut pour tout le monde, les particuliers également.
- L’évaluation du Conseil constitutionnel tient compte de l’audience et de l’impact sur les électeurs, et peut potentiellement aboutir sur l’annulation des résultats d’un scrutin.
EDIT du 09 juillet 2024 à 9h : ajout d'une citation concernant l'article L89 du Code électoral.
Alors que le second tour des élections législatives est prévu ce dimanche, les internautes sont-ils eux aussi concernés par la période de silence électoral qui s’impose la veille et le jour du scrutin ? Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes se sont interrogées sur ce point au moment du premier tour dimanche dernier. Plusieurs d’entre eux profitaient des dernières heures de la journée du vendredi pour poster un dernier message appelant à aller voter pour leur parti favori, et/ou à ne pas voter pour le camp d’en face.
D’autres, au contraire, affirment que cette période de silence avant les élections « ne nous concerne pas dans 90 % des cas », ou bien s’interrogent « pourquoi tout le monde croit que le silence électoral s’applique à elleux ? ». Ces interrogations étaient déjà présentes sur les réseaux sociaux au moment des élections européennes, début juin, certains affirmant que le silence électoral ne concerne « que les candidats » et pas « les partis ou les sympathisants ».
Qu’est-ce que le silence électoral ?
La période de silence électorale, qui commence à minuit la veille du scrutin, vise à « garantir la sincérité du scrutin et d’éviter toute forme de pressions intempestives sur les électeurs », comme l’explique le Conseil constitutionnel. Son application est définie par le code électoral, en particulier l’article L49, qui interdit plusieurs éléments « à partir de la veille du scrutin à zéro heure », c’est-à-dire lorsque la campagne prend officiellement fin :
- Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ;
- Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ;
- Procéder, par un système automatisé ou non, à l’appel téléphonique en série des électeurs afin de les inciter à voter pour un candidat ;
- Tenir une réunion électorale.
D’autres articles précisent ces dispositions, comme le L48-2, qui interdit « à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ». De même, l’article 11 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 précise qu'« aucun sondage électoral ne peut faire l’objet, par quelque moyen que ce soit, d’une publication, d’une diffusion ou d’un commentaire », la veille et le jour de chaque scrutin en cas d’élections générales et de référendum.
Le silence électoral vaut pour tout le monde
Nous avons posé la question de savoir si les citoyens, notamment via les réseaux sociaux, étaient eux aussi concerné par le silence électoral à Jean-Pierre Camby, professeur de droit associé à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et spécialiste en droit électoral. « Elle est applicable à tous. Cela vaut sur tout support et spécifiquement sur les réseaux sociaux. […] Tout message qui inciterait à voter pour telle ou telle tendance, ou bien même qui appellerait à ne pas voter, serait peut-être retenu par le Conseil constitutionnel », tranche l’expert.
Une expertise partagée par Jean-Christophe Ménard, avocat au barreau de Paris lui aussi spécialiste en droit électoral : « Concrètement, un candidat, des militants ou un électeur qui viendraient la veille du scrutin à publier un appel au vote sur les réseaux sociaux, distribuer un tract mensonger ou diffamatoire ou à diffuser quelque information que ce soit ayant une connotation électorale ou un lien avec l’élection, enfreindra le code électoral. »
Mais toutes les publications n’impliquent pas les mêmes conséquences
Tous les messages à caractère de propagande électoral publiés sur les réseaux sociaux sont-ils pour autant susceptibles d’être épinglés ? Pas vraiment. Déjà, dans un communiqué publié en avril 2022, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle rappelait que cette interdiction vaut « dès lors que les messages ne relèvent pas de la correspondance privée ».
Plusieurs paramètres sont également pris en compte par le Conseil constitutionnel pour son évaluation. « Le Conseil constitutionnel examine l’audience et l’impact sur les électeurs. Selon que vous soyez un quidam, un représentant associatif ou politique, un journaliste, un candidat, ou un des proches du candidat, cela n’aura pas le même impact », précise Jean-Pierre Camby. « S’il est saisi d’un recours, il vérifiera si les agissements en cause ont revêtu un caractère massif, si les messages diffusés comportaient des arguments nouveaux et s’ils ont pu influencer les électeurs », ajoute Jean-Christophe Ménard.
Une élection peut être annulée
Malgré tout, le spécialiste du droit électoral explique que « la conséquence n’est pas l’annulation systématique du scrutin ». Une situation fera l’objet d’une attention particulière notamment si l’écart de voix entre les candidats à l’issue du scrutin s’avère faible : « Le juge électoral pourra alors considérer que ces manœuvres ont altéré la sincérité du scrutin et prononcer l’annulation de l’élection », développe l’avocat au barreau de Paris. De la même manière, le Conseil constitutionnel « ne manquerait pas d’examiner attentivement » le cas d'« un appel à voter, surtout ciblé sur un groupe professionnel, ou si la personne a un poids particulier sur une communauté particulière », poursuit Jean-Pierre Camby.
Ne ratez rien des élections législatives 2024Comme le précise le professeur de droit : « Les sanctions pénales sont postérieures à l’élection, donc les candidats ou leurs supporteurs n’y attachent pas beaucoup d’importance au moment du vote. Mais, déliées du contentieux de l’élection à proprement dit, elles sont loin d’être négligeables. »
Quelles conséquences, enfin, en cas d’infraction avérée au code électoral ? L’article L89 de ce dernier prévoit notamment « une amende de 3.750 euros ». Toutefois, Jean-Christophe Ménard assure n'avoir connaissance d' « aucune décision de justice qui ait appliqué cet article ».
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