nfpMarine Tondelier, la gauche à la recherche de sa nouvelle star

Legislatives 2024 : Marine Tondelier est-elle la meilleure arme du Nouveau Front populaire pour le second tour ?

nfpDans cette campagne législative express, Marine Tondelier, secrétaire générale d’Europe Ecologie Les Verts, s’impose comme une nouvelle figure de proue médiatique et politique. Au point de changer les choses pour le second tour ?
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Marine Tondelier, secrétaire générale d’Europe Ecologie Les Verts, semble en train de réussir un pari quasi-impossible : faire consensus chez les électeurs de gauche.
  • Assez inconnue avant les législatives anticipées, la politicienne s’est imposée dans cette campagne à grands coups d’interventions médiatiques chocs et d’un maître-mot : l’union.
  • Cette montée en puissance peut-elle faire pencher la balance pour le second tour des législatives ?

«Je connais les valeurs du Rassemblement national et leurs méthodes dégueulasses, et j’ai appris trois choses : ne jamais baisser la tête, ne jamais baisser les yeux, ne jamais baisser les bras […] Alors oui, on va se battre, on va se battre ensemble et on va gagner. On compte sur vous et vous verrez que vous pouvez compter sur nous ».

Place de la République, ce dimanche soir de gueule de bois pour la gauche, Marine Tondelier conclut son discours sous une trombe d’acclamations. Presque une routine désormais pour la secrétaire générale d’Europe Ecologie Les Verts (EELV). La quasi-totalité de ses interventions a suscité l’enthousiasme des électeurs de gauche lors de cette campagne express des législatives.

Manque d’incarnation à gauche

Rien que dans la séquence politique post-résultat du premier tour, la révélation politique 2024 a multiplié les discours masterclass aux yeux de sa base. D’abord en appelant clairement sur France 2 à un front républicain, s’opposant sur ce point à Aurore Bergé (Renaissance). Puis avec ce discours Place de la République, et enfin ce matin encore, au bord des larmes face au « Ni Ni » de Bruno Le Maire. De la colère, de l’émotion, de la fermeté et des convictions, de quoi s’imposer médiatiquement.

Cet agenda bien chargé illustre d’ailleurs le nouveau poids pris en trois semaines. Au point d’être la nouvelle figure choisie par le Nouveau Front populaire (NFP) pour débattre face à Gabriel Attal et Jordan Bardella lors du débat de l’entre-deux-tours, après Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard. Pas de doute, la politique tient une nouvelle star : « Elle a explosé dans cette campagne, et c’est une bonne nouvelle pour la gauche qui manque d’incarnation à part Jean-Luc Mélenchon, une figure beaucoup moins consensuelle », assure Christian Delporte, historien politique qui voit d’ailleurs Marine Tondelier comme une sorte de portrait inversée de l’Insoumis.

De l’unité et de la compétence

« Elle joue l’unité à fond, sans polémique et avec réalisme. C’est l’une des rares à dire que la gauche n’aura de toute manière pas de majorité, là où La France insoumise fait encore semblant d’y croire », détaille le spécialiste. Autre différence majeure pour le spécialiste, une absence totale d’ambition personnelle au profit de la cause commune. Preuve en est, avoir accepté de rester à Hénin-Beaumont, « où elle savait qu’elle n’avait aucune chance face à Marine Le Pen ».

Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université Lille-2 et chercheur au CNRS spécialiste de la gauche, complète les louanges : « C’est une personnalité compétente, diplomate, posée et qui a joué un rôle très important dans le lien entre PS et LFI. »

Les réseaux sociaux s’enflamment

Sur Twitter, l’écologiste a même son fan-club, avec un compte Twitter La veste verte de Marine Tondelier, plus de 3.000 followers, qui partage ses meilleures interventions et punchlines. Derrière ces vidéos dont certaines atteignent plusieurs centaines de milliers de vues, se cache Alexis, 35 ans et sympathisant EELV, bien heureux de « constater un engouement » pour son compte depuis le début des législatives.

Il vante chez son idole un profil politique « avec beaucoup d’atouts sur le fond et la forme. Elle est très claire, directe et calme dans ses interventions et ça fait du bien : elle n’est ni timorée ni outrancière. Enfin le plus important peut-être : c’est la seule femme cheffe de parti à gauche, et elle a trouvé son style personnel bien à elle très vite, loin de tout stéréotype de genre. »

« Ça reste une personnalité de second plan »

La gauche compte indéniablement une nouvelle tête au-dessus de la mêlée, mais est ce suffisant pour amener une dynamique victorieuse au second tour ? Rémi Lefebvre met le frein à main : « Ce n’est pas une présidentiable et ça reste une personnalité de second plan ». Sa plus grande force, son sens du sacrifice personnel, demeure sa faiblesse. En restant à Hénin-Beaumont quitte à perdre à coup sûr, « elle n’a pas d’attache locale, elle n’est pas députée, elle perd en poids électoral », poursuit l’expert. Preuve de ce poids encore plume hors des électeurs de gauche, Jordan Bardella et Gabriel Attal ont refusé de débattre avec elle, voulant s’attaquer à un plus gros morceau.

Sophie Jehel, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-8, pointe une deuxième limite de taille : « Le problème, c’est la fascination des médias pour Mélenchon. La place des femmes a été écrasée ces derniers temps dans les débats télévisés, aussi compétente soit Marine Tondelier. »

L’ombre pesante de Mélenchon

Le boss de la France Insoumise semble de son côté assez peu décidé à mettre son ombre écrasante en retrait ni à rester silencieux. Encore aujourd’hui, un tweet au vitriol du vieux duc désignait Manuel Bompard comme le candidat du NFP à mettre face à Jordan Bardella.

La politique des législatives se prête de toute manière assez peu au jeu de l’homme, ou la femme en l’occurrence, providentielle. Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et politologue, détaille : « La personnalité des candidats compte bien sûr, mais l’effet, hormis la présidentielle ou dans leur circonscription locale, est très marginal. Les votes correspondent à des logiques profondes, des ancrages sociologiques et territoriaux, des considérations idéologiques. Donc je ne vois pas Marine Tondelier en “game changer”. »

Aussi fraîche et consensuelle soit-elle, l’écologiste n’empêchera donc certainement pas au Nouveau Front populaire une défaite annoncée et probablement inévitable. Reste que « c’est un acte de naissance politique fort », pour Christian Delporte. Et ça, dans le climat politique actuel, c’est déjà pas mal pour la gauche.