Au Hellfest, on « laisse les emmerdes (et les législatives) à la porte »

Législatives 2024 : Au Hellfest, « on essaye de laisser les emmerdes à la porte » (de l’enfer)

La politique se tape l’incrusteEntre deux riffs de guitare, les métalleux du Hellfest parlent-ils politique ? Avant le premier tour des législatives, dimanche, « 20 Minutes » s’invite dans le quotidien des Français pour savoir si ces élections monopolisent les conversations
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • «20 Minutes » s’incruste dans les fêtes de village, les mariages, les kermesses d’école et tous ces évènements qui rassemblent les Français et les Françaises loin de l’actualité politique. Mais celle-ci y fait-elle irruption dans le contexte des législatives ?
  • Au premier jour du Hellfest, le gros festival de métal de Clisson (Loire-Atlantique) qui dure jusqu’à dimanche, certains essayent « se laisser vivre » après avoir fait leur procuration pour les législatives anticipées, tandis que d’autres se sentent beaucoup moins concernés.
  • « On essaye de laisser les emmerdes à la porte », confie un festivalier pas épris de politique.

A Clisson (Loire-Atlantique),

Une pinte de bière, cinq pintes d’eau. C’est la technique d’Adrien pour ne pas finir totalement torché au Hellfest, qui a démarré ce jeudi à Clisson (Loire-Atlantique) sous un ciel étouffant. Mais le Strasbourgeois, un bandana noir noué sur la tête, ne maîtrise pas tout. « Je ne pourrais peut-être pas éviter la gueule de bois de dimanche soir, confie le jeune homme de 34 ans. Moi, j’ai fait ce que j’avais à faire, j’ai fait ma procu, mais bon… Il ne me reste qu’à me mettre du gros son dans la gueule en attendant. »

Attendu par certains depuis plusieurs années, le plus grand festival de musiques extrêmes d’Europe (qui se déroule sur quatre jours) tombe mal cette fois pour les festivaliers préoccupés par la politique. D’abord parce qu’il a fallu parfois faire des pieds et des mains pour trouver une personne à qui confier son vote pour les législatives anticipées, à moins de rater le dernier jour de l’événement.

Fanny et Quentin, venus en couple de banlieue parisienne, ont missionné des amis « qui vont devoir se taper une heure de route parce qu’ils ne sont pas dans le même bureau que nous ». Mais ils les ont convaincus. « C’était inimaginable pour moi de ne pas voter, raconte la jeune femme. Depuis la dissolution, j’y pense tous les jours. Là, on va essayer de se laisser vivre un peu, de débrancher, même si ce n’est pas évident… »

« Relou » de parler politique ici

Pour Morgane aussi, la tâche est rude. L’intermittente du spectacle venue de Bordeaux fulmine quand elle s’aperçoit que la moitié de son groupe de potes, assis en rond dans l’herbe, n’a pas fait de procuration malgré le message qu’elle leur a envoyé sur leur groupe Whatsapp. « Ça me désole de me dire que personne ne se rend compte que si le RN passe, ce sera la fin de nombreux événements culturels qui vont tous se casser la gueule », confie celle qui votera pour le Nouveau Front populaire.

Mais difficile d’aller plus loin dans la discussion. Ses amis ne l’écoutent pas vraiment, ils ne sont pas venus ici pour ça. « Hier [mercredi], au camping, un mec est venu nous parler d’une histoire de drapeau de la Palestine à l’Assemblée, illustre un garçon de la bande. Il avait un peu bu et nous aussi, mais on lui a dit d’arrêter, que c’était relou… » « On essaye de laisser les emmerdes à la porte », résume un autre.

Plutôt Babymetal qu’Attal

Devant les scènes ou dans la queue pour se ravitailler en bières ou en Muscadet, c’est vrai qu’on entend plutôt les noms de Metallica, Foo Fighters ou Babymetal que de Bardella, Mélenchon ou Attal. Il faut dire que certains festivaliers, même s’ils sont amis dans la vie, ne sont parfois pas sur la même longueur d’ondes et ce n’est pas au Hellfest que l’on va se fâcher. Vincent, agriculteur retraité du vignoble nantais, va voter pour le RN et il ira lui-même mettre son bulletin dans l’urne dimanche dès l’ouverture de son bureau.

Notamment pour les positions du parti sur l’immigration, qui permettront « que tout se passe mieux en France », selon celui qui « sortira son portable dès 20 heures, en plein concert », pour regarder les résultats. Un avis que ne partage pas du tout Thierry, qui l’accompagne. « Mais je le respecte, justifie le sexagénaire, bouchons dans les oreilles. Ce ne sont pas mes valeurs mais vous savez, j’ai beaucoup plus confiance en mon ami qu’en les hommes politiques. On partage les mêmes galères, la hausse des prix, tout ça… Et quand j’ai un coup dur, je peux compter sur lui. »

Mais dans la foule, tout le monde n’a pas forcément un avis sur la question. Au contraire. Corentin Charbonnier, docteur en anthropologie et passionné de métal rapportait à 20 Minutes il y a quelques mois que si « le public de gauche » était majoritaire parmi les festivaliers de Clisson, un tiers était sans opinion politique (et moins de 3 % se disait d’extrême droite), selon l’une de ses récentes études.

Audrey, Vincent et Julie feront partie des abstentionnistes. « Les politiques ne font que se tirer dans les pattes pour ensuite trouver des petits arrangements, estiment-ils. Qu’ils montrent l’exemple au lieu de nous punir. Le chaos, c’est eux qui l’ont créé. »