Nouvelle-Calédonie : Après la dissolution, quid de la réforme électorale tant contestée ?
retour à la case départ ?•Pour les indépendantistes la dissolution de l’assemblée nationale rend le projet de loi constitutionnelle caduc et ils espèrent qu’il sera abandonné. Le rapporteur du projet dit croire à une adoption possible du texte, mais celle-ci semble improbable20 Minutes avec AFP
Il avait mis le feu au « Caillou ». Le projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral en Nouvelle-Calédonie semble plus que jamais dans l’impasse voire « caduc » après la dissolution de l’Assemblée nationale, ce qui redonne de l’espoir aux indépendantistes.
« Le président a perdu la main, c’est nous qui l’avons maintenant et nous disons qu’il faut aller vers des élections provinciales avec un corps gelé », souligne Daniel Goa, président du principal parti indépendantiste, l’Union calédonienne (UC), même s’il ne considère pas cette dissolution comme « une victoire ». « La mobilisation n’est pas finie », poursuit le responsable.
Le projet de loi enterré ?
Le projet de réforme, qui a provoqué des violences sans précédent depuis les années 1980, vise à élargir le corps électoral (gelé depuis 2007) aux scrutins provinciaux, cruciaux sur le territoire. Environ 25.000 électeurs, natifs ou résidents depuis dix ans, pourraient intégrer la liste électorale, au risque de marginaliser le peuple autochtone kanak, accusent les indépendantistes.
Après les votes du Sénat le 2 avril et de l’Assemblée le 14 mai, le projet doit encore être adopté par le Parlement réuni en Congrès à Versailles.
Pour le Parti de libération kanak (Palika), l’affaire est entendue : « nous pouvons convenir ensemble que les élections européennes auront eu raison de la loi constitutionnelle », écrit-il dans un communiqué publié mercredi. « Il faut que chacun admette désormais » que cette réforme « et le calendrier qui lui est adossé sont bel et bien caducs », poursuit ce mouvement indépendantiste modéré, en appelant à « lever les barrages et les blocages ». « L’heure doit être à la reconstruction de la paix et du lien social », souligne le Palika.
Une adoption possible ?
Le député Renaissance sortant Philippe Dunoyer, qui a annoncé se représenter aux législatives, compte lui « restaurer à tout prix les discussions pour parvenir par consensus à un accord » entre loyalistes et indépendantistes, même s’il n’ignore pas les « difficultés » à venir.
Rapporteur du projet de loi à l’Assemblée, le macroniste Nicolas Metzdorf dit continuer de croire à une adoption possible. « Le texte reste dans le circuit (…). On verra si le président ou la nouvelle majorité voudront passer le texte au Congrès », a-t-il indiqué sur Nouvelle-Calédonie La 1re.
« En théorie, il serait tout à fait envisageable de pouvoir poursuivre le processus de révision constitutionnelle ultérieurement, une fois que l’Assemblée nationale sera de nouveau constituée », note Léa Havard, maître de conférences en droit public à l’université de la Nouvelle-Calédonie.
Mais, pointe-t-elle, « il est mentionné à l’article 2 que la révision constitutionnelle entrera en vigueur le 1er juillet 2024. Or il sera impossible d’adopter ce texte avant » cette date, faute de députés pour le voter en Congrès aux côtés des sénateurs, puisque les législatives ont lieu les 30 juin et 7 juillet.
« On pourrait imaginer adopter cette révision constitutionnelle fin juillet ou en août », une fois les députés élus, « même si elle mentionne une entrée en vigueur début juillet. D’un point de vue strictement juridique, ce n’est pas impossible. Mais d’un point de vue politique, ça n’a pas vraiment de sens », développe la professeure.
Le RN a récemment revu l’ensemble de sa doctrine calédonienne, après avoir été l’un des plus virulents contempteurs des accords de Matignon en 1988 et de celui de Nouméa dix ans plus tard.
Alors que Marine Le Pen considérait « définitif » le résultat du troisième référendum sur l’indépendance en 2021 – boycotté par les indépendantistes, qui ne reconnaissent pas la victoire du « non » –, elle a suggéré en mai une nouvelle consultation d’ici « quarante ans ».