CAMPAGNEFace au RN, les macronistes dramatisent les européennes d’entrée

Européennes 2024 : Face au RN, les macronistes dramatisent d’entrée

CAMPAGNELe camp présidentiel était tout entier rassemblé pour son lancement de campagne européenne à Lille, ce samedi
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Valérie Hayer, la tête de liste de la coalition gouvernementale, lançait sa campagne européenne à Lille, ce samedi.
  • Elle et les leaders macronistes ont passé l’après-midi à attaquer le RN, large favori des sondages.
  • L’Ukraine, la dramatisation des enjeux ont aussi marqué ce début de campagne européenne devant tout au plus 2.500 personnes.

De notre envoyée spéciale à Lille

« Valérie Hayer, je crois pas que vous connaissez… » Non effectivement, pas grand monde ne connaît la tête de liste macroniste pour les européennes. Heureusement, le service slogans et drapeaux de Renaissance s’est démené pour trouver des chansons entraînantes pour tenter de lever l’ambiance du Grand Palais de Lille, en configuration très petit palais (4.000 personnes annoncées, au mieux 2.500). Il y a donc eu la reprise du tube sur Benjamin Pavard de l’été 2018, il y a eu le très efficace « Et pour l’Europe allez Hayer », ou encore « Chalalalalala, Besoin d’Europe ! », le nom de la liste.

Il fallait bien ça pour égayer l’ambiance d’un meeting aux discours « graves » sur fond d’un « enjeu qui n’a jamais été aussi important » et de « menace de mort » sur l’Europe. A trois mois jour pour jour du scrutin, et donc encore très loin de la fin de la campagne, les macronistes ont fait le choix de dramatiser les enjeux de l’élection d’entrée. « Il y a des moments dans l’histoire où les faits parlent plus que la démagogie », a jugé François Bayrou qui, avec Edouard Philippe, a axé leurs discours sur l’international et la guerre en Ukraine.

Deux listes et puis c’est tout

« Nous ne pouvons pas rester spectateurs », a dit le maire de Pau. Dans une formule à l’arrogance très macronienne, le maire du Havre a lui jugé que « la raison européenne est menacée de mort (…) quand les opinions publiques sont abruties par les réseaux asociaux. » Ils ont tous les deux pointé du doigt les vrais faux soutiens à l’Ukraine en forme de « oui mais… » pour affirmer la liste macroniste, – cela a été plusieurs fois répété tout au long de l’après-midi comme la seule proeuropéenne du paysage.

Car pour la coalition gouvernementale, il n’existe pas d’autre offre politique que la sienne et celle du Rassemblement national, « la plus antieuropéenne ». L’ombre de Jordan Bardella a plané pendant tout le meeting. Gérald Darmanin, d’abord, a tenté de dénoncer le tourisme électoral de Marine Le Pen qui ne vient dans le Nord qu’en TGV… Mais devant une salle en partie remplie par un TGV affrété spécialement pour l'évènement depuis Paris, l’argument a manqué de consistance. C’est Gabriel Attal, très applaudi, jamais meilleur que quand il combat ses adversaires, qui a lancé les plus grandes offensives contre une extrême droite, dépeinte en parti de l’étranger.

Le RN parti de l’étranger

« Ils nous disent ''la France revient''. Mais de quel droit parlent-ils au nom de la France ?, s’est demandé le chef du gouvernement. Ce sont eux qui ont quitté la France. Où étaient-ils partis ? Au bal de Vienne à danser avec des néonazis ? Dans un congrès identitaire à chanter avec les antisémites ? A Moscou pour chercher l’approbation de Vladimir Poutine ? Sur un tabouret du Starbucks de la Trump Tower pour négocier un selfie avec Donald Trump qu’elle n’aura jamais réussi finalement à avoir. »

Pour Gabriel Attal, même si le RN a passé son programme « à l’adoucissant », il est prorusse et pro-Frexit : « Ils ont toujours dit non à l’Europe. La seule différence maintenant, c’est qu’ils le cachent un peu et que le non s’est transformé en niet. » Plus macroniste que jamais, le Premier ministre a aussi repris avec succès une formule qu’Emmanuel Macron avait lancée à la foule lors de sa première campagne présidentielle en parlant du FN : « Ne les sifflez pas, combattez-les ! »

Apprentissage difficile pour Valérie Hayer

Pourtant bien chauffée par Gabriel Attal, la salle, malgré toute l’énergie déployée par les Jeunes avec Macron, a peiné à se réveiller pendant le discours de la candidate, Valérie Hayer. Lente, monocorde, le regard accroché à son prompteur, l’eurodéputée a la circonstance atténuante de la première. Et puis les discours et performances scéniques des femmes politiques sont toujours jugés à l’aune de ceux des hommes qui ont fixé les références très subjectives de ce qu’est un « bon meeting » ou un « bon discours ». Mais Valérie Hayer devra faire mieux pour retenir les militants, dont quelques poignées ont choisi de quitter la salle bien avant la fin de son discours. Et retenir les électeurs, aussi.

Trop rarement la tête de liste aura réussi à définir un peu positivement l’Europe qu’elle veut. Elle a défendu un bilan européen d’après elle, d’abord marqué par les objectifs présidentiels du discours de La Sorbonne, en tout début de premier mandat. « Le pacte vert, on l’a fait. Protéger nos enfants des dérives du numérique, on l’a fait. Le plan de relance pour nos emplois, pour notre économie, pour tous les Français, on l’a fait. L’Europe de la défense, chimère il y a cinq ans, une réalité aujourd’hui, on l’a fait. La PAC préservée pour nos agriculteurs, on l’a fait. »

Mais Valérie Hayer, elle aussi, a plutôt passé son temps à se définir par rapport au RN en dramatisant les enjeux sur fond de guerre en Ukraine : « Hier Daladier et Chamberlain, aujourd’hui Le Pen et Orban. Les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes débats. Nous sommes à Munich en 1938. (…) Il est minuit moins une. » Citer son principal adversaire toutes les deux phrases, voici un départ en campagne qui défie toutes les conventions en la matière. Mais les macronistes, dix points derrière le RN dans les sondages, ont-ils le choix ?