Guerre en Ukraine : Quelles différences à gauche avant le débat à l’Assemblée ?
POINT DUR•La question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan et à l’UE n’est peut-être pas le plus gros point de désaccordRachel Garrat-Valcarcel
L'essentiel
- Mardi, le gouvernement organise un débat et un vote sur la guerre en Ukraine, et notamment l’accord de sécurité entre Paris et Kiev.
- L’ancienne Nupes n’affichera pas un front uni.
- Mais la vraie différence ne se trouve peut-être pas là où on le croit.
S’il y a bien un domaine où les partis de gauche s’astreignent méthodiquement à cultiver leurs différences, c’est la politique étrangère. La Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ne s’est-elle pas brisée dans les jours suivant l’attaque du Hamas en Israël, le 7 octobre ? Dans ce contexte, le débat que le gouvernement organise mardi à l’Assemblée nationale sur la guerre en Ukraine a tout du piège pour les ex-alliés.
D’autant que – c’est assez rare pour le souligner – il y aura un vote à l’issue du débat de mardi. Un vote assez symbolique sur l’accord signé il y a quelques semaines entre Macron et Zelensky, lors de la venue du dirigeant ukrainien à Paris, mais qui va tracer des lignes de front dans l’hémicycle. A gauche, la ligne passe assez clairement entre les socialistes et les écologistes d’un côté, et les communistes et les insoumis de l’autre. Mais sur quelle base ?
« Non » et « Oui… »
Ce qui va décider le vote mardi, c’est surtout la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan et à l’Union européenne. LFI et le PCF sont contre, le PS et EELV sont pour. Le sujet sert d’ailleurs de clivage assez commode aux listes de gauche dans le début de la campagne des élections européennes du 9 juin. Mais il faut tendre l’oreille et écouter attentivement écolos et socialistes : leur « oui » est plus un « oui… on verra ».
« Qu’il y ait des perspectives d’adhésion, ça participe du rapport de force avec la Russie, explique Olivier Faure, le premier secrétaire du PS. Mais il y a ce qu’on dit et ce qu’on fait… On déterminera ce qu’il en est réellement quand ça négociera effectivement entre Russes et Ukrainiens. » Autrement dit : viendra peut-être un jour où cette question se marchandera dans d’hypothétiques négociations de paix. « On soutient l’ouverture d’un processus. Mais il y aura des conditions », prévient Cyrielle Châtelain, la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, avec en tête le risque de dumping social et agricole massif de l’Ukraine.
« Pas malin », « immature », « inquiétant »
Sur la question de l’aide militaire à l’Ukraine, à quelques modulations près, tout le monde est plutôt d’accord. Sur la question des troupes au sol en Ukraine, l’union de la gauche se refait même la cerise : tous les leaders interrogés condamnent les propos « pas malins » (Olivier Faure), « immatures » (Cyrielle Châtelain), « inquiétants » (Manuel Bompard) du président de la République sur la forme et sur le fond. Aucun des partis de gauche ne semble vouloir envoyer des troupes combattantes en Ukraine, ni aujourd’hui, ni demain.
La vraie différence relève, au fond, du pronostic sur la suite de la guerre. La France insoumise, qui demande une conférence de paix, ne croit tout simplement pas à une issue militaire favorable à l’Ukraine. « La paix dépend du rapport de force sur le terrain, c’est certain, et aujourd’hui l’Ukraine est en difficulté, reconnaît Manuel Bompard. Mais qu’est-ce qui vous fait penser que dans un an ou deux le rapport de force sera différent ? »
Tranchées
Socialistes et écolos considèrent que mener une conférence de paix aujourd’hui avec la Russie serait entrer dans un jeu de dupes. « On a bien vu avec le Donbas en 2014, c’était le prélude de ce qu’il se passe aujourd’hui : trouver un accord ne règle pas tout, rappelle Cyrielle Châtelain. La Russie ne veut pas arrêter la guerre, elle est là et on assume d’être en soutien. »
Ce n’est pas une nuance, c’est une vraie différence, qui devrait largement être entretenue pendant la campagne des européennes entre le camp qualifié de « Munichois » (qui veut négocier une « fausse paix », comme la France et le Royaume-Uni avec l’Allemagne nazie à Munich en 1938) et les autres « va-t-en-guerre atlantistes ». Chacun assure pourtant être très tranquille. « Je ne cherche le clivage avec personne. L’Ukraine sera un axe de campagne comme un autre », prévient Olivier Faure. « Je pense que la position qu’on défend est largement majoritaire dans la population », croit Manuel Bompard. Les tranchées sont creusées.
À lire aussi