Tout comprendre à l’annonce de suppression du « droit du sol » à Mayotte

Mayotte : Tout comprendre à l’annonce de suppression du « droit du sol » sur l’île

gouvernementGérald Darmanin a annoncé dimanche une révision constitutionnelle destinée à supprimer le droit du sol sur l’île française de l’océan Indien
Thibaut Le Gal

T.L.G.

L'essentiel

  • Gérald Darmanin était ce week-end en déplacement à Mayotte pour répondre à la crise qui touche l’île française depuis plusieurs semaines.
  • Le ministre de l’Intérieur a annoncé une révision constitutionnelle destinée à supprimer le droit du sol.
  • Cette mesure, qui vise à enrayer l’immigration illégale, a-t-elle des chances d’aboutir ?

Selon Gérald Darmanin, il s’agit d’une « décision radicale ». Le ministre de l’Intérieur a annoncé dimanche une révision constitutionnelle destinée à supprimer le droit du sol à Mayotte. « Il ne sera plus possible de devenir français si on n’est pas soi-même enfant de parent français » sur cette île française de l’océan Indien, a-t-il indiqué.

Cette mesure, qui agite la classe politique, vise à répondre à la crise qui touche le 101e département de France depuis plusieurs semaines. Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il cette suppression ? Quelles conséquences politiques ? On fait le point.

Le « droit du sol », quésaco ?

Le « droit du sol » permet à un enfant né sur le territoire français, de deux parents étrangers, d’obtenir la nationalité à sa majorité. Il doit alors « résider en France à la date de ses 18 ans et avoir sa résidence habituelle dans le pays pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans », précise le site vie publique. La nationalité peut être obtenue plus tôt, sur demande des parents (entre 13 et 16 ans) ou sur demande personnelle (entre 16 et 18 ans). Ce « droit du sol » permet donc de devenir Français au même titre que le « droit du sang », lorsque au moins un des parents possède la nationalité française.

Quelle est la situation à Mayotte ?

Depuis plusieurs semaines, l’île est paralysée par des barrages routiers installés par des « collectifs citoyens ». Ces derniers protestent contre l’insécurité et l’immigration « incontrôlée ». Depuis plusieurs années, le département le plus pauvre de France est confronté à l’arrivée de nombreux immigrés comoriens et d’autres pays d’Afrique. Face à cette crise migratoire, le droit du sol a déjà été durci en 2018. Depuis cette date, pour devenir Français lorsqu’on naît sur l’île, il faut que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en France depuis au moins trois mois, un cas unique sur le territoire. « L’application de la loi Collomb de 2018 a déjà permis de diviser par trois le nombre de demandes accordées », justifie-t-on au ministère de l’Intérieur. En 2018, 2.800 mineurs ont obtenu la nationalité française au titre de droit du sol à Mayotte. Ils n’étaient plus que 799 en 2022, selon le ministère.

Mais Gérald Darmanin souhaite aller plus loin, estimant que la suppression du droit du sol « coupera littéralement l’attractivité » que peut avoir l’archipel mahorais pour l’immigration clandestine. En 2022, 10.730 enfants sont nés de mères domiciliées à Mayotte, et 44 % de ces enfants ont deux parents étrangers. « L’augmentation de la natalité laisse envisager des demandes plus élevées quand ces mineurs seront en âge de solliciter cette procédure », estime-t-on dans l’entourage du ministre pour justifier cette annonce. Selon l’Insee, près de la moitié de la population de Mayotte (310.000 habitants) ne possède pas la nationalité française.

Une réforme constitutionnelle peut-elle aboutir ?

Gérald Darmanin a confirmé qu’un projet de loi serait déposé à l’Assemblée nationale « dans les semaines qui viennent ». Une rencontre avec les ministres concernés à l’Elysée était d’ailleurs prévue en fin d’après-midi ce lundi pour dessiner les contours de la révision constitutionnelle nécessaire. Cette initiative divise la classe politique. Elle est depuis dimanche très critiquée par la gauche, qui y voit « une remise en cause dangereuse de notre Histoire et des principes fondateurs de la République ». A l’inverse, le Rassemblement national, Reconquête et Les Républicains ont plutôt salué cette annonce à l’image d’Eric Ciotti, demandant au passage la suppression du droit du sol sur tout le territoire français.

« La suppression du droit du sol à Mayotte va dans le bon sens mais c’était sans compter sur le ''en même temps'' macronien », a nuancé le patron de la droite sur X. « Le ministre de l’intérieur annonce aussi la fin des visas territorialisés à Mayotte et ouvre les portes de la métropole aux détenteurs d’un titre de séjour sur l’archipel ». En clair, la droite met sous pression l’exécutif. Echaudée par la censure du projet de loi immigration, elle ne devrait pas faire de cadeau au gouvernement sur la révision constitutionnelle à venir. Les élus LR savent très bien que pour modifier la Constitution lors d’un vote en Congrès, leurs voix seraient déterminantes.