Rachida Dati, le retour fracassant d’une femme « d’énergie » et d’une figure du sarkozysme
portrait•Rachida Dati, maire du VIIe arrondissement de Paris, a été nommée jeudi ministre de la Culture, deux ans avant les municipales où elle ambitionne de conquérir Paris20 Minutes avec AFP
«En Marche, c’est quoi ? C’est des traîtres de gauche et des traîtres de droite », lâchait Rachida Dati sur France Inter en juin 2021. Reste que la nouvelle ministre de la Culture tourne le dos ce jeudi aux Républicains et, en rejoignant Emmanuel Macron, elle suit les pas d’autres collègues du parti comme Edouard Philippe, Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin. Et ce, deux ans avant les municipales. La maire du VIIe arrondissement, qui ambitionne de conquérir Paris a annoncé, elle-même, sa nomination surprise rue de Valois à des élus LR parisiens, avant l’officialisation par l’Elysée.
La nouvelle ministre de la Culture n’a pas peur des formules chocs. En politique, « elle a un caractère combatif, elle est déterminée », relève un ancien collaborateur. « Objectivement, on peut dire qu’elle fonce. La question est de savoir si elle voit un mur ou pas », ajoute-t-il pour résumer l’avocate de 58 ans, fille d’un maçon marocain et d’une mère au foyer algérienne, propulsée sur le devant de la scène par Nicolas Sarkozy.
Sarkozy, Carlos Ghosn et Simone Veil
Si l’ancien président a rendu hommage à son « énergie inépuisable », le caractère bien trempé de l’ancienne Garde des Sceaux ne lui a pas attiré que des amitiés – « elle a ses humeurs », résume diplomatiquement un élu. Rachida Dati est « une femme d’engagement, d’énergie, qui toute sa vie s’est battue pour obtenir ce qu’elle voulait obtenir », a salué pour sa part Gabriel Attal, ce jeudi soir sur TF1. Et le nouveau Premier ministre a mis en avant la « présomption d’innocence », alors que l’élue parisienne est mise en examen depuis juillet 2021 pour « corruption » et « trafic d’influence passif par personne investie d’un mandat électif public » dans l’enquête sur des contrats noués par une filiale de Renault-Nissan, quand Carlos Ghosn en était le PDG. Rachida Dati nie, elle, toute irrégularité.
Son nom est aussi cité dans une enquête sur les accusations d’enlèvement, séquestration et torture d’un lobbyiste franco-algérien, qui visent notamment le patron du PSG Nasser Al-Khelaïfi. La mairie du VIIe arrondissement avait été perquisitionnée dans cette affaire fin juin 2023.
Née le 27 novembre 1965, la nouvelle ministre de la Culture issue d’une famille de 12 enfants et élevée dans une HLM de Chalon-sur-Saône, n’a jamais caché son ambition. Sa famille, comme ses mentors Albin Chalandon ou Simone Veil, brossent le portrait d’une jeune femme payant ses études grâce au travail (vendeuse en grande surface, aide soignante, etc.) et frappant avec culot aux portes les plus prestigieuses pour décrocher stages ou emplois.
Rachida Dati vs Anne Hidalgo
Couvée par Nicolas Sarkozy dont elle fut la conseillère et la porte-parole de campagne, elle sort de l’ombre par la grande porte en mai 2007 en accédant, à 41 ans, au poste de garde des Sceaux (jusqu’en 2009). Si elle décroche sa statue de cire au musée Grévin, son caractère et ses méthodes lui valent l’hostilité du monde judiciaire, jusqu’à l’exaspération de collaborateurs qui finissent par démissionner. Ses apparitions dans les magazines people, sa grossesse savamment médiatisée – jusqu’à son retour au ministère, cinq jours après l’accouchement – irritent aussi.
Poussée contre son gré au printemps 2009 dans la campagne européenne, elle est élue députée à Strasbourg mais ne cache pas son ennui : « Je suis obligée de rester là, de faire la maligne », soupire-t-elle. Puis, élue en 2008 maire du VIIe arrondissement, elle était restée un peu en retrait des projecteurs jusqu’à se lancer dans la course à la mairie de Paris.
Pugnace mais clivante, symbole de la diversité, Rachida Dati entretient une relation carrément houleuse avec la maire de Paris Anne Hidalgo. Il faut dire que l’ex-eurodéputée a échoué en tant que tête de liste LR aux municipales de 2020 face à Anne Hidalgo. Et cette dernière reste sa cible privilégiée, comme après son récent déplacement en Polynésie française qui a fait polémique. Une Anne Hidalgo qui a immédiatement réagi après sa nomination : « Je souhaite bon courage aux acteurs du monde de la culture compte tenu des épreuves qu’ils vont traverser. »