Loi Immigration : Le point sur la sécession de nombreux départements et communes
Révolte•Trente-deux départements ont annoncé ne pas vouloir appliquer le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l’allocation personnalisée d’autonomie, prévu par le texte20 Minutes avec AFP
L’exécutif a fait passer la loi Immigration après une commission mixte paritaire (CMP) pilotée par la droite. Depuis, le gouvernement fait face à une crise majeure. Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a démissionné et plusieurs dizaines de députés de la majorité se sont désolidarisées du texte. Mais à l’échelle locale aussi, le texte fait grincer des dents. Trente-deux départements ont annoncé ne pas vouloir appliquer le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), et ont été rappelés à l'ordre par le président de Départements de France François Sauvadet. Des villes ont adopté le même discours. 20 Minutes fait le point pour vous sur cette fronde.
Qui sont les départements concernés ?
Emboîtant le pas au Lot et à la Seine-Saint-Denis, les premiers à avoir ouvert la fronde, les départements gérés par des exécutifs de gauche (PS, PRG, EELV et DVG) rejettent la « préférence nationale » prévue, selon eux, par la loi adoptée mardi à l’Assemblée nationale avec les voix du Rassemblement national.
Voici tous les départements qui font sécession : la Gironde, le Lot, le Lot-et-Garonne, le Tarn, le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne, les Landes, les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales, l’Ariège, la Dordogne, la Charente, la Nièvre, la Meurthe-et-Moselle, l’Aude, l’Hérault, le Gers, la Haute-Vienne, le Pas-de-Calais, la Haute-Saône, les Côtes-d’Armor, l’Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, le Gard, la Lozère, la Seine-Saint-Denis, Paris, Lyon, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Saint-Martin.
Mais selon Michel Verpeaux, professeur émérite de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne, les départements qui contourneraient la loi « s’exposent à des annulations des tribunaux administratifs que pourront saisir les préfets s’ils ne respectent pas la loi ». « On peut penser que le gouvernement s’en remettra au Conseil constitutionnel pour nettoyer ce qui n’est pas conforme à la Constitution, mais s’il valide cette disposition, la loi deviendra obligatoire et les départements seront obligés de l’appliquer », a-t-il précisé.
Quelles villes ont tenu le même discours ?
La fronde s’est également étendue aux maires de grandes villes, qui appellent de leurs vœux une censure du Conseil constitutionnel. « Cette loi sur l’immigration, quel déshonneur. Quelle tache pour notre République ! », a déclaré la maire PS de Lille Martine Aubry.
« Ce texte est une défaite morale sous la dictée de l’extrême droite », a jugé la maire de Nantes Johanna Rolland (PS). Autre édile socialiste, Mathieu Klein a assuré que sa ville, Nancy, serait préservée « de toute discrimination en raison de la nationalité dans l’accès aux prestations et aux dispositifs d’aides sociales dont nous avons la charge ». « L’Histoire se souviendra de qui a mis en ordre de marche les idées de l’extrême droite dans la loi et dans les esprits », a tweeté Bruno Bernard, président EELV de la métropole de Lyon. La maire écologiste de Strasbourg Jeanne Barseghian a, de son côté, dénoncé « une bascule sans précédent ». Enfin, la maire communiste de Montreuil (Seine-Saint-Denis), ville de 110.000 habitants dont une grande partie est issue de l’immigration, a annoncé mettre ses drapeaux en berne pour protester contre la loi.
Le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), l’une mesure prévue par la nouvelle loi particulièrement contestée par ces élus, fait toutefois partie des prérogatives des départements, pas des villes.
Comment a réagi le gouvernement ?
La fronde des départements et de certaines villes n’a pas plu au gouvernement. Ce jeudi, le ministre de l’Economie a critiqué ces initiatives. « La loi s’impose à tous, surtout quand on est élu par le peuple français », a déclaré Bruno Le Maire sur CNews et Europe 1. C’est « très sympathique de mettre la main sur le cœur, de dire "je vais m’opposer", mais il y a une démocratie […]. Il est bon que tout le monde respecte les décisions de la souveraineté populaire, en particulier les élus », a-t-il lancé.
François Sauvadet a également rappelé à l'ordre ces frondeurs. Le Conseil constitutionnel « n'a pas encore rendu sa décision » et par conséquent « nous ne pouvons connaître, à l'heure qu'il est, la teneur de la loi immigration qui sera promulguée », a-t-il souligné dans une déclaration transmise à la presse. Quel que soit le verdict, le président UDI du département de Côte-d'Or, à la tête d'une association des Départements de France majoritairement de droite, n'entend pas déroger à la règle. « Mon engagement est ferme : une fois la loi en vigueur, elle sera appliquée dans un strict respect des institutions républicaines », a-t-il prévenu.