CONCERTATIONPour revenir à la table d’Emmanuel Macron, la gauche pose ses conditions

Sommet politique : Continuer ou pas ? La gauche pose ses conditions

CONCERTATIONSi la réunion de mercredi soir s’est bien passée, les partis de gauche ne se sentent nullement engagés dans un processus duquel ils ne pourraient plus sortir
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Après la première réunion entre les chefs et cheffes de partis et l’exécutif, la gauche pose des conditions pour revenir.
  • Parmi les membres de la Nupes, on ne se sent pas du tout prisonnier d’un éventuel processus qui se serait mis en marche mercredi soir à Saint-Denis.
  • Pour la plupart d’entre eux, il faudra du concret pour les convaincre.

C’est l'une des surprises de la réunion au sommet organisé par Emmanuel Macron avec les chefs et cheffes de partis mercredi soir : tout le monde est resté jusqu’à la fin, y compris la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Dans un premier temps, Manuel Bompard pour LFI, Marine Tondelier pour EELV et Olivier Faure pour le PS avaient annoncé ne pas vouloir rester dîner. Finalement, il s’agissait d’un plateau-repas pour continuer les discussions. Mais quand même : certains proches des trois se sont étonnés de ne pas voir leur chef(fe) sortir plus tôt, alimentant les blagues dans les boucles de messages de plusieurs directions de partis.

Deux jours plus tard, les partis de gauche sont tous formels : ce n’est pas parce que cela a duré douze heures, et dans une ambiance correcte, qu’on les a amadoués. « J’ai déjà fait ce genre de rendez-vous avec Emmanuel Macron, je vois bien le style, assure la députée européenne LFI Manon Aubry. Chacun prend la parole tour à tour, tout le monde le fait dans le respect et sérieusement. Mais on se demande bien à quoi ça peut aboutir. Les dîners mondains, ce n’est pas vraiment notre genre. » Côté écolo, dans « une démarche républicaine, on n’est pas opposé à ce genre de discussions », explique la porte-parole d’EELV, Aminata Niakaté. Mais, comme les autres, elle relativise la portée de ce qui apparaît comme un petit succès présidentiel : « Douze heures de réunion qui aboutissent à la formation de groupes de travail, c’est un peu léger… »

De l’écologie et du concret

Sauf que du côté de l’Elysée, l'enthousiasme est de mise, et on a déjà annoncé qu’une nouvelle réunion du même type devrait bientôt se tenir. Dès jeudi, Marine Tondelier, la secrétaire nationale d’EELV, expliquait à 20 Minutes que ce n’était pas si évident. Surtout, ça ne sera pas sans conditions, pour la plupart des partis de gauche. La cheffe des écolos s’est dite presque meurtrie d’avoir été la seule, prétend-elle, à poser les questions d’écologie, de protection de l’environnement et de réchauffement climatique. Alors pour Aminata Niakaté, c’est clair : « pour qu’on revienne une deuxième fois, il faut que ces questions soient cette fois clairement inscrites à l’ordre du jour. »

« On ne pourra pas revenir si on a aucune réponse concrète à nos propositions », dit sans ambages Manon Aubry, qui précise que Manuel Bompard l’a dit à la fin de la réunion. PS et PCF sont plus attentistes. Le socialiste Pierre Jouvet, « dans le même flou après qu’avant la réunion », ne met comme condition lointaine « que ça serve à quelque chose. Si tout ça n’est qu’un grand bavardage qui se reproduit tous les trimestres, on se posera la question. On attend de voir concrètement les propositions de travail sur la table. » Enfin, le communiste parisien Ian Brossat rappelle que son parti n’est pas, en principe, « un partisan de la politique de la chaise vide ».

Pas de piège

Mais après cette première réunion vue comme un petit succès pour Emmanuel Macron, et avec une seconde invitation qui chauffe, les partis de gauche ne se sont-ils pas déjà dans un train en marche ? « On ne se sent prisonnier de rien !, affirme Ian Brossat. On se rendait à cette réunion en toute lucidité et sans aucune illusion. » « Si aucune de nos propositions n’est entendue ou reprise, ça ne sera pas plus dur de quitter la seconde réunion que la première », juge Pierre Jouvet. « On ne restera pas pour tenir la chandelle entre les droites qui discuteront d’un référendum sur la question migratoire », ajoute-t-il.

Bref, pas de piège ni d’engagement particulier, juge la gauche, d’autant que Manon Aubry croit que la Nupes (enfin LFI, PS et EELV), a joué le jeu sérieusement, avec ses 14 propositions. « On a fait le choix de rester jusqu’au bout pour tout balayer. Maintenant, la balle est de son côté, pas du nôtre. Le problème, c’est qu’on voit à quel point il est hors sol. Les sujets que l’on a abordés, comme le coût de la rentrée et l’inflation de manière plus générale, lui sont complètement étrangers. »

Enfin, à l’exception des communistes - qu’on sent plus que moyennement engagés dans l’union des gauches -, ce qui les décidera en partie de revenir, c’est la coordination avec le reste de la Nupes. « On bosse ensemble, on en discute, c’est fluide », assure Pierre Jouvet, qui voit bien LFI, PS et EELV prendre leur décision « de manière commune ». Et si Emmanuel Macron arrive à fluidifier la coordination dans la Nupes, c’est donc que le sommet de mercredi n’aura pas totalement été inutile pour la gauche.