« Il y a eu un mensonge de Marlène Schiappa, face aux Français »

Fonds Marianne : « Il y a eu un mensonge de Marlène Schiappa, face aux Français »

conclusionsLa commission d’enquête sénatoriale a présenté jeudi son rapport à la suite des auditions sur le fonds Marianne
Cécile De Sèze

C.d.S

«Entre désinvolture et désintérêt. » Voici comment qualifie Jean-François Husson, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur le fonds Marianne, l’attitude de Marlène Schiappa. Après les auditions notamment de l’ancienne ministre déléguée à la Citoyenneté, de son ancien directeur de cabinet Christian Gravel, de Mohamed Sifaoui, d’Ahlam Menouni, présidente de « Reconstruire le commun », les conclusions de la commission présentées jeudi sont sans appel.

Marlène Schiappa a menti. Si ce n’est pas à la commission de se prononcer sur un éventuel parjure de l’actuelle secrétaire d’Etat à l’Economie sociale et solidaire, cette dernière a bien menti au moins dans la presse. « Lorsqu’on dit qu’on n’a pas participé, en rien à la sélection [des associations pour le fonds Marianne], au vu des commissions d’enquête, il n’y a pas de doute, c’est tout au moins une phrase malheureuse », commente ainsi Claude Raynal, le président de la commission d’enquête. « S’il y a eu un propos mensonger de la ministre, il y en a eu un face aux Français, face à la presse », insiste-t-il.

« Fait du prince »

Dès les premières révélations concernant l’attribution des subventions dans le cadre du fonds Marianne, créé en 2021 à la suite de l’assassinat de Samuel Paty pour lutter contre le séparatisme sur les réseaux sociaux, Marlène Schiappa a soutenu qu’elle n’était jamais intervenue. Mais le calendrier dit autre chose. « Il apparaît très clairement que le cabinet de la ministre et la ministre ont outrepassé leur rôle, en appuyant la candidature de l’USEPPM [Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire, association de Mohamed Sifaoui] », soulignent ainsi les sénateurs, selon lesquels cette subvention avait été déjà envisagée « en amont de la création et de l’annonce du fonds Marianne ».

Autre problème : Contrairement à ce qu’elle a toujours soutenu, Marlène Schiappa est bien « intervenue pour revenir sur le comité de sélection » et notamment sur le choix de SOS Racisme, finalement écartée des associations retenues pour le fonds Marianne. « La sélection des projets était arrêtée après le 21 mai », mais « un mail daté du 1er juin indique la décision d’exclure cette association prise lors d’une réunion avec la ministre », pointe la commission d’enquête. L’attribution d’une subvention de 20.000 euros à une autre association à la place de SOS Racisme « relève du fait du prince », juge encore la commission.

Mensonges et « coup politique »

Ainsi, « au cours des auditions, on a constaté beaucoup de témoignages contradictoires, d’ajustements, de reprises de termes pour tenter de contourner cette réalité. Il ne nous appartient pas d’être des juges. […] S’agissant de la ministre, nous l’avons auditionnée pendant trois heures […] elle s’est largement défaussée sur l’administration et elle a eu beaucoup de pertes de mémoire. Certaines prises de parole sont consternantes et affligeantes », tacle Jean-François Husson.

« Nos travaux dressent le tableau des échecs de la politique menée par le gouvernement, tranche la commission. Oui, certaines associations ont fait un travail de fond, réel et ne sauraient être mises en cause. Mais le label du fonds Marianne devient un fardeau, je dirais même un boulet attaché à l’allégorie de la République. Nous regrettons les conséquences de cette affaire, et il nous faut souhaiter qu’en dépit de l’image désastreuse, aucun des acteurs ne se décourage de défendre le message de la République contre le séparatisme », souffle Jean-François Husson. « Le manque de rigueur, l’opacité et la désinvolture ont conduit au fiasco » du fonds contre le séparatisme, selon la commission, qui le qualifie de « coup politique ».