DROITEAurélien Pradié, l'aventure en solitaire du « poil à gratter » de la droite

Les Républicains : Aurélien Pradié, un « poil à gratter » toujours plus isolé ?

DROITELe député du Lot, évincé de son poste de vice-président LR lors de la bataille sur la réforme des retraites, trace son sillon pour refonder une « droite populaire »
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Ces derniers mois, Aurélie Pradié est devenu, à droite, l'une des figures de l'opposition à la réforme des retraites, au grand dam de la direction de son parti.
  • Pour avoir incarner cette fronde, le député du Lot a été évincé en février de son poste de vice-président LR par Eric Ciotti, qui lui reprochait « une aventure personnelle ».
  • L'élu LR réunit ses soutiens à Paris ce samedi pour « rebâtir » la droite en parlant aux classes populaires. Ses détracteurs le jugent plus isolé que jamais.

«Désolé, il ne m’intéresse pas ». Laconique, cette réponse d’un cadre LR illustre bien l’agacement, au sommet des Républicains, concernant le cas Aurélien Pradié. L’épisode des retraites, durant lequel le député du Lot a navigué contre sa direction, a engagé la rupture. Les cadors feignent désormais l’ignorance, quand le trublion a choisi l’échappée solitaire.

Pour oublier la séquence qui lui a coûté son poste de numéro 2, il a entamé « un tour de France » afin de défendre ses idées sur le travail, sans demander l’avis de personne. « Ils m’ont redonné ma liberté, donc maintenant, ils assument. Même si je crois qu’ils le regrettent un peu… », sourit Aurélien Pradié. Ce samedi, il réunit ses soutiens aux Invalides, à Paris. Une manière de répondre à ceux qui le disent plus isolé que jamais.

« Il peut y avoir des combattants, aussi, à droite »

En s’opposant fermement à l’impopulaire réforme du gouvernement avec quelques collègues, Aurélien Pradié a pris la lumière à l’Assemblée nationale et dans les médias. Une position et une notoriété qui lui ont valu de nombreuses inimitiés au sein de sa famille. « Au moment où on recherchait l’unité, il est arrivé comme un poil à gratter avec une voix dissonante, qui a troublé notre message. Il a agacé pas mal de collègues, ça a laissé des traces… », souffle Eric Pauget, député des Alpes-Maritimes. Intraitable sur la question des carrières longues, Aurélien Pradié a matraqué, pendant des semaines, une réforme « injuste ».

Les tensions ont atteint un point de rupture lors du dernier jour de l’examen du texte, le 17 février, à l’Assemblée nationale. Soutien du texte gouvernemental, le patron de LR, Eric Ciotti, s'énerve alors de voir son collègue acclamé par les membres de la Nupes et lui fait savoir. « Ne me montre pas du doigt comme ça, Eric ! Tu fais ce que tu veux, mais ne me montre pas du doigt, il y a des limites ! », réplique l’intéressé. Le lendemain, un communiqué le démet de son poste de vice-président. « On ne peut pas être numéro 2 et dire absolument le contraire du numéro 1 dans un moment crucial. Cela nous a causé un tort considérable », siffle Othman Nasrou, vice-président d’Ile-de-France et premier secrétaire général délégué du parti.

Aurélien Pradié assume d’avoir incarné haut et fort la fronde interne, et voté la motion de censure du groupe Liot. « Beaucoup de gens sont venus me voir en me disant, ''merci d’avoir tenu bon''. Ils étaient heureux de voir qu’à droite aussi, il y avait du caractère, dit l’élu de 37 ans. C’était le moment, avec mes amis, de poser une forme de tempérament politique, de montrer qu’il n’y a pas que Mélenchon et Le Pen qui tenaient bon. On a montré qu'il peut y avoir des combattants aussi à droite ».

« Cette drague insistante de la Macronie, c'est un poison lent »

Revendiquant « une droite de caractère », Aurélien Pradié entend maintenant la refonder en s’opposant frontalement au pouvoir macroniste… ce qui ne lui semble pas toujours être la position de son parti. « Cette drague insistante, ce tango qui revient tous les trois mois, est insupportable, dit-il. C’est un poison lent. Si nous nous effaçons derrière Macron, les seuls qui incarneront encore demain des repères stables seront l’extrême droite et l’extrême gauche ». Elu à deux reprises dans une circonscription de gauche, ce partisan d'une « droite sociale », chiraquien revendiqué, estime vital de reparler aux catégories populaires, en allant au-delà des thématiques traditionnelles.

« Aujourd’hui, la droite administre un héritage, et dès que c’est compliqué, on revient sur la sécurité ou l’immigration…, soupire le député du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger. Le parti n’est pas un clan ou un club, il faut porter une vision globale sur l’agriculture, l’industrie, l’environnement, l’éducation… Autant de sujets sur lesquels la droite n’est plus audible », ajoute ce proche de Pradié.



« Pas d'avenir pour la droite CGT »

Au sein de LR, beaucoup ironisent sur le rassemblement de ce samedi autour de Pradié, s'amusant d'un « petit pot de fin d’année entre une poignée d’élus ». « Il a été surmédiatisé pendant les retraites, puis l’effet Pradié est passé. Qu’il essaye de continuer à exister, c’est normal », pique Eric Pauget. « Je ne crois pas qu’il y ait d’avenir pour la droite CGT », ironise Othman Nasrou. Un député LR ajoute : « La droite sociale est déjà incarnée par Xavier Bertrand. Lui, je ne sais pas ce qu'il incarne, à part peut-être lui-même... ».

Mais Aurélien Pradié a l’habitude des coups. Et s'en amuse. « J’ai eu toutes les maladies : on m’a traité d’abruti, de type de gauche car élu du Lot, de mec qui veut passer à la télé, de candidat à la présidentielle, et maintenant d’avoir la grosse tête. Une fois qu’ils auront fait le tour de toutes les pathologies, qu’ils ont souvent eux-mêmes, ça leur passera ». Lui aussi aime distribuer les gifles, avec cette gouaille qui désespère si souvent ses aînés. Réfutant tout isolement, l'élu hausse les épaules sur les tensions des derniers mois. « Prenez nos deux derniers présidents, Chirac et Sarkozy. Ils rebâtissent la droite après un acte de rupture, dit-il. Ça ne s’est jamais fait dans la tendresse et la tiédeur, c’était d’une violence absolue. A côté, je suis un enfant de chœur ».