ESQUIVEEmmanuel Macron peut-il rester en retrait sur la réforme des retraites ?

Réforme des retraites : Emmanuel Macron peut-il rester « en retrait » des débats ?

ESQUIVELes oppositions demandent au président de la République « de se mouiller » en prenant plus clairement la parole sur sa réforme des retraites, tandis que la mobilisation contre le texte ne faiblit pas
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Contestée dans la rue, la réforme des retraites est actuellement en débat au sein du Sénat.
  • Depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macorn se tient à distance du sujet, laissant sa Première ministre et son gouvernement en première ligne.
  • Les opposants au texte accusent le président de la République de se « planquer ». Ce dernier préfère déjà se projeter sur la suite de son quinquennat.

Après une journée de mobilisation record contre la réforme des retraites, la pression s’accentue sur l’exécutif. Sur les pancartes des manifestants comme dans les discours politiques, un homme est ciblé : Emmanuel Macron. L’intersyndicale a aussi demandé à être « reçue en urgence » par le chef de l’Etat, mardi soir, pour qu’il « retire » son projet de loi. « Le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique », ont dénoncé les partenaires sociaux dans un communiqué. Car Emmanuel Macron reste bien discret sur le sujet, laissant sa Première ministre Élisabeth Borne et son gouvernement en première ligne.

Samedi soir, le président de la République a été filmé dans les rues de Kinshasa, tout sourire, une bière à la main, aux côtés de personnalités congolaises. Alors qu’il ponctuait une tournée diplomatique dans quatre pays d’Afrique centrale, la scène a été largement critiquée par l’opposition française, à quelques jours de l’importante journée de grève contre son projet de loi. « Il se planque, il se cache. […] Il a été élu sur son programme […] donc il devrait parler », a taclé le député LFI Manuel Bompard mardi sur BFMTV. « Le président doit se mouiller, c’est lui le porteur de la réforme. On voit bien qu’il est en retrait pour ne pas être éclaboussé par le rejet », a abondé le député socialiste Jérôme Guedj ce mercredi sur France 2.

Ces dernières semaines, le chef de l’Etat n’a évoqué ce point central de son projet présidentiel que lors de micros tendus par la presse à l’occasion de déplacements, sur le marché de Rungis ou au salon de l’Agriculture. « On ne peut pas lui reprocher de faire tout, tout seul, et dans le même temps d’être trop absent, balaye François Patriat, le patron des sénateurs Renaissance. Je sais bien que pour certains Macron porte tous les péchés du monde, mais est-ce qu’on disait aussi que de Gaulle se planquait, lorsqu’il laissait faire le Parlement ? »

Emmanuel Macron se projette déjà sur l’après-réforme

Dans cette logique, l’Elysée n’a d’ailleurs pas répondu favorablement à la demande d’entretien des syndicats. Et alors que l’examen du texte se poursuit au Sénat jusqu’au 12 mars, le président de la République ne semble pas décidé à prendre la parole. « Il a toujours eu une position claire sur le sujet, il ne s’est jamais caché », évacue Prisca Thévenot, députée des Hauts-de-Seine et porte-parole de Renaissance. « Il nous donne le cap et n’empiète pas sur le rôle du Parlement et du gouvernement. »

L’intéressé semblait d’ailleurs un poil agacé des questions sur ce sujet lors de son voyage en Afrique. « J’ai déjà fait plusieurs commentaires sur cette réforme des retraites qui a fait partie de mon engagement présidentiel. Je ne vais pas ici […] faire de nouveaux commentaires sur les commentaires », a-t-il répliqué, ajoutant : « Tout n’est pas suspendu à une seule chose et tout ne doit pas l’être. » Le président entend déjà se projeter sur l’après-réforme, au risque de se voir accusé d’enjamber la mobilisation sociale.

Ainsi, son hommage national à Gisèle Halimi à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes ce mercredi a suscité la controverse. L’un des fils de l’avocate féministe et la présidente de son ancienne association, « Choisir la cause des femmes », ont dénoncé une « instrumentalisation politique » et boycotté la cérémonie présidentielle pour mieux soutenir les manifestations consacrées aux retraites des femmes organisées sur le territoire.

« En parlant, Macron ne ferait que crisper encore plus »

Pour sortir de la crise sociale, Jean-Luc Mélenchon a appelé Emmanuel Macron à « trouver une sortie par le haut », proposant une dissolution ou un référendum. Cette dernière piste est également poussée par le Rassemblement national. Mais dans la majorité présidentielle, on mise plutôt sur un texte validé par le Parlement, d’ici le 26 mars, qui pourrait décourager le mouvement social. « La légitimité appartient au Parlement, pas à la rue », siffle François Patriat. A la sortie du Conseil des ministres, ce mercredi, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a, lui aussi, évoqué « l’après », en insistant sur la nouvelle loi Travail, prévue au printemps.



« On a intérêt à lancer dans le pays une grande introspection sur le travail, la production de valeurs. Il faut partir du quotidien des Français pour se projeter vers l’avenir, reconstruire un contrat social », plaide Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Ces promesses sur le « bon emploi », nouveau mantra de l’exécutif, visent à faire oublier la potion amère des retraites, toujours massivement rejetée dans l’opinion publique. Le chef de l’Etat ne devrait pas changer de stratégie de sitôt, comme la confirme un de ses proches : « En parlant aujourd’hui, Emmanuel Macron ne ferait que crisper encore plus les gens. Il faut qu’il préserve sa parole. » Un constat que semble avoir fait le chef de l’Etat.