CAPFace à la colère, la macronie reste inflexible sur les retraites

Réforme des retraites : En Macronie, les trois façons de dire que les manifs ne changent rien

CAPQu’ils contre-attaquent, croient toujours en la pédagogie ou aient abandonné l’idée de convaincre, dans la majorité, les manifs - même records - ne changent rien
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Les syndicats ont organisé mardi leur plus forte journée de contestation dans la rue de ces trente dernières années, avec 1,27 million de manifestants comptabilisés, d’après la police.
  • Cette mobilisation face à la réforme des retraites est-elle en mesure de faire vaciller le gouvernement ou la majorité ?
  • Pas vraiment, si l’on en croit les témoignages de députés recueillis par 20 Minutes.

«Atteints », « fébriles », « perdus », « démoralisés »… Le portrait des députés et députées de la majorité dépeints par celles et ceux de la Nupes, au lendemain de la seconde journée de mobilisation contre la réforme des retraites, mardi, ne fait pas dans la dentelle. Il faut dire que la mobilisation non plus n’a pas fait dans la dentelle : il y avait 1,27 million de personnes dans la rue en ce 31 janvier, selon le ministère de l’Intérieur. Soit, même d’après les chiffres de la police, la plus grosse journée nationale de mobilisation sociale de ces trente dernières années en France. De quoi en ébranler plus d’un.

La gauche ne se prive d’ailleurs pour tenter de déstabiliser ses adversaires : « Il faut quand même féliciter la rapporteuse et la présidente de la Commission, qui ont réussi à avoir chacune 15.000 personnes dans la rue dans leurs circos ! », rient en chœur Hadrien Clouet, député LFI, et Arthur Delaporte, député PS, à la sortie d’une séance de la Commission des affaires sociales, où est examiné le texte cette semaine. Alors, démoralisée, la majorité ? 20 Minutes est allé demander à plusieurs de ses membres si la très forte mobilisation et les sondages changent la donne dans le dossier des retraites. Spoiler : non, en aucun cas. Mais de trois manières différentes.

Celles et ceux qui ne font plus semblant

« Faut pas être naïfs, on n’arrivera pas à avoir une majorité de Français avec nous ». L’aveu est signé Robin Reda, député Renaissance (RE) de l’Essonne. Et il n’est pas le seul : parmi plusieurs députés, on sent l’envie d’assumer une « réforme impopulaire », « difficile », qui « inquiète ». « On ne vendra jamais du rêve avec cette réforme », ajoute le député MoDem du Finistère Erwan Balanant. Dans ce contexte, faire sortir deux fois en quinze jours plus d’un million de personnes dans la rue, « ce n’est pas que ça ne change rien, mais ça nous incite à poser le débat de manière différente », affirme le député Horizon Paul Christophe, chargé des retraites dans son groupe. En clair, l’argumentaire se concentre désormais sur l’objectif d’équilibre du système de retraites et, in fine, sur le sauvetage dudit système.

« Le Conseil d’orientation le dit bien : si on ne fait rien, effectivement, on revient à l’équilibre en 2070. Mais après avoir accumulé 1.000 milliards d’euros de dette ! », explique le député du Nord. C’est la stratégie « il n’y a pas d’alternative », qui paraît plus efficace à certains et aurait dû être utilisée dès le départ : « Peut-être qu’on a fait une erreur en ne parlant pas assez d’équilibre, il fallait démonter les arguments sur la non nécessité de la réforme », pense Erwan Balanant. Exit donc l’argument de la justice ? « Vouloir pérenniser le système de retraites par répartition est en soi une mesure de justice », balaye Paul Christophe.

Celles et ceux qui contre-attaquent

C’est un peu la « tactique Darmanin ». Dimanche, dans une interview au Parisien, le ministre de l’Intérieur y est allé particulièrement fort contre la gauche. La Nupes « n’est qu’une arnaque » qui « ne cherche qu’à bordéliser le pays » avec sa stratégie d’obstruction. Ce n’est pas tout : sur le fond, la Nupes et LFI représentent « ce gauchisme paresse et bobo » qui aurait un « profond mépris de la valeur travail que défendent les ouvriers et les classes populaires ». « Il tient un discours de vérité », appuie Prisca Thévenot, députée RE des Hauts-de-Seine et porte-parole du groupe macroniste.

Pour elle, la gauche joue le « pourrissement du débat car ils ne sont pas prêts, ils n’ont pas d’arguments ». La députée francilienne ne fait pas partie de celles et ceux qui considèrent que la bataille de l’opinion est déjà perdue. « Il y a un gros bruit qui se met en place, orchestré par LFI et la Nupes en général. Mais on est qu’au début, le débat de fond arrive et la Nupes le refuse. »

Et si bien sûr « la mobilisation doit être entendue et pas méprisée », la députée invite à regarder ailleurs : « Oui, chez ceux qui descendent dans la rue, il y a de l’angoisse et de la colère. Mais pourquoi on ne parle pas de tous les autres ? »

Celles et ceux qui croient encore à la pédagogie

C’est sans doute plus le cas d’un Gabriel Attal, en charge de l’Action et des comptes publics. Dès mardi soir, au sortir de la seconde journée de mobilisation, le ministre qui monte a assuré dans le 20 Heures de TF1 qu’il n’était « jamais trop tard pour se parler ». « Les syndicalistes font leur job », explique, très serein, le député MoDem Philippe Vigier, chef de file de son groupe sur la réforme des retraites. « Il faut la faire, la pédagogie, dit-il. Elle est tellement compliquée cette réforme ! » Pour lui, il est encore temps de contrer les « mensonges » de la gauche : « On ment en disant que les aides-soignants partiront à 64 ans. Oui, tout le monde devra travailler un peu plus longtemps, mais il y a des avancées dans ce texte ! Sur la pénibilité, sur les 1.200 euros minimum [pour les carrières complètes uniquement], même si cela a été un peu banalisé… »



Mais la position du pédagogue est-elle encore vraiment tenable quand la Première ministre elle-même a annoncé, dimanche, que le recul de l’âge de départ à 64 ans était « non négociable » ? « Quand elle dit ça, Élisabeth Borne ne renonce pas à la pédagogie, croit le député du Loir-et-Cher. Mais on doit redire que ce n’est pas 64 ans toute de suite en 2023, ça sera progressif. » D’ailleurs, le MoDem propose une clause de revoyure sur la réforme en 2027. « On ne tient pas un cap borné, mais avec des étapes. Les syndicats, eux, veulent juste annuler la réforme… » Problème : l’abcès de fixation, ce sont bien les 64 ans. Car ça, pour le coup, c’est très simple à comprendre.