SANS GENEEmmanuel Macron, champion du monde de la récup

Coupe du monde 2022 : Emmanuel Macron, déjà champion du monde de la récup

SANS GENEMondial au Qatar ou pas, qu'il en fasse trop ou pas, le succès des Bleus offre un boulevard de récupération politique au président
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L’image a un air de déjà-vu. Emmanuel Macron, debout, extatique, les bras levés, dans un stade de la Coupe du monde de football. C’était mercredi soir, au Al-Bayt d’Al-Khor, au Qatar, pour France-Maroc. C’était déjà le cas, quatre ans plus tôt, au stade Loujniki de Moscou, en Russie, pour France-Croatie. Le président de la République n’a, disons, pas de fausses pudeurs à marquer sa joie devant les victoires de l’équipe de France masculine de football. Depuis son élection, il s’en montre même carrément proche. Sans même parler de la précédente Coupe du monde, le président tweete sur les Bleus, a plusieurs fois fait le voyage à Clairefontaine avant les grandes compétitions, et montre sa proximité avec les leaders du vestiaire, notamment Kylian Mbappé, dont on sait qu’il a le 06.

La récupération politique du sport, et le plus souvent du football, ce n’est évidemment pas Emmanuel Macron qui l’a inventé. « Mais il s’est beaucoup mis en scène avec le football, beaucoup plus que ses prédécesseurs, remarque Florian Silnicki, président-fondateur de l’agence de communication La French Com. Car le football est un levier de communication indéniable pour le président de la République et les autres politiques. Montrer qu’ils s’y intéressent, c’est une manière de signifier qu’ils sont ancrés dans la réalité, dans les passions des Français. » Au fond, quand il lève les bras dans le stade, Emmanuel Macron vous explique qu’il est un gars comme vous. Et puis le sport, le foot, c’est tout un tas de valeurs positives facilement mobilisables.

Pas nouveau

Si on remonte un peu dans le temps, on a bien sûr en tête d'autres images : celles de Jacques Chirac chauffeur de salle pour la Coupe de France… euh la Coupe du monde lors de la garden-party à l’Elysée le 14 juillet 1998, qui paraissent presque modérées. Et que dire des quelques mots de François Mitterrand après la finale de l’Euro 1984 au Parc des Princes, premier titre international du football français ? C’était pourtant, déjà, de la récupération. « François Mitterrand ne tombera jamais dans la ''futilité'' de dire quelle équipe il supporte, mais il mettra en scène sa passion pour le sport. Il y a par exemple plein de photos de lui avec le journal ''L’Equipe'' à son bureau », rappelle Florian Silnicki.

Mais ce Mondial 2022 n’est pas tout à fait comme les autres. Il a lieu au Qatar, dans une dictature où, entre autres, les droits des femmes et des personnes LGBT sont bafoués. Où le tournoi est organisé au prix d’une gabegie écologique monstrueuse. Et où plus de 6.000 travailleurs migrants, selon les estimations, on trouvé la morts dans les chantiers. Pourtant, dès le départ, le boycott - au moins diplomatique - de l’évènement n’a visiblement jamais été une option pour le chef de l’Etat. Pas gêné, Emmanuel Macron a même salué mercredi soir la « très bonne » organisation de la compétition.


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Tant que ça gagne…

Il faut dire que le succès sportif des Bleus rend la position du président très « confortable » croit Florian Silnicki : « La performance sportive est une échappatoire car elle permet de ne plus avoir à se prononcer sur la politique. Le débat est désormais sportif , et les Français pourraient même lui reprocher de gâcher la fête. » Et ça, Emmanuel Macron l’a bien en tête : interrogé jeudi matin à son arrivée au sommet européen de Bruxelles, il a indiqué « assumer totalement » sa présence au match, se félicitant de l’échec des appels au boycott. « Dire ''j’assume'' c’est sa façon constante de gérer les crises », remarque notre communicant.

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Si vous trouvez qu’il en fait trop, sur le fond comme sur la forme, dites-vous que le combat est perdu d’avance. De toute façon, « le football est un marqueur fort pour Emmanuel Macron. S’associer à fond aux Bleus peut lui être plus favorable qu’à d’autres, et les excès sont moins dommageables. » Les critiques risquent donc d'être inaudibles (Marine Le Pen a notamment regretté les félicitations au Qatar, dans le contexte de scandale de corruption qui met en cause l’émirat au Parlement européen). D’autant plus si le plan se déroule comme prévu, avec une troisième étoile accrochée au maillot tricolore dimanche soir.

Pas trop vite

En cas de succès face à l'Argentine, le président aura-t-il sa place dans le carré VIP de la liesse populaire ? Nous serions - comme d’habitude - mi-juillet, on ne se poserait pas de question : ce serait la fête sur les avenues, notamment sur « la plus belle », les Champs-Elysées. Mais par 2 °C, un 18 décembre ? De quoi limiter et la fiesta, et les bonnes opinions sondagières qui pourraient suivre ? Emmanuel Macron a beau forcer au max son soutien à l’équipe de France, tous ces efforts pourraient rapidement être réduits à néant. Aussi rapidement qu’était descendu le bus des tout frais champions du monde en 2018. Sur les Champs, encore une fois, et pas à cause du froid glacial. L'idée était simplement d'arriver au plus vite à l’Elysée pour les 20 Heures. Si triomphe il y a dimanche, il faudra cette fois prendre son temps. Car donner l’impression de « confisquer » la victoire, voilà qui peut-être dangereux pour un président.

Surtout, la victoire en Russie avait été vite effacée par l’affaire Alexandre Benalla – la première grosse ornière du mandat macronien –, révélée trois jours après le titre des Bleus. L’ancien chargé de mission à l’Elysée était présent dans le fameux bus des champions du monde 2018. Et, comme si l'Histoire bégayait, le voici qui a, dans un tweet diversement apprécié, a annoncé cette semaine « préchauffer le bus » en vue d'une victoire dimanche. Cette fois, les possibles « trouble-fête » pour Macron sont déjà listés, ils arrivent début janvier : la réforme des retraites et les possibles coupes de courant. Qui pourraient bien jeter un froid sur une éventuelle fièvre bleue.