Incident raciste à l’Assemblée : Qui est le député girondin RN Grégoire de Fournas ?
PolEmique•Ce viticulteur et chasseur médocain est encarté au RN depuis 2011Elsa Provenzano
L'essentiel
- Le député Girondin Grégoire de Fournas a lancé « qu’il(s) retourne (nt) en Afrique » lors de la prise de parole d’un député LFI sur SOS Méditerranée, ce jeudi, provoquant une interruption de séance.
- Elu en juin dernier aux côtés d’Edwige Diaz, ce viticulteur girondin de 37 ans semble plus proche du courant lepéniste historique que de la nouvelle version du parti incarnée par Marine Le Pen.
- Le député qui a été élu conseiller départemental en 2015 avait déjà suscité quelques remous localement.
EDIT de 17H : Le bureau de l’Assemblée nationale, a proposé vendredi l’exclusion durant 15 jours du député RN Grégoire de Fournas. L’Assemblée a validé cette proposition par un vote assis-debout dans la foulée.
« Qu’il(s) retourne (nt) en Afrique ! » Avec cette phrase lancée alors que le député noir Carlos Martens Bilongo (LFI) posait une question relative aux actions de SOS Méditerranée pour secourir des personnes naufragées en mer, le député Grégoire de Fournas (RN) a provoqué une interruption de séance à l’Assemblée Nationale mercredi.
Ce viticulteur girondin de 37 ans, élu en juin dernier aux côtés de la députée girondine Edwige Diaz, crie à la manipulation politique et explique dans un mail d’excuse envoyé à Carlos Martens Bilongo qu’il parlait « du bateau et des migrants » et pas de son collègue député. Alors qu’Edwige Diaz apparaît comme la bonne élève de l’entreprise de « dédiabolisation » du RN engagée par Marine Le Pen, le comportement de Grégoire de Fournas rappelle, lui, les sorties de Jean-Marie Le Pen.
Proche du courant « lepéniste »
Fervent défenseur de la chasse, Grégoire de Fournas possède avec son père le Château Vieux Cassan, à Saint-Germain d’Esteuil dans le Médoc. Il a adhéré au Front National en 2011. S’il a été élu député en même temps qu’Edwige Diaz, étoile montante du RN, ils ne sont pas très proches, sur le plan humain, et ne partagent pas exactement la même conception de l’action politique. Jean Petaux, politologue bordelais, en veut pour preuve la « réaction tardive d’Edwige Diaz qui ne s’est pas précipitée pour lui accorder son soutien ».
Bruno Paluteau, conseiller régional RN en Nouvelle-Aquitaine, reprend les éléments de langage utilisés par la patronne de son parti pour venir au secours du député mais n’est pas très à l’aise. « Il y a tellement dans cette Assemblée Nationale, parfois, des échauffourées verbales et quand le débat démocratique s’échauffe, on ne peut que regretter des incompréhensions, dans l’émotion et la passion. On ne nous fait pas de cadeaux ». Si pour Marine Le Pen, l’invective renvoyait aux « migrants transportés en bateaux », Bruno Paluteau estime, lui, qu’elle désignait les bateaux et pas les personnes. « Ce sont des drames humains que ces ONG, souvent mafieuses, exploitent », commente-t-il.
Les propos de Grégoire de Fournas embarrassent la nouvelle version du parti d’extrême droite, plus policée, défendue par Marine Le Pen. « Il est représentatif de ce qui constitue un substrat encore très important du RN, que j’appellerais la branche du Front National (FN) tendance canal historique c’est-à-dire, lepéniste, estime Jean Petaux. Jean-Marie Le Pen assumait, sous des modes variés, une forme d’outrance et de langage volontairement politiquement incorrect, qui en faisait un variant idéologique et politique. »
Avec cette interpellation à l’adresse du député LFI, certains élus comme Thierry Trijoulet, premier secrétaire fédéral du PS en Gironde, pense que les masques tombent. « Loin des prises de paroles feutrées et de la contrainte à mesurer leurs propos pour faire bonne figure, les élus du Rassemblement National, à travers Grégoire de Fournas, montrent ainsi leur vrai visage, celui du racisme primaire, de la discrimination, de l’exclusion, de la violence et de la haine. »
Une « personnalité clivante »
Grégoire de Fournas a été élu conseiller départemental en 2015 avec son binôme Sonia Colemyn. Cette dernière aurait demandé au président du Département de pouvoir siéger à l’autre bout de l’hémicycle pour s’épargner une certaine emprise psychologique. C’est peu dire alors qu’au sein même de son parti, il n’a pas l’air de faire l’unanimité. « Il a une forme de personnalité clivante et il n’est pas dans l’ère d’un RN où le R serait non seulement rassemblement mais aussi renouveau », commente le politologue Jean Petaux. Bruno Paluteau met cependant en avant que Grégoire de Fournas a pris les devants pour éviter que le député Carlos Martens Bilongo ne pense qu’il s’agissait d’une attaque personnelle : « Il l’a regretté et a été s’excuser », souligne-t-il.
Dans un communiqué, Jean-Luc Gleyze, président (PS) du département de la Gironde a réagi ce vendredi à l’incident survenu à l’Assemblée nationale : « Ces propos racistes rappellent cette séance du 17 octobre 2016 au cours de laquelle TOUS les élus du Conseil Départemental, debout et toutes tendances confondues, avaient voté l’accueil réussi de 36 migrants au domaine d’Hostens, à la suite du démantèlement des camps de fortune de Calais. Tous les élus sauf… le même individu, qui avait tenu des propos analogues, odieux, racistes, xénophobes, indignes d’une représentation républicaine, provoquant la colère et l’émotion de nos collègues issus de l’immigration espagnole, portugaise ou italienne. »
Une pétition a été lancée, par des ex-LREM, pour que Grégoire de Fournas démissionne de son poste de député.
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