Grève du 18 octobre : A l’Assemblée aussi, un climat « chaud bouillant »
recit•L’exécutif était pris en tenailles face aux oppositions en ce jour de grève interprofessionnelle, lors des questions au gouvernementThibaut Le Gal
L'essentiel
- Ce mardi se tenaient à l’Assemblée nationale les questions au gouvernement, dans un contexte tendu.
- Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans le même temps lors d’une journée de grève interprofessionnelle.
- Cette mobilisation et la crise des carburants ont enflammé les échanges dans l’Hémicycle.
Quelques minutes avant le début de la séance à l’Assemblée, Erwan Balanant s’inquiète des échanges à venir. « Ça va être chaud bouillant… », souffle le député MoDem. Les questions au gouvernement se déroulaient en effet ce mardi dans un contexte de forte tension sociale. Car au moment où les députés prenaient place dans l’Hémicycle, des dizaines de milliers de personnes manifestaient à l’appel d’une journée de grève interprofessionnelle pour une hausse des salaires et contre les réquisitions de grévistes dans les raffineries. La crise des carburants n’a d’ailleurs pas manqué d’enflammer les débats.
« Qu’attendez-vous pour réquisitionner toutes les raffineries ? »
A 15 heures, Eric Coquerel n’attend même pas que l’ensemble de ses collègues soient dans leur fauteuil pour lancer les hostilités. Le député insoumis de Seine-Saint-Denis dresse directement un parallèle entre les réquisitions de salariés dans les raffineries et l’annonce faite dans la matinée, par le gouvernement, qu’un 49.3 serait utilisé d’ici à mercredi soir pour faire passer le premier volet du budget 2023.
« Pourquoi n’appliquez-vous pas votre vision du conflit social à vous-mêmes : c’est-à-dire un gouvernement minoritaire qui censure des amendements adoptés par une majorité de l’Assemblée pour imposer un budget antisocial via le 49.3 ? », interroge-t-il. Au micro, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, balaie les critiques. « La majorité prendra sa responsabilité, les minorités les leurs [pour] nous permettre d’adopter un budget de protection pour les Français, contre la vie chère et l’inflation ».
Mais c’est bien la question des carburants, encore elle, qui agite ensuite l’Assemblée. Alors qu’Emmanuel Macron est montré au front lundi pour appeler à un retour à la normale « le plus vite possible », la situation reste très délicate. « Votre incompétence ne s’arrête pas à l’explosion des prix, le carburant est introuvable. Vous avez réussi à placer la cinquième puissance du monde dans un état de pénurie permanente », tacle le député RN de la Somme Jean Philippe Tanguy. Même constat pour l’élu Les Républicains Antoine Vermorel-Marques. « Après le temps de la vie chère est venu le temps de la France en carence : carence de carburant, et carence de gouvernement », siffle le député de la Loire. « Qu’attendez-vous pour réquisitionner toutes les raffineries ? »
« Votre méthode, c’est la réquisition, la matraque, le 49.3 ! »
Sous le feu des critiques, Elisabeth Borne tente de rassurer. La Première ministre évoque une « amélioration sensible » dans les stations-service, dont moins d’un quart serait désormais privé de carburant, contre un tiers la veille. « Je suis intervenue personnellement pour que le dialogue social ait lieu chez Total et chez Esso. Les négociations salariales ont débouché sur des signatures d’accords par des syndicats représentant la majorité des salariés. Dès lors, il n’est pas acceptable qu’une minorité continue à bloquer le pays ».
Alors que la grève dans des dépôts et des raffineries se poursuivait ce mardi soir, la cheffe du gouvernement indique avoir « demandé aux préfets de réquisitionner les salariés nécessaires au fonctionnement de certains dépôts ».
« La grève peut permettre de remplir le frigo »
Mais l’exécutif est pris en tenaille. A gauche de l’Hémicycle - et dans la rue ce mardi - on lui reproche « d’attaquer le droit de grève », à l’image du député PCF de Seine-Maritime Jean-Paul Lecoq. « D’où vient la violence ? Selon le gouvernement, elle viendrait des salariés, qui exigent seulement de pouvoir vivre de leur travail. Votre camp est celui des privilégiés. Votre méthode, c’est la réquisition, la matraque, le 49.3, vous méprisez le peuple ! », lance l’élu communiste. Manuel Bompard, quelques minutes plus tard, enfonce le clou, en apportant son soutien à la mobilisation sociale. « Les salariés ont raison d’exiger des salaires plus hauts pour faire face à la hausse des prix », dit le député LFI. « L’inflation atteint 6 %, les salariés du public comme du privé perdent du pouvoir d’achat alors que les plus riches se gavent […] La grève peut permettre de remplir le frigo, n’en déplaise à monsieur Attal ».
Ce n’est pas le ministre du Budget interpellé, mais son collègue du Travail, qui réplique en défendant le bilan du gouvernement. Et en rendant les coups. « La grande différence entre vous et nous, c’est que nous faisons confiance au dialogue social, assure Olivier Dussopt. Nous agissons, quand vous vous contentez de haranguer les foules. Vous souhaitez que la misère prospère, car la misère, c’est votre fonds de commerce ». Après deux heures trente de débats, le gouvernement peut souffler. Du moins dans l’Hémicycle, car la mobilisation sociale, elle, pourrait bien se poursuivre.