Réforme des retraites : La majorité cherche encore le bon tempo
OPTIONS•Réformer les retraites via des amendements lors du débat sur le budget dès cet automne, ou bien lors d’une grande loi début 2023 ? Tout le monde n’est pas d’accord parmi les macronistesRachel Garrat-Valcarcel
L'essentiel
- La réforme des retraites et le passage de l’âge légal de départ à 65 ou 64 ans a été la grande promesse de campagne d’Emmanuel Macron.
- La question désormais, c’est quand et comment la faire ? Certains veulent aller vite en évitant une grande loi, le tout en passant par des amendements dans le projet de loi de finance de la Sécurité sociale 2023, dès cet automne.
- Un mouvement tactique que tout le monde n’approuve pas, dans une séquence où l’exécutif tente de prouver sa bonne fois quant à la recherche de compromis.
C’est un peu l’histoire du macronisme, au moins depuis la crise des « gilets jaunes ». Faite d’aller/retours, entre excès de « jupitérisme », promesse d’une nouvelle méthode plus consensuelle, et, in fine, de nouvelles décisions verticales quand on y voit un intérêt politique. A ce titre, voici que l’hypothèse de la réforme des retraites ne passant pas par une loi, mais par de simples amendements pendant le débat sur le Projet de loi de finance de la Sécurité sociale 2023 (PLFSS), est sur la table. Et ce quelques jours seulement après qu’Emmanuel Macron a lancé son Conseil national de la refondation, censé être le véhicule de la transformation de Jupiter en Vulcain (celui qui « forge » des compromis).
Faire passer plus rapidement que prévu la réforme des retraites via un texte qui a toutes les chances de bénéficier de l’aide du 49.3 (l’adoption par vote bloqué), alors que les discussions avec les syndicats commencent à peine, ça ne fait pas très « nouvelle méthode ». Les promoteurs de la démarche ne cachent pas qu’il s’agit surtout là d’une botte tactique, dans une Assemblée où la majorité n’est, en plus, que relative. « On pense que c’est plus facile aujourd’hui que dans trois mois, affirme un député macroniste pur jus. Il n’y a pas la rentrée sociale chaude tant attendue car les effets du paquet pouvoir d’achat sont là, le chômage baisse. Alors que début 2023, il y aura la hausse des prix de l’énergie, moins de croissance et un stress sur les coupures de courant… »
Coincer les syndicats
Peut-être aussi est-il plus difficile pour les syndicats de mobiliser leurs troupes dès à présent plutôt qu’en début d’année prochaine. Mais le député cité plus haut ne croit pas à un mouvement comparable à celui de fin 2019-début 2020, lors du projet de réforme par points. « L’ancienne réforme était design to fail, impossible à expliquer ! Déjà, travailler plus longtemps, c’est stressant, mais alors en plus, quand vous ne comprenez pas ce qui va vous arriver… C’était le point principal du mouvement social de l’époque, croit-il. Cette fois, c’est très simple. »
Sauf que cette tactique est loin de faire l’unanimité au sein de la majorité. D’abord et avant tout au MoDem, qui y est allé très fort. D’une part via son président, François Bayrou, qui s’est dit dans Le Parisien « opposé au passage en force », le jour même de la création de Renaissance, le nouveau parti d’Emmanuel Macron. Puis par Jean-Paul Mattei, le président du groupe parlementaire, qui a annoncé que ses députés et députées voteraient « certainement contre » ces fameux amendements.
Philippe légitimiste
Une prise de position qui n’inquiète pas plus que cela chez Renaissance (RE), où l’on n’y voit là que « la carte postale que le MoDem envoie tous les six mois ». « Le MoDem est plus intéressé par le fond que par la forme de cette réforme. Si on leur fait plaisir sur le fond, ça peut passer », croit le député RE déjà cité. S’il reconnaît que passer par le PLFSS 2023 laissera sans doute moins de temps au débat parlementaire, il veut dédramatiser les enjeux : « Ça fait trente ans qu’on parle de cette réforme, on en a parlé pendant toute la campagne »
Côté Horizon, si certains ont pu exprimer des doutes en privé sur le calendrier, Edouard Philippe a été très clair la semaine dernière devant Elisabeth Borne, au point d’étonner certains macronistes : « Nous serons derrière vous […] que vous choisissiez de le faire en octobre, en décembre, en mars, quand vous voudrez, nous serons là. »
Ça grince même dans le parti macroniste
Plus sérieuses sont les secousses qui viennent du parti macroniste lui-même, où la méthode ne fait pas non plus l’unanimité. On dit la Première ministre réservée. Et puis surtout, ce jeudi matin, la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, s’est opposée à la manœuvre. « C’est sûr qu’il y a une accumulation de déclarations qui semble faire pencher la pièce vers le début de l’année prochaine, croit un député RE proche du président et favorable aux amendements. Si cela crée un drame absolu, ce n’est pas la peine d’avancer le calendrier… »
Une décision devrait être prise avant le Conseil des ministres prévu lundi, croient plusieurs sources de la majorité. D’ailleurs, on semble se préparer à une sortie, sinon de polémique, en tout cas de controverse. Le président lui-même a donné la consigne au gouvernement de « trouver avec le Parlement la bonne manœuvre », dans une interview à BFMTV.
« Il faut revenir au débat de fond. Ce qui intéresse les gens, c’est de savoir ce qu’il y aura dans cette réforme », demande la porte-parole du groupe RE, Maud Bregeon, concédant que ces derniers jours, on a plus parlé du contenant que du contenu. Car elle sait que sur le contenu de la réforme, cette fois, la majorité sera unanime.
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