Expulsion d’un imam : Le Conseil d’Etat se prononcera « en début de semaine prochaine »
ARRETE•L’affaire Hassan Iquioussen n’en finit plus de durerJ.-L.D. avec AFP
Le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative française, se prononcera « en début de semaine prochaine » sur la requête du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui entend faire annuler une ordonnance du tribunal administratif de Paris suspendant la demande d'expulsion du prédicateur Hassan Iquioussen.
Pendant près de trois heures ce vendredi, la chambre des référés du Conseil d’Etat a entendu les arguments de la représentante du ministère de l’Intérieur et de l’avocate du prédicateur menacé d’expulsion vers le Maroc.
Charisme et provocation haineuse
Hassan Iquioussen est « un prédicateur charismatique qui a su acquérir une légitimité au sein d’un très large auditoire et qui depuis des années répand des idées insidieuses qui n’en sont pas moins des provocations à la haine, à la discrimination, à la violence », a affirmé la directrice des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’Intérieur.
Dans la salle d’audience, archipleine, de nombreux proches de l’imam dont plusieurs représentants des Frères musulmans avaient pris place. Pour Lucie Simon, avocate de l’imam, les propos antisémites ou violemment misogynes reprochés à son client « ont été tenus parfois il y a plus de vingt ans ». « Il faut que ces provocations soient actuelles, c’est ce qui résulte de la jurisprudence ». « Il n’a jamais été ni poursuivi ni condamné pour ces propos », a insisté l’avocate.
Discours antisémite et misogyne
Le ministère de l’Intérieur a publié le 28 juillet un arrêté d’expulsion visant l’imam en raison d'« un discours prosélyte émaillé de propos incitant à la haine et à la discrimination et porteur d’une vision de l’islam contraires aux valeurs de la République ».
Le ministère reprochait notamment à l’imam « un discours à teneur antisémite particulièrement virulent » et ses prêches prônant la « soumission » des femmes « au profit des hommes ». L’arrêté d’expulsion évoquait également l’encouragement « au séparatisme » et le « mépris de certaines valeurs républicaines telles que la laïcité et le fonctionnement démocratique de la société française ».
Saisi par les avocats de Hassan Iquioussen, le tribunal administratif de Paris a suspendu début août cette demande d’expulsion en arguant que l’expulsion de l’imam, né en France il y a 58 ans mais de nationalité marocaine, porterait « une atteinte disproportionnée » à sa « vie privée et familiale ».
Si le Conseil d’Etat confirme la décision du tribunal administratif, Hassan Iquioussen ne pourra pas être expulsé vers le Maroc. Si la haute juridiction administrative infirme, au contraire, la décision du tribunal administratif, Hassan Iquioussen sera expulsable même si le dossier ne sera plaidé sur le fond devant le Conseil d’Etat que d’ici quelques mois.
Gérald Darmanin, « déçu » par la décision du tribunal administratif
Dans un entretien publié par le Journal du dimanche, Gérald Darmanin, « déçu » par la décision du tribunal administratif, a d’ores et déjà prévenu que si la loi « ne permet pas » d’expulser Hassan Iquioussen, il faudra la changer « pour défendre davantage les Français ».
« Oui, Hassan Iquioussen est conservateur. Il a eu des propos rétrogrades sur la place de la femme », a concédé Lucie Simon. « Mais cela ne constitue pas une menace grave à l’ordre public », a-t-elle souligné.
De son côté, Simon a estimé que l’arrêté d’expulsion répond essentiellement à « un agenda politique de Gérald Darmanin ». « On dit que cet homme (Hassan Iquioussen) menace l’ordre public à travers ses vidéos diffusées sur internet. Est-ce que l’expulser c’est vraiment la solution pour sauvegarder l’ordre public ? », s’est-elle interrogé.