Olivier Faure, la nouvelle star de la Nupes ?
RETOUR DE HYPE•Le jusque-là discret premier secrétaire du Parti socialiste semble avoir pris une nouvelle dimension depuis la création de la Nupes
Rachel Garrat-Valcarcel
L'essentiel
- Olivier Faure est à la tête du Parti socialiste depuis plus de quatre ans.
- Jusque-là plutôt discret, il semble avoir pris, depuis la constitution de la Nupes pour les législatives, une nouvelle dimension.
- Car avec sa stratégie d’alliance et ses prises de position, le PS est de nouveau sur la carte de l’échiquier politique.
EDIT : Olivier Faure est bien placé pour conserver la tête du PS, à l'issue du premier tour du vote des militants socialistes. Nous vous proposons de relire cet article sur le Premier secrétaire, à une semaine du Congrès synonyme de second tour.
Olivier Faure a un chien, « qui ne me quitte jamais, à Paris ou en circonscription », précise le premier secrétaire du Parti socialiste (PS). Il passe donc beaucoup de temps dans la rue, à le promener. Jusque-là, rien de très intéressant. Sauf que depuis la signature de l’accord formant la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), « il n’y a pas un jour sans qu’on m’arrête pour me dire merci ». Merci d’avoir participé à l’union de la gauche. Il s’excuse presque de le dire, de peur qu’on croit qu’il affabule. « Je vous assure que je l’ai vu ! Dix ans que je travaille avec lui, je n’avais jamais vu ça », jure une proche collaboratrice.
A la tête du PS depuis plus de quatre ans dans une relative indifférence, le regard porté sur Olivier Faure semble donc avoir nettement changé depuis peu. Et ce n’est, a priori, pas qu’une impression de journalistes. « Bien sûr, il y a un ''effet Twitter, note sa collaboratrice. Mais la boîte mail croule sous les messages comme jamais, explique-t-elle, preuves à l’appui. Des insoumis, mais aussi d’ex-militants ou anciens électeurs socialistes qui nous disent pouvoir reconsidérer d’adhérer ou de revoter pour le PS ».
Libéré, délivré
Son discours lors du débat sur la motion de censure déposée par la Nupes, le 11 juillet, a marqué par sa pugnacité, contre le gouvernement et le Rassemblement national (RN). Chahuté, il a été vigoureusement soutenu par deux standing ovations des bancs de la Nupes. Toute la Nupes, les insoumis en tête. L’union de la gauche a-t-elle changé Olivier Faure ? Lui dit que non. Mais il a bien remarqué le changement de regard qu’on porte sur son travail. Faure se dit « libéré » du poids de ménager tout le monde en tant que premier secrétaire. « L’accord avec l’ensemble de la gauche me permet d’aligner ce que je crois avec ce que je dis, c’est plus facile. » Plus facile d’avoir un discours marqué à gauche que d’une gauche « du réel », comme disait Anne Hidalgo pendant la campagne ? « Je suis de la ''gauche de gouvernement'', je n’ai pas besoin de le répéter sur tous les tons. Je me suis juste réaligné sur ce que nous sommes depuis toujours : le parti du travail, des travailleurs. »
Même ses contempteurs lui reconnaissent des « qualités de discoureur ». « Il a toujours été un homme de bons mots », décrit, sourire en coin, un parlementaire socialiste opposant en interne, sous couvert d’anonymat. « C’est vrai qu’au jeu de la formule, il n’est pas maladroit, applaudit aussi son nouvel allié, l’insoumis Alexis Corbière. Je ne veux pas jouer au plus malin, mais j’avais déjà observé au cours des cinq dernières années qu’Olivier Faure n’était pas le personnage un peu gris qu’il pouvait laisser paraître. »
« Les gens ne le redécouvrent pas, ils le découvrent tout court ! »
Pour ses proches, « les gens ne le redécouvrent pas, ils le découvrent tout court ! », comme le dit sa proche collaboratrice. « C’est un juste retour des choses », juge Pierre Jouvet, responsable des élections au PS. « Je reconnais tout à fait le Olivier Faure que je vois en meeting ou en conseil national », affirme de son côté Sébastien Vincini, chargé des fédérations dans la direction du parti. Les deux travaillent avec lui depuis le congrès d’Aubervilliers, en 2018. Celui-là même où il a pris la tête du PS, encore groggy des catastrophes électorales de 2017.
Ses opposants relèvent tout de même que ses prises de parole n’avaient pas vraiment imprimé jusque-là. « Dans les sondages, il est de ceux qui n’ont pas beaucoup de bonnes opinions, pas beaucoup de mauvaises, mais surtout beaucoup de ''je ne me prononce pas''. Il a avant tout un problème de notoriété, remarque, lucide, sa collaboratrice. Qui allait de paire avec le fait que le PS n’intéressait plus grand monde… » Peu avant le premier tour de la présidentielle, elle relate même une période où, bien avant les remerciements par dizaines dans la boîte mail, c’était le noir complet : « On ne recevait plus rien. A 1,75 %, on n’était plus dans le coup. On était plein de militants à se dire que c’était terminé. »
Le PS de nouveau sur la carte
C’est ce sur quoi insistent les soutiens d’Olivier Faure : sa stratégie d’alliance, ses prises de position, ont remis le PS sur la carte. « Nous étions en train de sortir de la tête des Français, croit Pierre Jouvet, un des négociateurs de la Nupes pour le PS. Il fallait un électrochoc. » Susciter à nouveau l’intérêt. A ce titre, le 5 mai était déjà un signal. Ce jour-là, le PS joue gros. Le parti doit valider ou non l’accord qui donnera naissance à la Nupes. Les débats sont tendus, le résultat s’annonce serré. Il est presque 23h30 quand Olivier Faure joue son va-tout devant le conseil national (le parlement du PS)… et presque 5.000 personnes en direct sur les réseaux sociaux. Un chiffre délirant pour la prise de parole du chef – peu connu – d’un parti sorti essoré de la présidentielle.
Deux jours plus tard, à la convention qui lance la campagne législative pour la Nupes, Olivier Faure prononce un discours risqué devant un public largement insoumis… Qui se lève pour l’acclamer. Il ne cache pourtant pas le fait qu’en 2017, il a pensé – « pas longtemps, mais je l’ai pensé » – pouvoir faire un bout de chemin avec Emmanuel Macron. N’hésite pas à aborder les sujets qui fâchent, comme le bilan du quinquennat Hollande, et notamment la loi Travail « qu’aucun socialiste n’a jamais adoptée », 49.3 oblige. « Ce n’est pas la première fois que je le disais, c’est la première fois qu’on le remarquait. Je voulais être jugé sur ce que nous sommes, ce que nous portons, et non pas sur les préjugés qu’on porte sur nous. »
Rocard-Mélenchon, même combat
« S’il est heureux, tant mieux. Moi je n’ai pas pour ambition d’être applaudi par les insoumis, tance un de ses opposants. Il a la foi du nouveau converti, et il se convertit souvent. » Et de poser la question de sa sincérité : « Il a participé à toutes les coteries de la direction du PS depuis vingt ans ! Il a tout voté sous Hollande ! Il est aujourd’hui le plus zélé des apôtres de Jean-Luc Mélenchon… On est loin de Michel Rocard, dont il était proche à ses débuts. » N’en jetez plus.
« Ceux qui vous disent ça ne connaissaient pas Michel Rocard », corrige Faure, qui rappelle que l’ancien Premier ministre de l’ouverture au centre est entré au PS par sa gauche. Il rappelle, encore, cette photo de Rocard et son équipe quand il est à la tête du PS, entre 1993 et 1994 : « Il est au côté de Jean-Luc Mélenchon. Beaucoup d’intuitions leur étaient communes, notamment sur le rapport au mouvement social. » Il rappelle, enfin, que dans ses dernières prises de paroles avant sa mort, Michel Rocard avait dénié à Emmanuel Macron et Manuel Valls le droit de se revendiquer comme héritiers. « C’était un homme profondément de gauche. Dans sa dernière tribune au Monde, il parle même de la nécessité de garder un certain esprit révolutionnaire. »
Allers-retours
Olivier Faure tente de défendre sa cohérence et souligne qu’il a lutté en interne au PS sous Hollande « dès le CICE » pour obtenir des concessions du gouvernement, lors de la loi Travail ou contre la déchéance de nationalité. « Quand il est élu président du groupe socialiste en décembre 2016, c’est déjà interprété comme une prise de distance avec l’Elysée », se remémore une proche. Il y a pourtant eu quelques allers-retours, pour le dire pudiquement, dans la stratégie de son PS depuis 2018. Subrepticement Macron-compatible au lendemain de son élection, il défend ensuite au maximum l’union – mais sans LFI –, jusqu’à expliquer qu’il pourrait ne pas y avoir de candidat socialiste en 2022.
Et puis il y a une sorte de retour à une position plus socialiste identitaire à partir des régionales de 2021, qui a vu le PS garder, largement, toutes ses régions. « On s’est peut-être laissé embarquer par nos victoires locales », croit Sébastien Vincini. A l’approche du congrès du PS, le soudain soutien d’Olivier Faure pour une candidature d’Anne Hidalgo pouvait passer pour une manœuvre. « Logique que ça puisse être vu comme ça, lâche Pierre Jouvet. Mais souvenez-vous : tout le monde avait fermé la porte à une candidature unique. On ne pouvait pas passer notre temps à courir derrière des gens qui ne voulaient pas de nous. » Vincini insiste : « Un congrès, c’est toujours le moment où on sort les drapeaux, mais sur le fond, tout est déjà écrit dans notre texte d’orientation. » Effectivement, on y trouvait déjà l’objectif d’avoir un programme commun pour les législatives, et des candidatures communes dès le premier tour. Dont acte.
PS : TINA
Un nouveau congrès du PS se profile déjà, fin 2022 ou début 2023. Comme un référendum pour ou contre la Nupes ? « Olivier Faure le voudrait », annoncent ses opposants… « Ils vont essayer de réduire le congrès à ça », contredit Pierre Jouvet. Autrement dit, ce n’est pas forcément la stratégie d’alliance qui divise les militants, mais les griefs sur le bilan du premier secrétaire ne manquent pas. Entre 2017 à 2022, le PS à certes autant de députés et députées, mais beaucoup moins de militants et militantes et moins d’argent. Les proches de Faure ne nient d’ailleurs pas tout à fait ce constat. « Lui fait démarrer l’histoire aux 1,75 % de la présidentielle. Sauf qu’il est comptable de ce résultat », estime un sénateur PS plutôt pro-Nupes, parlant d’un parti qui « ne produit plus d’idée, ne travaille plus. »
Le député de Seine-et-Marne trouve la critique injuste : « Ceux qui disent ça, ce son ceux qui précisément ne bossent pas », listant toutes les réunions organisées sur le projet des socialistes (« le premier depuis dix ans ») et qu’il juge largement repris dans le projet de la Nupes. Sans doute les programmes de LFI et du PS étaient-ils moins éloignés qu’on l’a souvent laissé entendre, y compris sur l’Europe. Mais la grande clarification du positionnement du parti n’est pas totale. Il y a par exemple un monde entre le Olivier Faure de mai 2021, qui dit que les policiers doivent avoir un droit de regard sur les décisions de justice à la manifestation des policiers devant l’Assemblée, et celui de juin 2022, qui désapprouve la formule « la police tue » de Jean-Luc Mélenchon, mais trouve qu’elle a le mérite d’ouvrir un débat.
Et les militants et militantes, dans tout ça ? Etonnamment, tout le monde est assez d’accord : ils sont dans une sorte d’entre-deux, souvent plus réalistes qu’enthousiastes, notamment dans le soutien à la Nupes. Difficile de créer de l’enthousiasme sur une ligne « humble », dixit Pierre Jouvet, dans un parti longtemps hégémonique, à qui on explique qu’il n’y a pas d’alternative. Il est peut-être là, le défi d’Olivier Faure.