Clins d’œil, défis et happenings… On vous raconte cette journée de discours de politique générale à l’Assemblée
COULOIRS•Le discours de politique générale d’Elisabeth Borne a bien sûr animé la journée de l’Assemblée nationale. Mais pas seulementRachel Garrat-Valcarcel
L'essentiel
- L’Assemblée nationale était réunie ce mercredi pour assister au discours de politique générale de la Première ministre, Elisabeth Borne.
- La motion de censure, qui doit être débattue vendredi ou mardi, est aussi dans toutes les têtes.
- 20 Minutes a fait le pied de grue dans les couloirs du Palais-Bourbon et vous raconte sa journée.
A l’Assemblée Nationale,
L’Assemblée désormais installée, les choses sérieuses commencent pour les députées et députés cette semaine. Et ce mercredi, c’était l’heure de la déclaration de politique générale du gouvernement… sans vote de confiance, mais à quelques jours d’une première motion de censure. 20 Minutes a donc traîné ses guêtres dans les couloirs du Palais-Bourbon toute la journée.
Les insoumis pressés
C’est quasiment dès le soir du second tour des législatives que certains députés insoumis ont annoncé vouloir déposer rapidement une motion de censure contre le gouvernement… Laissant les autres composantes de la Nupes longtemps plus circonspectes. Valérie Rabault, députée socialiste à l’enthousiasme nupien limité, était lundi soir plutôt défavorable à une telle initiative. Finalement, mardi, les groupes de l’union de la gauche ont annoncé le dépôt commun d’une telle motion, ripolinée en « motion de défiance ». Socialistes, écolos et communistes se sont-ils fait tordre le bras ?
« C’est plus compliqué que ça », explique un collaborateur d’un groupe de gauche. Au fond, les députés de la Nupes non-LFI étaient largement favorables à une motion de censure. Mais « ils ont dit aux insoumis en intergroupes d’arrêter de mettre tout le monde devant le fait accompli en apprenant les choses sur Twitter ». Donc, au minimum, ça cafouille. « On apprend à travailler ensemble », dit-on de toute part. « Tous, presse, parlementaires, commentateurs, on doit prendre en compte que le Parlement va refonctionner comme une démocratie adulte. C’est normal qu’il y ait ce genre d’initiatives et de débat », juge de son côté le député écolo Benjamin Lucas. Bref, il va falloir s’y habituer.
Le happening un peu malaise
Quelques députés de la Nupes – surtout des insoumis – ont donné rendez-vous ce mercredi pour un « happening » place du Palais-Bourbon, vers 13h. Sous un chaud soleil, quelques journalistes ont pu assister au « mariage » entre une fausse Marine Le Pen et un faux Emmanuel Macron. Puis, dans la foulée, à « l’enterrement » du front républicain. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : le malaise n’était pas loin. D’ailleurs, si on imagine que ces députés et députées ont fait valider leur initiative, les têtes d’affiche insoumises ou de la Nupes ont préféré ne pas interrompre leur déjeuner : Sandrine Rousseau est passée quelques minutes seulement et François Ruffin, présent, s’est tenu à l’écart.
Sur le fond, l’intention de ces élus était de faire une allégorie des événements de la semaine dernière, qui ont vu 200 députés de la droite et macronistes voter pour des candidats RN à la vice-présidence de l’Assemblée nationale. Une pierre bien sûr dans le jardin de la majorité, où ce geste a parfois dérangé. Dans le jardin du RN, aussi. Car dans cet Hémicycle fragmenté, chacun cherche à se refiler le mistigri de l’éventuel blocage. La Nupes semble vouloir renvoyer le RN – qui jusque-là surjoue le côté constructif – dans le camp de l’opposition très ou trop conciliante avec Emmanuel Macron. Peut-être faudra-t-il changer de méthode pour faire passer le message.
Le RN n’est pas dans la majorité !
Le Rassemblement national, tout à sa stratégie de normalisation, multiplie depuis les législatives les gestes de bonne volonté pour éviter le blocage de l’Assemblée. Sébastien Chenu, par exemple, a régulièrement répété que son groupe était « responsable » : « On n’est pas là pour casser la machine, on est là pour faire des propositions. » Alors évidemment, pas question de voter la motion de censure présentée par la gauche. Sauf que loin d’un brûlot gauchiste, la Nupes a décidé de présenter un texte peu marqué, presque technique. Histoire de forcer les autres oppositions à se positionner sur une sorte de « non-confiance » au gouvernement plus que sur le programme de la Nupes. La position du RN est-elle toujours tenable ?
Oui, dit Jean-Philippe Tanguy, qui relativise le choix du RN derrière une question de « timing ». Ne pas voter la censure, « ce n’est pas une question de fond, c’est la question de mettre enfin l’Assemblée nationale au travail ». Pour le député de la Somme, faire tomber le gouvernement maintenant signifierait reculer d’autant les mesures, très attendues, pour le pouvoir d’achat : « Les gens commencent à hurler sur le terrain, ils ne comprennent pas pourquoi ça prend autant de temps. » Et de prévenir : si le gouvernement se comporte mal pendant l’examen des textes qui arrive, la question de la censure se posera dans son groupe.
Clarification tout de même, Jordan Bardella précise que si la question de confiance avait été posée, ses députés et députées aurait voté contre. « Nous ne sommes pas les alliés de la majorité présidentielle », a même clamé Sébastien Chenu mardi matin. Garder le leadership de l’anti-macronisme tout en incarnant une opposition respectable et constructive, tout un défi.
Les oppositions prises à témoin
C’est l’une des petites trouvailles oratoires de la Première ministre qui a été remarquée. Pendant son discours, Elisabeth Borne a méthodiquement cité les présidents et présidentes de groupes, en clin d’œil à leurs entrevues de la semaine dernière. « C’est une manière de mouiller les différents groupes, de laisser penser qu’on a topé et donc qu’en s’opposant, on joue un double jeu », analyse le député LR Philippe Gosselin. Le président de son groupe, Olivier Marleix, a d’ailleurs été cité en premier : « On n’en tire aucune conclusion particulière », affirme le député de la Manche, qui ne voit là qu’un « artifice rhétorique, ne tombons pas dans ce panneau facilement tendu ».
Mathilde Panot, pour la France insoumise, et Marine Le Pen, du Rassemblement national, n’ont, elles, pas eux droits aux honneurs de la citation. Ce qui provoque l’ire de la gauche. L’insoumise Aurélie Trouvé est bien sûr « choquée par ce petit jeu extrêmement dangereux de la banalisation de l’extrême droite ». Pour elle, « la macronie fait tomber jour à après jours les digues » avec le RN. L’indignation est largement partagée dans la Nupes. L’écologiste Benjamin Lucas n’est « pas membre de LFI » mais a vécu cette assimilation « comme une insulte à nos valeurs et à notre histoire ». Le socialiste Arthur Delaporte voit là « un moyen de jouer sur une connivence républicaine en excluant LFI. Cet aveuglement sans nom du gouvernement a conduit à l’élection de 89 députés RN ».