Qui est Elisabeth Borne, la nouvelle Première ministre nommée à Matignon ?

Qui est Elisabeth Borne, bosseuse acharnée et loyale au service d'Emmanuel Macron ?

PORTRAITMinistre des Transports, puis de la Transition écologique et du Travail, cette polytechnicienne et ingénieure succède à Jean Castex à Matignon
Elisabeth Borne est nommée Première ministre
H.S et J.L

H.S et J.L

L'essentiel

  • Elisabeth Borne, 61 ans, a été nommée Première ministre ce lundi 16 mai.
  • Membre du gouvernement tout au long du premier mandat d’Emmanuel Macron, cette haute fonctionnaire passée par la SNCF et la RATP est la deuxième femme à occuper ce poste depuis l’instauration de la Ve République.
  • Ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal, Elisabeth Borne doit désormais composer son futur gouvernement.

Elisabeth Borne avait tout juste trente ans lorsqu’elle a vu, pour la première et longtemps dernière fois, une femme nommée à Matignon. Conseillère technique en 1991 auprès de Lionel Jospin, ministre de l’Education du gouvernement d'Edith Cresson, cette polytechnicienne et ingénieure des ponts et chaussées entamait alors sa carrière politique. Trente et un ans plus tard, la voilà qui accède à son tour à ce titre étrangement atypique en France et pourtant familier chez nombre de nos voisins européens, celui de Première ministre.

« Je pense que c’est un très bon choix, parce que c’est une personne remarquable, pas parce que c’est une femme », a immédiatement réagi sa lointaine prédécesseuse sur BFM. « Elle est suffisamment compétente et expérimentée, et en plus, elle est courageuse, ce qui est une vertu tout à fait nécessaire dans cette fonction ».

Nommée ce lundi 16 mai cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne succède à Jean Castex. « C’est le choix de la compétence au service de la France, d’une femme de conviction, d’action et de réalisation » a sobrement annoncé l’Elysée dans son communiqué, lundi après-midi. A 61 ans, cette technicienne spécialiste des transports passée par la SNCF et la RATP a été l’un des « piliers » du précédent mandat d’Emmanuel Macron. Ministre des Transports, de la Transition écologique puis du Travail, cette ancienne préfète de la région Poitou-Charentes a longtemps fait ses armes politiques aux côtés de personnalités de gauche.

Conseillère auprès de Jospin, Lang et Royal

Loyale au macronisme au cours des cinq dernières années, Elisabeth Borne a construit son parcours politique dans le sillage de personnalités socialistes. Conseillère auprès de Lionel Jospin puis de Jack Lang dans les années 90, elle a ensuite collaboré avec Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo entre 2008 et 2013 comme directrice générale de l’urbanisme à la mairie de Paris. Jamais encartée au Parti socialiste comme l'indiquait Libération dans un portrait réalisé en 2018, Elisabeth Borne renoue en 2014 avec des responsabilités gouvernementales en prenant la tête du cabinet de Ségolène Royale, alors ministre de l’Ecologie.

Pas vraiment réputée pour se gondoler avec ses collaborateurs, l’ancienne candidate socialiste à la présidentielle est vite impressionnée, comme tout le monde, par la ténacité et la force de travail de la nouvelle responsable de l’action gouvernementale. : « Une fille extraordinaire, épatante, humaine, une bête de travail incroyable », disait Anne Hidalgo, une autre patronne conquise, du temps de la mairie de Paris. Si, avant 2015, Elisabeth Borne confiait à Libération prendre le temps de lire des romans de Chalandon et d’aller au théâtre avec ses amis, trois ans plus tard, elle plaisantait dans le même journal à propos de ses loisirs : « Le temps libre ? Un concept intéressant. »

« Une bête de travail incroyable »

Cette « bosseuse infatigable », selon un intime cité par Le Monde, partage avec son nouveau n + 1 une certaine propension à envoyer des messages au milieu de la nuit comme si c’était la fin de la pause déjeuner. Des habitudes qui ne lui ont pas valu que des compliments, surtout avec ce patronyme né pour inspirer des surnoms pleins de vacherie. Les meilleurs ? Elisabeth « Borne-out » quand elle dirigeait la RATP, Élisabeth « Bornée », quand elle a commencé à enchaîner certains des dossiers les plus chauds du premier quinquennat Macron. Parmi eux, l’ouverture à la concurrence de la SNCF et la réforme de l’assurance-chômage ne la font pas précisément passer pour une Guevariste auprès de la gauche, malgré un passage à la Transition écologique couronné par le vote de la loi mobilité en faveur des moyens de transport plus durables.

« Sa nomination commence dès les premiers instants par une tentative de tromperie, Mme Borne serait une femme de gauche, mais nous ne lui accordons pas ce label », a tonné Jean-Luc Mélenchon, évoquant une « des figures les plus dures de la maltraitance sociale ». De son côté, Sandrine Rousseau brocardait une ministre responsable du « non-respect de la convention citoyenne sur le climat et du maintien de l’avantage fiscal sur l’huile de palme ».

Ses soutiens préfèrent mettre en avant son sens du dialogue pour mettre au pas les entreprises récalcitrantes sur la question du télétravail lors de la phase aiguë de la pandémie et les longues phases de concertations ouvertes aux syndicats, qui ont fait d’elle la ministre « des réformes impossibles devenues possibles », punchline signée Christophe Castaner.

Des réformes emblématiques et critiquées

Une réputation enviable au sein de la majorité qui sera rapidement mise à l’épreuve par la « mère de toutes les batailles », la fameuse réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron et plusieurs fois repoussée ces dernières années. Cela demandera sans doute à cette femme divorcée, mère d’un enfant, de mouiller le maillot dans les médias pour faire mentir ce portrait de machine « techno » un peu rigide et pas toujours pédagogue au moment de convaincre les sceptiques du macronisme du bien-fondé de son action.

Il n’avait d’ailleurs pas échappé à l’intéressée elle-même que se frotter au suffrage universel ne ferait pas de mal à sa légitimité ce printemps : avant d’être appelée par le président de la République pour remplacer Jean Castex, elle avait déclaré sa candidature au poste de député de la 6e circonscription du Calvados. Un défi abordable, mais un défi qui prend une autre dimension, soudain.