Présidentielle 2022 : Ils racontent leurs souvenirs d’enfance des élections… « Le président était un peu comme un roi »
VOTRE VIE, VOTRE AVIS•Discussions enflammées dans le salon, passage au bureau de vote, fête ou défaite lors des résultats… Les enfants devenus grands se souviennent avec émotion des anciennes présidentiellesDelphine Bancaud
L'essentiel
- Ce dimanche a lieu le premier tour de l’élection présidentielle.
- Pour ceux qui iront voter, leur reviendront en mémoire des images d’un lointain passé, lorsqu’ils étaient enfants et qu’ils ont participé indirectement à ce moment de démocratie.
- Nos lecteurs évoquent leurs souvenirs d’enfance, qui ont parfois influé sur leur vie citoyenne future.
En fouillant dans nos mémoires, nous avons tous des souvenirs d’enfance des précédents scrutins. Et ils se rappelleront à nous ce dimanche, lors du premier tour de l’élection présidentielle. Car la politique n’est pas qu’une affaire d’adultes : selon un sondage* réalisé pour Bayard Jeunesse à quelques jours du premier tour, 70 % des parents n’hésitent pas à parler de politique à leur enfant. Ce dont témoigne Juliette, 14 ans aujourd’hui, qui se souvient très bien de la campagne de 2017 : « J’avais 9 ans et mes parents regardaient le JT à l’heure du dîner. J’écoutais leurs conversations qui tournaient autour d’ Emmanuel Macron. Ils disaient qu’il fallait voter pour lui afin de ne pas avoir Marine Le Pen au second tour ».
Cet intérêt précoce pour la présidentielle, Lucie Le Moine, coautrice de L’élection présidentielle, les enfants passent à l’action **, le perçoit bien quand elle intervient dans des classes de primaire : « La figure de président les intrigue. Les enfants se le représentent comme un homme d’un certain âge, qui concentre tous les pouvoirs. Un peu comme un des héros de leurs livres ». Ce que confirme Juliette : « Pour moi, le président était un peu comme un roi ».
« J’avais l’impression que l’isoloir était comme une boîte »
Tel un cours d’éducation civique en live, 47 % des parents disent voter en compagnie de leur progéniture, et 10 % les amènent même jusque dans l’isoloir. En prenant une photo ou en faisant une petite vidéo au passage, histoire de marquer le coup. Un souvenir qui laisse une impression de solennité, d’immersion dans le monde des adultes, comme en témoigne Joselito, qui a répondu à notre appel à témoins : « En 1981, à 7 ans, je suis rentré dans l’isoloir avec ma mère. J’avais la sensation que son choix allait changer l’élection, et je suis reparti du bureau de vote avec des bulletins récupérés dans la corbeille », confie-t-il.
Du haut de ses 9 ans, Juliette avait trouvé très étrange son expérience dans un bureau de vote : « J’avais l’impression que l’isoloir était comme une boîte où mes parents se cachaient. Et je ne comprenais pas pourquoi le fait de mettre un bulletin dans une enveloppe devait rester secret ». Marc, qui avait 8 ans en 1969, évoque avec émotion sa visite au bureau de vote avec ses grands-parents : « Je n’étais pas conscient des enjeux, mais je leur ai demandé après pour qui ils avaient voté. Mon grand-père pour Michel Rocard, et ma grand-mère pour Gaston Defferre. Ce n’est que plus tard que j’ai compris qu’ils avaient sans doute toujours voté à gauche ».
« Le visage du président élu est apparu petit à petit à l’écran. Cela m’avait paru très long »
Danielle, elle, se souvient du dépouillement dans une petite école de campagne, lorsqu’elle avait 11 ans : « Je me régalais d’écouter les conversations passionnées qui frôlaient parfois le pugilat ». Car les enfants ressentent que l’enjeu est important, constate Lucie Le Moine. « Ils perçoivent la tension qui règne autour du sujet. Pour autant, ils ne sont pas des perroquets répétant le discours parental. Ils vont piocher dans les différentes grilles d’analyse de la politique que leur offrent leurs proches, mais aussi leurs enseignants ou leurs copains »,
Le moment le plus marquant pour beaucoup reste la découverte du visage du futur locataire de l’Elysée à la télé. « Le compte à rebours marque les esprits. Sans doute parce que les enfants sont baignés dans la compétition dès le plus jeune âge. Ils comprennent que cette mise en scène souligne la gravité de l’instant », analyse Lucie Le Moine. « En 2017, je me souviens que je trouvais mes parents très calmes avant l’annonce des résultats. Alors que j’avais peur que Marine Le Pen soit élue. Et quand ils ont vu Macron, ils ont ouvert le champagne et trinqué avec leurs amis », raconte Juliette.
« Le visage de François Mitterrand est apparu petit à petit à l’écran »
Pour les plus anciens, c’est l’élection de François Mitterrand, en 1981, qui reste gravée dans les mémoires. « L’écran était en noir et blanc, mais j’ai vu une rose. Et le " Au revoir " de Valéry Giscard d’Estaing est devenu iconique », évoque Margaux. Brigitte, elle, avait 13 ans : « Le visage de François Mitterrand est apparu petit à petit à l’écran. Cela m’avait paru très long, et cette image me revient en mémoire à chaque élection présidentielle ». Un autre lecteur, qui avait 9 ans à l’époque, et dont les parents étaient coopérants en Algérie, a aussi été marqué : « Le représentant de l’ambassade a communiqué des résultats de Paris. Certains coopérants ont débouché des bouteilles de champagne, d’autres ont sorti une guitare et chanté du Brassens. Je me souviens qu’il y avait deux camps : les gagnants et les perdants. Mes parents étant heureux, je me sentais rassuré ».
Pour Anne-Laure, c’est la réélection de François Mitterrand, en 1988, qui a été la plus marquante : « Nous étions au théâtre. A 20h, tous les spectateurs voulaient connaître le résultat. C’est alors que le comédien jouant le rôle principal est revenu sur la scène, en souriant et une rose rouge à la main. Moment suspendu. Des hourras ont été lancés et les applaudissements se sont transformés en tonnerre ».
Le début d’une vie citoyenne
Ces premiers souvenirs politiques ont parfois été le déclencheur d’un intérêt pérenne pour le sujet. « Certains souvenirs politiques d’enfance sont très structurants. Ça donne envie d’être partie prenante, de voter, ou même de s’engager », souligne Lucie Le Moine. Ce fut le cas pour Thomas, qui avait 9 ans en 2002 : « Je me souviens que la présence de l’extrême droite au second tour m’avait scandalisé », raconte celui qui n’a jamais cessé de voter à la présidentielle après ses 18 ans.
Idem pour Valère : « Mes parents étaient très impliqués. Ils n’ont jamais manqué un seul vote ! J’allais avec eux, curieuse. Ils m’ont toujours impliqué, tout autant que j’ai impliqué mes enfants adultes. » Juliette, elle, ne pourra voter que dans quatre ans. Mais elle a déjà hâte d’y être : « Dans notre pays, on a le choix d’élire qui on veut. C’est une chance ».
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