Haute-Garonne : L'expérimentation d'un Revenu de base pour les jeunes retoquée par l'Etat
EXPERIMENTATION•Le conseil départemental de la Haute-Garonne vient de se voir opposer un refus de la préfecture pour mener à bien son expérimentation de revenu de base à destination des 18-24 ansBéatrice Colin
L'essentiel
- Le conseil départemental de la Haute-Garonne voulait expérimenter le revenu de base auprès de 1.000 jeunes de 18 à 24 ans tirés au sort cette année.
- Mais cette expérimentation, dans cette version-là, ne verra pas le jour, le contrôle de légalité des services de l’Etat a retoqué ce projet.
- Une décision juridique « et politique » selon le conseil départemental qui devrait faire jurisprudence pour tous les projets portés par des départements.
Tout était prêt, il ne manquait plus que l’aval des services de la préfecture. Qui s’est soldé par un refus, mettant du plomb dans l’aile du revenu de base que le conseil départemental de la Haute-Garonne comptait expérimenter dès cette année auprès des 1.000 jeunes de 18 à 24 ans. Ce « revenu d’existence » aurait oscillé entre 350 et 500 euros et aurait bénéficié durant dix-huit mois, à un panel représentatif, tiré au sort de manière aléatoire.
« On nous interdit une simple expérimentation. On le regrette car c’était une avancée pionnière vers une société incluse, solidaire et de partage, pour faire progresser la capacité d’autonomie des jeunes et l’égalité des chances. Ce n’était pas une allocation de plus », a déploré ce jeudi le patron socialiste du département, Georges Méric.
Pas dans les compétences
Dans le courrier envoyé à la collectivité, le représentant de l’Etat a fait savoir que ce projet était en dehors des clous juridiquement. D’une part, parce qu’il n’y avait pas de loi l’autorisant. Mais aussi parce qu’il y avait une rupture d’égalité des chances en raison du tirage au sort. Et que le conseil départemental sortait de son domaine de compétences limité aux jeunes en situation de précarité.
« Le département a été sensibilisé en amont sur le caractère illégal de la démarche, celle-ci n'étant pas autorisée par la loi au regard de l'article 72 de la constitution.
Par la suite, dans le cadre du contrôle de légalité exercé a posteriori, l'illégalité du dispositif projeté a été confirmée », explique Etienne Guyot, le préfet de la Haute-Garonne sollicité par 20 Minutes.
Et d'ajouter, « cependant, si le département ne peut allouer des aides à des bénéficiaires choisis aléatoirement, entraînant un risque de rupture d'égalité, il n'en demeure pas moins qu'il pourrait intervenir, au titre de sa compétence en matière de solidarité et d'action sociale, pour instaurer des aides dédiées à un public spécifique, sur des critères liés à une situation sociale et financière objective. C'est dans cette voie que le département a été orienté pour redéfinir, le cas échéant, son dispositif expérimental en faveur des jeunes de moins de 25 ans », Étienne Guyot,
Après deux années de Covid-19 et une hausse de la précarité étudiante, le conseil départemental pensait que ce revenu de base répondait à la situation, notamment de par son caractère expérimental.
« Le règlement intérieur était ficelé, nous nous étions entourés de scientifiques pour l’élaborer et 4.000 jeunes avaient répondu qu’ils étaient prêts à participer à cette expérimentation. C’est un arbitrage juridique, mais aussi politique dans le cadre de la mise en œuvre du contrat d’engagement de l’Etat, dont on attend toujours certains points », a réagi de son côté Arnaud Simion, vice-président en charge de l’action sociale de proximité au département.
Le contrôle de la légalité de l’Etat est passé par là. Et il met un gros coup de frein à l’ensemble des projets de revenus de ce type portés par 18 autres départements de gauche en France. Ces derniers attendaient en effet de voir comment avançait l’expérimentation haut-garonnaise pour avancer leurs pions. « On abandonne, on va continuer à faire du lobbying et nous allons avoir une réunion avec les autres présidents de département », indique Georges Méric qui veut faire en sorte qu’un projet de loi soit examiné.
Il n’ira pas par contre devant le tribunal administratif de Toulouse pour contester la décision du préfet et ne lancera pas non plus l’expérimentation sans son aval. Ses services juridiques lui ont en effet indiqué qu’il risquait deux choses s’il s’y aventurait : il pourrait être accusé de détournement d’argent public, et être condamné au pénal, et les jeunes qui bénéficieraient de ce revenu prendraient le risque de devoir le rembourser.
Un coup dur pour le département de Haute-Garonne qui savait qu’il prenait le risque de voir sa demande retoquée. « Dans son discours au congrès de Versailles en 2017, Emmanuel Macron avait dit " osons expérimenter et déconcentrer (…) osons conclure avec nos territoires de vrais pactes girondins, fondés sur la confiance et sur la responsabilité ". Au-delà des mots, il y a les actes », conclut dans un tacle Arnaud Simion.