Présidentielle 2022 : Les vœux du 31 décembre, un avant-goût de campagne pour les présidents en quête de réélection
ARCHIVES•Avant Emmanuel Macron vendredi soir, quatre autres présidents ont présenté aux Français des vœux de quasi-candidatsRachel Garrat-Valcarcel
L'essentiel
- Emmanuel Macron sera vendredi le cinquième président de la République à présenter ses vœux avant d'entamer une campagne pour sa réélection.
- Dans leur allocution du 31 décembre, les axes de la campagne sont parfois très visibles alors qu’aucun président sortant n’était officiellement en campagne.
- Deux d'entre eux ont été réélus, deux ont été battus… notamment ceux qui annoncé une mauvaise année à venir. Emmanuel Macron peut-il faire autrement ?
Emmanuel Macron présentera les derniers vœux aux Français de son mandat vendredi soir à 20 heures. Ce seront officiellement les vœux d’un président, pas d’un candidat… même s’il fait peu de doute que le chef de l’Etat entrera bientôt dans l’arène électorale, à quelques semaines de la présidentielle. Cette nouvelle intervention télévisée sera-t-elle l’occasion pour Emmanuel Macron de borner encore un peu plus sa future campagne ?
Sous la Ve République, quatre présidents élus au suffrage universel se sont déjà prêtés à cet exercice des vœux du président-candidat sans le dire. Quels enseignements en tirer ? 20 Minutes a fouillé dans le placard à archives.
31 décembre 1980 : Valéry Giscard-d’Estaing
L’élection présidentielle n’est pas ouvertement abordée lors des derniers vœux de Valéry Giscard-d’Estaing. Il faut dire qu’à ce moment-là, il n’est pas en si mauvaise posture : le dernier sondage le place 12 points devant François Mitterrand au second tour, qui doit se tenir le 10 mai. La baisse est amorcée, mais le chef de l’Etat ne le sait pas encore. Entre les lignes, il est tout de même possible d’entrevoir quelques-uns de ses axes de campagne. Ainsi, « VGE » décrit la France comme un « grand pays qui doit le rester ». Cette force, qu’elle doit notamment « à la stabilité et l’efficacité de ses institutions » politiques, permet à la France d’être « estimée et respectée dans le monde ». Or, prévient le président sortant, « il faut peu de choses pour détruire l’image d’une nation ».
Pour VGE, ce sont « le relâchement, l’impatience et la désunion » qui pourraient détruire la grandeur de la France. Une victoire de la gauche aux élections est sans doute comprise là-dedans. C’est déjà là toute la stratégie de dramatisation de l’enjeu de sa future campagne : jouer sur la peur du déclassement de la France, la peur de l’inconnu voire la peur des communistes (il y a tout un couplet ce 31 décembre 1980 sur la question des libertés) qu’induit une victoire de François Mitterrand. Cette stratégie s’est notamment incarnée dans l’affiche de campagne de Valéry Giscard-d’Estaing : « Il faut un président à la France. » Sous entendu : avec Mitterrand il y aura comme une vacance du pouvoir. On le sait aujourd’hui, cette stratégie ne fonctionnera pas.
31 décembre 1987 : François Mitterrand
François Mitterrand, alors président de la première cohabitation avec Jacques Chirac, son futur adversaire à la présidentielle, aborde ouvertement lors de ses vœux « le rendez-vous que la France s’est fixé à elle-même ». Le socialiste, l’air de ne pas y toucher, va décrire par le menu ses thèmes de campagne. Ces vœux, c’est, avant l’heure, la « Lettre à tous les Français » du candidat socialiste, qui sera publiée début avril, peu avant le premier tour, dans toute la presse nationale et régionale.
C’est parfois quasi littéral : le 31 décembre 1988 le chef de l’Etat dit que « rien ne sera possible sans la religion de l’effort » ; dans la conclusion de la « Lettre », il affirme que « rien n’est jamais donné » et que « l’effort est loi ». Plus subtilement, on trouve la priorité absolue donnée à l’éducation (« Tout passera par le savoir, la formation ») et un passage sur la cohésion sociale : « La protection sociale est un droit. Il ne doit exister dans notre société ni exclus ni laissés pour compte. » Le RMI (aujourd’hui RSA), promesse majeure du candidat, est là. Enfin, ce n’est pas très original, mais François Mitterrand forme des vœux « pour qu’on s’aime un peu plus [en France] et qu’on sente un peu mieux nos raisons d’être unis quand notre avenir est en jeu ». « La France unie », ça sera son slogan de campagne.
31 décembre 2001 : Jacques Chirac
Quatorze ans plus tard, Jacques Chirac entame, lui aussi, la rengaine de la cohésion du pays. En 2001, il est, comme François Mitterrand en 1987, un président de cohabitation. Jacques Chirac en est même à ses cinquièmes vœux sans assumer le plus gros du pouvoir, entre les mains du gouvernement de gauche plurielle de Lionel Jospin. « La cohésion de notre nation exige l’affirmation d’une grande aventure collective », clame le président sortant. Deux mois plus tard, son slogan de campagne sera « La France en grand, la France ensemble ».
La majeure partie de ses vœux est d’abord prise par l’actualité : la France va passer à l’euro dans quelques heures – oui, ça fait vingt ans. Jacques Chirac n’abordera pas directement la prochaine campagne mais sème quelques éléments. Pour que l’euro « tienne ses promesses (…) de grandes réformes de modernisation de la société, de l’économie, de l’Etat devront être engagées ». Et puis, à deux reprises, le président presque candidat va aborder la question de « l’autorité de l’Etat » et de « l’ordre républicain », qui est « menacé quand l’insécurité progresse ». Le mot est lâché : ça sera le thème principal de la campagne électorale qui s’annonce.
31 décembre 2011 : Nicolas Sarkozy
Les derniers vœux du mandat de Nicolas Sarkozy, pour 2012, sont dominés par les conséquences de la crise financière et économique de… 2008. Et il prévient : « La crise n’est pas terminée. » Comme François Mitterrand en 1987, le chef de l’Etat sortant parle clairement de l’élection présidentielle à venir, mais pour dire qu’il assumera ses fonctions le plus longtemps possible : en somme, qu’il entrera en campagne le plus tard possible. Mais la position de Nicolas Sarkozy ressemble plus à celle de Valéry Giscard d’Estaing trente ans plus tôt : un président qui n’est pas en situation de cohabitation mais affronte une crise économique.
Et, bien plus encore que VGE, Sarkozy dramatise les enjeux « cruciaux » de l’année à venir. « La crise est grave, les circonstances exceptionnelles. » Et de poursuivre : « L’année 2012 sera celle de tous les risques mais aussi de toutes les possibilités. L’année de tous les dangers si nous restons immobiles, différer les choix est la pire des options. » Le président sortant la joue « c’est moi ou le chaos ». Valéry Giscard-d’Estaing et Nicolas Sarkozy sont aussi les seuls à annoncer une nouvelle année difficile. Coïncidence ou pas, aucun des deux n’a été réélu. Emmanuel Macron peut-il vraiment en tirer quelque conclusion que ce soit ? Difficile d’annoncer des lendemains qui chantent au beau milieu de la sixième vague pandémique.