Allemagne : Quels défis va devoir relever Olaf Scholz, le nouveau chancelier ?
MANDAT•Le nouveau chancelier allemand reprend les rênes du pays, après seize ans de règne d’Angela Merkel et dans un contexte pandémique très tenduMarie De Fournas
L'essentiel
- Avant même d’accéder au pouvoir en Allemagne, Olaf Scholz, le nouveau chancelier, a dû prendre des décisions strictes pour freiner la pandémie de Covid-19. Elles pourraient susciter une vague de protestations dès les premiers jours de son entrée en fonction.
- Ce « gouvernement Scholz » ne promet pas de changements radicaux, mais quelques évolutions très attendues de la part des Allemands et, notamment, de la part des jeunes. Une partie de la population que Olaf Scholz, 63 ans, n’incarne pas vraiment.
- C’est finalement son alliance avec les Verts et les Libéraux qui pourrait l’aider à relever les nombreux défis qui l’attendent et finalement convaincre l’ensemble de la population dans une Allemagne où le compromis est roi.
Après les discussions, le temps de l’action. Ce mercredi, Olaf Scholz a été désigné chancelier par le Parlement allemand. La page Angela Merkel se ferme définitivement et le social-démocrate va maintenant devoir relever de nombreux défis tout en composant avec un gouvernement de coalition formé avec les Libéraux et les Verts. Tout un programme avec son lot de promesses ambitieuses et de difficultés à venir.
Quels défis à relever dans l’immédiat ?
Avant même d’entrer en fonction, le nouveau gouvernement a dû commencer à gérer la nouvelle vague épidémique qui s’est abattue sur l’Allemagne. Sous la pression, Olaf Scholz et son équipe ont été contraints de revenir sur plusieurs promesses de campagne. Ils ont ainsi approuvé une batterie de restrictions et accepté l’idée d’une obligation vaccinale. La mesure pourrait être votée dès cette semaine et entrer en vigueur début 2022. Mais la grogne commence déjà à monter dans une partie de l’opinion publique. Olaf Scholz et son gouvernement ont la « grande responsabilité » de lutter contre la flambée de Covid-19 dans le pays, a déclaré ce mercredi Frank-Walter Steinmeier, président de la République fédérale. « Ne laissons pas la pandémie nous diviser durablement », a-t-il également lancé, dans ce contexte de mobilisation contre l’obligation vaccinale, censée entrer en vigueur en février ou mars. On a connu mieux comme démarrage de mandat…
Comment passer après « Mutti » Angela Merkel ?
Prendre la place d’une chancelière en place depuis seize ans, que les Allemands appelaient « Mutti » (surnom affectueux pour « maman » en Allemand), dans un pays où l’on apprécie la stabilité, ne va pas être chose aisée. Néanmoins, Olaf Scholz a pour atout de « rassurer à la fois les plus âgés et les électeurs sociaux-démocrates », explique Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Avec les Libéraux et les Verts qui incarnent eux une autre frange de la population, un peu plus jeune, il y a finalement « un attelage assez complémentaire qui permet une forme de renouvellement et une aussi certaine continuité après Angela Merkel. C’est le changement dans la continuité comme disait Pompidou en 1969 », conclut l’expert.
Du changement côté écologie et social ?
Malgré ce nouveau chancelier, il ne faut pas s’attendre à des changements radicaux en Allemagne qui est plutôt le pays des compromis. En revanche, plusieurs évolutions devraient émerger sur le long terme dans les domaines de l’écologie et du social. « Les Verts ont une ambition de transition écologique forte et ambitieuse » avec une sortie du charbon espérée dès 2030 et un large développement des énergies renouvelables, souligne Paul Maurice. Cependant, le programme des trois partis reste vague sur le financement de ces mesures de lutte contre le réchauffement climatique.
Olaf Scholz sera aussi très attendu sur les mesures sociales « qui l’ont d’ailleurs fait remonter dans les sondages lors de la campagne », souligne le chercheur au Cerfa. Parmi elles, la garantie des retraites stables et surtout l’augmentation du salaire minimum à 12 euros contre 9,6 euros actuellement. « Ce sont des projets qui rassurent les Allemands sur l’avenir ».
Séduire les jeunes, un autre défi ?
« Olaf Scholz n’a pas un charisme débordant, reconnaît Paul Maurice. C’est un homme assez âgé, qui incarne plutôt la politique traditionnelle. » Plusieurs mesures prévues par le gouvernement de coalition devraient cependant le rendre plus sexy auprès de la jeunesse allemande, comme la légalisation du cannabis pour les adultes ou encore l’abaissement du droit de vote aux législatives à 16 ans. Le gouvernement sera aussi très attendu sur la question de la transition numérique et technologique. A ce niveau, l’Allemagne a pris beaucoup de retard et il y a une vraie attente dans la population, notamment chez les jeunes. « C’est une question sur laquelle les Verts ont un programme ambitieux car ils considèrent que la transition écologique va de pair avec la transition numérique », commente Paul Maurice.
Un tournant dans les relations diplomatiques allemandes ?
A priori, les relations avec la France ont de beaux jours devant elles d’après le message publié ce mercredi sur Twitter par Emmanuel Macron qui a salué l’élection du nouveau chancelier allemand, en lui promettant d’écrire « la suite ensemble ». Berlin s’est aussi rangé du côté de la France pour une défense plus affirmée des intérêts européens sur la scène internationale. Un dossier qui sera peut-être au menu de la première rencontre officielle entre Emmanuel Macron et le nouveau chancelier qui doit avoir lieu vendredi, à Paris.
Notre dossier sur Olaf Scholz
Globalement, « il va y avoir une continuité dans les relations diplomatiques actuelles car les trois partis sont favorables au maintien du commerce Allemand à l’international », analyse Paul Maurice. A l’exception peut-être de quelques pays car « il va y avoir un durcissement des positions vis-à-vis de certaines grandes puissances sur les questions liées aux respects des droits humains », assure l’expert. A ce sujet, la nouvelle ministre des Affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, a ainsi promis une politique plus ferme que sous l’ère Merkel face aux régimes autoritaires comme la Russie et la Chine. Elle n’a d’ailleurs pas exclu un boycott des JO de Pékin.