Hadopi: Franck Riester, envoyé par l'UMP dans la fosse aux lions

Il s’est construit un nom grâce au projet de loi Création et Internet dont il est le rapporteur. A 35 ans, Franck Riester, yeux bleus et cheveux poivre et sel, détonne dans l’Assemblée nationale, siège des débats sur le téléchargement.

Sans relâche, ce député UMP et maire de Coulommiers — la ville qui a lancé la TNT — se fait tâcler par la plupart des députés de l’opposition. Jean-Pierre Brard surtout, député PCF, ne le lâche pas d’une semelle: «Je tente de me faire entendre de M. Riester, qui semble très occupé… Monsieur Riester, si vous souhaitez une suspension de séance parce que vous fatiguez un peu...» Puis: «Monsieur Riester, vous nous avez accusés de nous répéter. Mais mieux vaut se répéter que se contredire». Ou encore: «Des pédagogues comme vous, je n’en voudrais pas pour mes enfants parce que leur avenir serait largement compromis».

Blindage

«C’est de bonne guerre, ça fait partie du jeu, mais il ne faut pas prendre ces remarques personnellement», tempère Franck Riester, interrogé par 20minutes.fr. «Quand il y a un interlocuteur, c’est sur lui que cela tombe.» Qu’importe, même lâché dans la fosse aux lions, il fait montre d'un sang-froid imparable et garde son «cap».

Ce que reprochent les députés de gauche au rapporteur, c’est justement ce cap, jugé inflexible. «Un rapporteur doit écouter et trouver des compromis, au lieu de s’arc-bouter sur des certitudes paresseuses», lâche Christian Paul, député socialiste joint par 20minutes.fr. «Les amendements, l’opposition n’en a jamais assez», balaie Riester qui rappelle qu’il ne peut pas accepter tous les amendements sinon «cela viderait la loi de son sens». Et de citer l’exemple de la suspension de la connexion à Internet, que certains voulaient transformer en amende. «La riposte graduée constitue le cœur du dispositif, reprend Riester. Si on le casse, on casse tout ce qui fait cette loi».

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Le rapporteur, qui appelle les acteurs de l’industrie musicale par leur prénom, s'intéresse de près au Net: il a participé au pôle 3 dédié au choc d'Internet des Etats généraux de la presse et a été de toutes les réunions préparatoires de ce projet de loi. Il est à la botte du pouvoir, tempête-t-on dans les couloirs de l’Assemblée. La preuve, dit l'opposition, il dîne avant la séance nocturne avec la ministre de la Culture Christine Albanel. Et alors?, répond Riester, «c’est quand même mieux que l’on discute plutôt que l’on ne discute pas.» Selon nos informations, il n'y a d'ailleurs eu qu'un dîner depuis le début des débats.

Autre grief qui lui est adressé: «Avoir pour mentor Frédéric Lefebvre». Soupir de Franck Riester: «Il soutient le projet de loi, il a parfois des idées avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Il fait partie des personnalités fortes qui contribuent au débat et on a besoin de lui. Mais ce qui compte, c’est ce que votera le Parlement.»

Jeunesse

Dans l’opposition, on se gausse d’avoir inventé une «échelle de Riester» pour évaluer l’incongruité des propositions défendues par le rapporteur. «Au sommet, il y a la labellisation des offres légales», reprend Christian Paul. Jean-Pierre Brard l’a dit à Riester à l’Assemblée: «Vous vous prenez les pieds dans le tapis. C’est un peu la brasse coulée. "L’échelle de Riester" est de plus en plus perturbée», avant d’ajouter: «Vous avez des excuses, car vous êtes jeune». Une excuse que Riester n’entend pas accepter: «Si on n’a pas 50 ans, on ne peut pas faire de politique? Moi, j’y crois. Le reste, ça m’est égal. Ce sont des coups bas.»

Mais le coup bas ne vient pas toujours de là où on l’attend. Dans le propre camp de Franck Riester, ça grince aussi des dents: «J’ose espérer que le texte Création et Internet ne vient pas du rapporteur, sinon il faut changer de métier! Il ne faut pas oublier qu’il est vendeur de voitures avant tout», allusion à son activité professionnelle de dirigeant de concessions automobiles. Franck Riester, serein, a d'autres activités: il a été nommé directeur de campagne pour l'UMP dans le cadre des Européennes 2009.