Marseille : Les habitants de la cité Bassens « jouent le jeu » face à Emmanuel Macron « venu chercher le buzz »
REPORTAGE•De mémoire à la cité Bassens de Marseille, on avait jamais vu autant de personnes en costume-cravate en même temps.Alexandre Vella
L'essentiel
- En visite pendant trois jours à Marseille, le chef de l'Etat s'est rendu ce mercredi après-midi à la cité Bassens, dans les quartiers Nord de Marseille.
- L'accueil a été à la hauteur des besoins des habitants.
- Emmanuel Macron s'est ensuite rendu dans un commissariat voisin.
Il est 17 heures passées et l’excitation monte à la cité Bassens, un ensemble emblématique du 15e arrondissement qui concentre les problèmes des quartiers Nord de Marseille. Emmanuel Macron est attendu d’une minute à l’autre. Le voilà qui arrive, avec son cortège de véhicules. De mémoire à la cité, on avait jamais vu autant de personnes en costume-cravate en même temps. « Des CDI », « des logements dignes », « de l’argent pour les mères », « un nouveau city stade », « un selfie », les demandes fusent à mesure que le président progresse dans une foule de dizaines de personnes venues assister à cet événement.
Accompagné de Benoît Payan, le maire de la ville, et de Samia Ghali, maire adjointe, le chef de l'Etat s’est ensuite rendu dans un local associatif. Là, il a pu échanger avec une poignée d’habitants et de responsables associatifs. « Cette visite est importante pour la reconnaissance des habitants, qui se sentent abandonnés », comprend Inès Ben Moussa, coordinatrice à l’association Dunes, qui emploie une centaine de médiateurs et médiatrices dans les quartiers de Marseille, de Vitrolles et d’Aix. Logement, trafic de stupéfiants, manques d’activités, enclavements, absence de mixité sociale, « les problématiques sont toujours les mêmes », poursuit Yanis Boubekeur de l’association Notre Image. « Enfin, si on peut être entendu… »
« On se fout de notre gueule, mais on joue le jeu »
« Il faut en priorité des moyens pour l’éducation », estime Mohammed, éducateur, pour qui, cette visite présidentielle qui devrait accoucher « d’un grand plan pour la ville », « ne peut pas tout changer mais peut déjà faire évoluer la situation », espère-t-il. Samia Ghali, elle-même originaire de ces quartiers, veut, elle, croire que cette fois-ci, « tout peut changer. Il y a la volonté politique, ce qu’il n’y avait pas avant », considère l’ex-membre du parti socialiste qui a préparé cette visite il y a trois semaines.
Une visite et un bain de foule populaire sous l’œil des caméras qui n’amuse pas tout le monde. « On se fout de notre gueule, mais on joue le jeu », ironise une habitante. « Les agents de la ville sont venus nettoyer à cinq heures ce matin. Il devrait venir plus souvent », souffle-t-elle. « Enfin, il vient chez nous, la moindre des choses c’est de l’accueillir », poursuit-elle. Un scepticisme partagé par d’autres habitants. « Il est venu chercher le buzz. J’ai 51 ans, tous les présidents ont dit qu'ils feraient des trucs et n’ont rien fait », désespère Mourad. « C’est le bal des faux culs », ajoute Abdelaziz, 55 ans et une vie au quartier, depuis la petite épicerie située entre le local associatif et le city stade, visant aussi bien les politiques que les habitants venus serrer la main au président.
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Emmanuel Macron est resté près de deux heures à la cité Bassens, qu’il a quittée aux alentours de 19h30 pour se rendre au commissariat voisin. Au grand soulagement de son service de sécurité, dont les agents tiraient un peu la moue quant à la proximité physique à laquelle se prêtait le président. « Il faut qu’il nous aide et qu’il se lâche là, parce qu’il ne va pas revenir de sitôt », concluait Sarah. En effet, une partie de la cité Bassens devrait être démolie à l’horizon 2025, pour permettre un nouveau tracé des lignes SNCF.