INSOUMISMélenchon est-il trop clivant pour rassembler à gauche en vue de 2022 ?

Présidentielle 2022 : Jean-Luc Mélenchon, un candidat trop clivant pour rassembler à gauche ?

INSOUMISJean-Luc Mélenchon veut incarner une « union populaire » pour se hisser au second tour de l’élection présidentielle, mais se montrer fédérateur peut s’avérer compliqué pour le candidat LFI
Tom Hollmann

Tom Hollmann

L'essentiel

  • Souvent accusé d’être dans une « opposition de fait » par ses détracteurs, Jean-Luc Mélenchon, candidat LFI à l’élection présidentielle de 2022, veut désormais incarner « l’union populaire » et fédérer.
  • Un pari que ses opposants, qui le considèrent trop peu rassembleur, jugent incongru à un moment où la France a besoin d’apaisement.
  • Le programme du député des Bouches-du-Rhône suscite l’adhésion des Français, selon un sondage, mais le contexte de cette élection pourrait ne pas faciliter la tâche du candidat.

Officiellement candidat depuis le mois de novembre à l’élection présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon a une obsession : se hisser au second tour pour affronter Emmanuel Macron en avril, afin de ne pas revivre le scénario d’il y a quatre ans. « C’est la meilleure des choses à faire, il faut combattre ce duel qui vire au duo entre le chef de l’Etat et Marine Le Pen », souffle Clémentine Autain, députée LFI de la Seine-Saint-Denis. Reste que pour accéder à la tête de l’Etat et convaincre dans les urnes, le député des Bouches-du-Rhône va devoir rassembler.

Un objectif qui pourrait s’avérer délicat, au vu de déclarations récentes jugées toujours plus clivantes, notamment sur les mesures prises pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Aux journées d’été de son parti, Jean-Luc Mélenchon fustigeait ainsi un pass sanitaire « attentatoire à la liberté dans le monde du travail, dans la société, dans les rapports humains ». Un épisode qui fait suite à la polémique de juin dernier sur ses propos relatifs aux violences lors des campagnes présidentielles jugés « complotistes » par la classe politique. « Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre […] Tout ça, c’est écrit d’avance », avait-il lancé sur France Info. Une controverse de plus pour celui qui n’a pas peur d’invectiver des policiers venus perquisitionner ses locaux en s’exclamant « la République c’est moi ! »

« Le pays n’est pas prêt à basculer dans une ère populiste »

A huit mois du premier tour, les sondages placent le chef de file de La France Insoumise légèrement devant les autres personnalités de gauche, avec 11 % d’intentions de votes, selon une enquête Harris Interactive pour Challenges *, devant les 7 % d’Anne Hidalgo (PS) et les 6 % de l’écologiste Yannick Jadot. Une avance ténue qui ne semble finalement traduire qu’une égalité parmi ces prétendants. « Il faut rappeler qu’en février 2017 [avant l’élection précédente], les sondages nous donnaient à 8 % et le PS à 18 %… Avec le résultat qu’on connaît [19,58 % pour Mélenchon et LFI et 6,36 % pour le PS d’Hamon au premier tour] », fait pourtant remarquer le député Alexis Corbière (LFI).

En commençant sa campagne tôt, et surtout avant tous les autres, Jean-Luc Mélenchon aurait pu prendre la tête de la course et se poser en rassembleur. « Partir en avance permet d’aller à la rencontre du pays et des citoyens, c’est un moyen de se donner de la visibilité et un signe de motivation », explique Bruno Cautrès, politologue au Cevipof. « C’est aussi un moyen d’imposer les sujets du débat ». Mais « cette année, le débat a été figé par la crise du Covid-19, et ensuite par le président lui-même, qui balise énormément le terrain », poursuit le spécialiste. Une situation « relativement compliquée », imposée par des termes du débat qui sont « très à droite », reconnaît Clémentine Autain.

Que ce soit du côté du Parti socialiste ou d’Europe écologie les verts, qui estime pouvoir parler « à l’ensemble des forces vives du pays », on doute aujourd’hui de la capacité de Jean-Luc Mélenchon à fédérer l’ensemble de la population dans les urnes. « Alors que la France a besoin de trouver un chemin d’apaisement, je ne pense pas qu’il soit la personnalité la plus rassembleuse et que le pays soit prêt à basculer dans une ère populiste », juge Pierre Jouvet, porte-parole du PS, pour qui Jean-Luc Mélenchon « surfe sur la vague des mécontentements ».

Mélenchon vise « l’union populaire »

Des critiques qu’Alexis Corbière (LFI) balaie : « Il est constamment attaqué et déformé, on pourrait presque y voir un hommage du vice à la vertu. Mais la vérité, c’est que Jean-Luc Mélenchon est un candidat expérimenté et solide, qui saura porter un programme à la fois social et écologique. Il faut revenir sur du positif et on y travaille. » Exit le dogmatisme ? Le temps semble davantage à « l’union populaire » pour le candidat Mélenchon. En témoigne l’absence de la « marque » LFI sur les affiches de campagne du chef de parti.

Revigorés par une autre enquête Harris Interactive **, selon laquelle les 42 principales propositions du programme de Jean-Luc Mélenchon parlent à une majorité de Français, les Insoumis doivent désormais « transformer cette adhésion en votes dans les urnes », rappelle Clémentine Autain. Mais pour Bruno Cautrès, l’opération pourrait ne pas être si simple. Selon lui, LFI avait bénéficié en 2017 de l’abandon de François Hollande et du fait que Benoît Hamon ne suscitait pas l’adhésion, gagnant ainsi du terrain sur les terres socialistes. Mais dans l’optique de 2022 et avec la candidature d’Anne Hidalgo, l’opération pourrait ne pas se répéter. Sans compter que « le propre d’une élection à deux tours, c’est de devoir convaincre des électeurs qui n’ont pas voté pour nous au premier, conclut Bruno Cautrès. Et pour ça, il faut être rassembleur ».

* Enquête Harris Interactive pour Challenges, réalisée en ligne du 27 au 30 août auprès d’un échantillon de 1.328 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, dont 1.083 inscrites sur les listes électorales, selon la méthode des quotas. Marge d’erreur entre 1,4 et 3,1 points.

** Enquête réalisée en ligne du 4 au 5 mai 2021 sur un échantillon de 1.299 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région.