Extension du pass sanitaire : Le projet de loi sous les fourches caudines de l'Assemblée
ÉPIDÉMIE•Les députés se penchent ce mercredi sur le texte relatif à l'adaptation de nos outils de gestion de la crise sanitaire. Un texte déjà largement critiqué à droite et à gaucheJ.Bt. avec AFP
Des oppositions qui se raidissent, une majorité vigilante sur les libertés et des rafales d’amendements : l'Assemblée nationale se saisit ce mercredi du projet de loi étendant le pass sanitaire, en vue d’une adoption express sous la pression du variant Delta du Covid-19. Après douze heures de débat, les députés ont adopté le texte en commission peu après 5h ce mercredi matin (ils le retrouveront dans l’hémicycle à partir de 15h).
Vivement contesté par une frange de l’opinion jusque dans la rue, ce texte traduit les annonces du 12 juillet d'Emmanuel Macron, de l’obligation vaccinale pour les soignants au pass sanitaire (prouvant la vaccination complète, un test négatif récent ou l’immunisation) pour l’accès aux cafés, restaurants et trains à partir de début août.
L’adoption définitive de ce texte d’ici à ce week-end relève du tour de force, tant il déchaîne les passions. « Les plus radicalisés risquent d’être en séance et tout va dépendre de l’attitude du ministre » de la Santé, Olivier Véran, qui mouche régulièrement les oppositions, observe une source parlementaire. Rien qu’en commission, quelque 600 amendements ont été passés en revue dans la nuit de mardi à mercredi.
Reports et assouplissements déjà actés
Sur le fond, la commission des Lois a voté en faveur du report à la fin septembre du pass sanitaire pour les 12-17 ans. Le gouvernement avait déjà exempté cette catégorie d’âge jusqu’au 30 août, et la mesure pourrait être à nouveau débattue dans l’hémicycle, puis au Sénat, jeudi.
Pour l’accès aux grands centres commerciaux, les députés ont avalisé de possibles exceptions au pass, quand il n’existe pas d’autres commerces de biens de première nécessité à proximité. Ils ont aussi soutenu des sanctions renforcées contre la fabrication ou l’utilisation de faux pass sanitaires, ou des peines aggravées en cas de violence sur des personnes contrôlant ces documents.
« Promouvoir les libertés »
Pour couper court aux critiques et annonces de saisines du Conseil constitutionnel qui se multipliaient, de la droite sénatoriale aux députés LFI, le Premier ministre a annoncé qu’il en appellerait lui-même aux «sages» sur l'ensemble du projet de loi. « Notre objectif a été de prendre des mesures proportionnées », et « le pass sanitaire n’est pas une atteinte aux libertés, il va viser à les promouvoir », a fait valoir Jean Castex. Une justification apportée alors que plusieurs députés, principalement LREM, ont été menacés de mort pour leur soutien au texte par des anti-pass ou antivax.
C’est sur l’extension du pass sanitaire que droite et gauche réservent leurs banderilles. Les députés LR réclament de la « souplesse » pour qu’il ne soit pas aussi dur qu’un confinement, avec des amendes réduites et une dérogation jusqu’au 30 août pour ceux ayant reçu une première dose de vaccin. Mardi soir, Olivier Véran n’a pas complètement fermé la porte sur ce dernier point, même s’il attend des avis scientifiques.
A gauche, convaincre plutôt que contraindre
Les socialistes, eux, rejettent le pass, qui reviendrait à ce que « la moitié de la population (restaurateurs, commerçants…) contrôle l’autre moitié de la population ». Ils lui préfèrent une « vaccination obligatoire » des majeurs contre le Covid-19 « d’ici au 1er octobre ».
Députés communistes et insoumis s’orientent vers un vote global contre, rejetant des « atteintes » aux libertés individuelles et veulent convaincre plutôt que contraindre.
Du côté de la majorité, les réticences initiales vis-à-vis du pass ont été balayées par les annonces présidentielles et les rendez-vous de déminage du gouvernement. Mais la question de l’isolement obligatoire pour les malades passe mal auprès de certains d’entre eux, et quelques frondeurs ont donné de la voix.
A l’inverse, les alliés d’Agir veulent aller plus loin sur la question de l’isolement, en supprimant le créneau de sortie de deux heures envisagé.
Et les élus Modem, qui avaient provoqué un couac en mai lors d’un vote sur le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire – prorogé là au 31 décembre – , revendiquent un débat chaque mois au Parlement sur la situation sanitaire et économique.