TELEOn a vu le docu sur les coulisses d’Edouard Philippe à Matignon

« Edouard, mon pote de droite » : On a vu le docu sur les coulisses d'Edouard Philippe à Matignon

TELE« Aux manettes », le troisième épisode de la série documentaire de Laurent Cibien sur la carrière politique de son ami Edouard Philippe, est diffusé ce dimanche sur France 5
Laure Cometti

Laure Cometti

L'essentiel

  • Pendant leurs études, Laurent Cibien et Edouard Philippe sont devenus copains. Le premier est devenu journaliste-documentariste, et le second s’est lancé en politique.
  • Le réalisateur a filmé la carrière d’Edouard Philippe dans une série baptisée « Edouard, mon pote de droite », de son élection comme maire du Havre à son implication dans la campagne d’Alain Juppé lors de la primaire des Républicains en 2016.
  • « Aux manettes », le troisième épisode diffusé ce dimanche sur France 5, nous plonge dans le quotidien du Premier ministre pendant trois ans.

Lorsqu’il a commencé à filmer Edouard Philippe, en 2004, Laurent Cibien n’imaginait pas que ce documentaire le mènerait jusqu’à Matignon. « Quelle histoire ! Ah ben on l’aurait pas cru ! », cabotine le Premier ministre dans son bureau de Matignon, nouant sa cravate avant de passer devant la caméra de son ami. Les deux hommes se sont connus sur les bancs de la classe préparatoire littéraire du lycée Janson-de-Sailly, à Paris. Depuis, le journaliste-réalisateur a filmé l’ascension de « son pote de droite » et l’a suivi en campagne pour la mairie du Havre en 2014 (épisode 1), puis lors de la primaire de droite, lorsqu’il soutenait son mentor Alain Juppé en 2016 (épisode 2). Le troisième volet, diffusé ce dimanche sur France 5 à 20h50, le montre finalement au sommet de l’Etat.

Au cours des trois années qu’Edouard Philippe a passées à Matignon, le journaliste et le politique ont conservé leur rituel. Le résultat dure près de trois heures et donne à voir en coulisses l’évolution d’un élu local, de sa nomination comme Premier ministre, jusqu’à son départ du gouvernement, il y a un an, le 3 juillet 2020. Dans son bureau feutré de Matignon, Edouard Philippe est d’abord souriant, flegmatique, parfois blagueur, puis de plus en plus fatigué, à mesure que les crises se succèdent ( « gilets jaunes », Covid-19…), et plus rarement tendu, comme lorsque son « pote gauchiste » l’interroge sur la loi « anticasseurs »). 20 Minutes a pu regarder « Aux manettes », et vous en livre en avant-première quelques anecdotes.

Le travail, c’est la santé

Au moment de sa nomination à Matignon, Edouard Philippe raconte avoir perdu 4,5 kg. « Ça m’était jamais arrivé. Ça a été une semaine d’apnée », raconte-t-il, entre « angoisse » et « suractivité ». « J’ai hésité un petit peu […], comme on hésite quand on sait qu’on va le faire ». Un poste de Premier ministre, « ça se refuse pas », dit celui qui, à 46 ans, a été propulsé de la mairie du Havre à Matignon, à la surprise générale.

Puis la caméra filme les effets du temps et du stress sur le Premier ministre. « Je suis fatigué », lâche-t-il en décembre 2018. Il évoque un peu plus tard les taches qui apparaissent sur sa barbe. « Je pense que je réfléchis moins qu’avant », constate-t-il en janvier 2019.

Edouard Philippe lors de son dernier jour à Matignon, le 3 juillet 2020, et son premier, le 15 mai 2017.
Edouard Philippe lors de son dernier jour à Matignon, le 3 juillet 2020, et son premier, le 15 mai 2017. - LUDOVIC MARIN/AFP // WITT/JOLY LEWIS/SIPA

« Des tonnes de trucs qui peuvent te péter à la gueule »

A quoi ressemble le job de Premier ministre ? Le documentaire livre quelques éléments de réponse. Les dossiers sont presque innombrables. « La Nouvelle Calédonie, la Corse, la situation dans hôpitaux, la réforme de l’assurance chômage, le terrorisme, le début de la réflexion sur les retraites », égrène le Havrais dans son bureau en décembre 2017. « T’as des tonnes de trucs qui peuvent te péter à la gueule. »

Puis, en juillet 2018, ce constat : « Ici tu gères pas le monde parfait, tu gères le monde imparfait. C’est des oasis, les moments que je passe avec toi », précise-t-il au sujet des entretiens avec Laurent Cibien. « Sinon, c’est en permanence des coups de fil, des réunions, des déplacements, des polémiques, des mauvaises nouvelles… »

Le réalisateur les filme aussi, qu’il s’agisse d’un déplacement en Lozère en octobre 2018 au cours duquel Edouard Philippe est interpellé par un retraité en colère, ou d’une réunion de crise à Beauvau en pleine pandémie. Mais la crise des « gilets jaunes », qu’il n’a pas vu venir, il la vivra de son bureau, tous les samedis, à travers la télé.

Une démission surprise

En août 2018, Edouard Philippe n’était pas au courant que son ministre de l’Ecologie allait claquer la porte du gouvernement. Il n’écoutait pas France Inter lorsque Nicolas Hulot a annoncé sa démission à la radio. « J’étais dans mon bureau, et je reçois un SMS d’un ami : "Hulot !". Puis j’ai entendu courir dans le bureau d’à côté. » « J’ai trouvé que c’était une façon un peu cavalière », glisse-t-il.

Interrogé par Laurent Cibien sur sa responsabilité de responsable politique sur les enjeux environnementaux, il répond : « Sur le réchauffement climatique, ça peut arriver de se dire peut-être que dans 5, 10, 20 ou 30 ans, on va me reprocher de ne pas avoir assez agi à ce moment-là, parce que c’était le moment de prendre des décisions. Tous les jours je pense ça, mais pas seulement sur ce sujet-là. Je me dis peut-être que dans cinq ans, on me reprochera de ne pas avoir augmenté les efforts dans la recherche médicale, parce qu’il y aura un virus qu’on n’a pas pu venir. »

« Je prends aucune bonne décision, j’ai le choix entre des mauvaises »

Ironie du sort, le coronavirus arrive en France et chamboule l’agenda d’Edouard Philippe. On le voit, entouré de ses conseillers confinés à Matignon, scruter les chiffres, entre deux bouchées de spaghettis, et soupeser chacun des mots à prononcer à la télévision. Un soir, il lit à son équipe un texto reçu après l’une de ses interventions : « Remarquable de bout en bout, la gravité, le concret, pas de sentimentalisme, bravo, c’était le ton, donc la vérité. Fabrice Luchini ». Eclats de rire.

« Je pense que je prends aucune bonne décision, j’ai le choix entre des mauvaises », lâche-t-il à la veille du déconfinement, le 10 mai 2020. « Même s’il y a beaucoup de critiques, les gens continuent à écouter ce que je dis quand je passe à la télé. Si je racontais n’importe quoi, ils écouteraient pas. »

Et après Matignon ?

Début juillet, Edouard Philippe fait ses cartons en écoutant les Dire Straits. Que faire après Matignon ? Début 2019, lors de la campagne des élections européennes, il évoque la Sicile en cas de défaite (et donc de remaniement). Pendant le mouvement contre la réforme des retraites, il fait part de ses premiers doutes sur son maintien à Matignon. « Je me pose la question à cause des municipales au Havre, c’est la seule question qui m’importe », précise-t-il.

« Tu pourrais abandonner la politique ? », lui demande Laurent Cibien. « Ouais je crois, ouais. » Pour faire quoi ? « Monter un cabinet d’avocats avec des copains, je sais faire, je l’ai déjà fait, ça peut être amusant, rigolo… Enseigner à l’étranger, j’adorerais ça. Je pourrais aussi bien reprendre ma carrière initiale au Conseil d’Etat, donner des cours en France, écrire des livres… Je m’emmerderais sans doute un petit peu, mais c’est même pas sûr. Ce serait un peu pépère. »

Il finira par se déclarer candidat à la mairie du Havre le 31 janvier 2020. Elu au second tour, il retourne dans la cité portuaire le 3 juillet, après la passation de pouvoir avec son successeur Jean Castex. Face à la Manche, Laurent Cibien retrouve son pote de droite et lui demande s’il veut devenir président. « C’est pas une question légère. C’est une question assez compliquée », élude Edouard Philippe. En attendant d’y répondre, il continuera cet été son tour des librairies de l’Hexagone pour la promotion de son livre*.

* Impressions et lignes claires, coécrit avec son conseiller Gilles Boyer, (JC Lattès).