ELECTIONSA gauche comme à droite, on s'interroge sur le « front républicain »

Régionales : A gauche comme à droite, on s'interroge sur la pertinence du « front républicain » pour battre le RN

ELECTIONSEn 2015, deux candidats socialistes s’étaient retirés au second tour de l’élection pour faire barrage aux candidats du Rassemblement national, mais cette stratégie semble s’essoufler
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • A dix jours du premier tour, le RN est donné en tête dans plusieurs régions.
  • En 2015, le Parti socialiste avait retiré ses candidats dans les Hauts-de-France et en Paca pour faire barrage au Front national.
  • Cette année, le « front républicain » ne semble plus aussi évident pour les partis de gauche comme de droite.

«Le front républicain est mort, ce scénario ne se reproduira plus », glisse, confiant, un proche de Marine Le Pen. Ce réflexe politique de la gauche et de la droite, qui vise à retirer sa candidature au second tour pour faire « barrage » au Rassemblement national, est-il en voie de disparition ? A dix jours du premier tour des élections régionales, la question est posée, alors que plusieurs sondages placent des candidats RN en tête du premier tour, que ce soit en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Bourgogne-Franche-Comté, dans le Centre-Val de Loire, le Grand Est, en Nouvelle Aquitaine ou en Occitanie. Malgré cette poussée, le front anti-RN ne semble plus aussi évident que lors du précédent scrutin, en 2015.

A droite, certains dénoncent une « imposture intellectuelle »

A droite, plusieurs personnalités ont déjà fait voler en éclats le barrage,déjà fragilisé lors des scrutins organisés au cours des dernières années, à l’image de Guillaume Peltier. « Je ne veux plus du front républicain. Je ne veux plus de cette imposture intellectuelle, de cette paresse intellectuelle qui fait que des hommes politiques viennent sur les plateaux de télévision dire que leur combat, c’est contre le RN. Tout ça n’a aucun sens. Moi je ne me lève pas le matin contre le RN », a lancé le numéro 2 des Républicains sur RTL.

Une position défendue notamment par le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, mais qui ne fait pas consensus à droite. Difficile de dire aujourd’hui quelle sera la position de la direction du parti lorsqu’un candidat LR sera derrière la gauche et le RN. Mais Aurélien Pradié, candidat LR en Occitanie donné en 3e position dans les enquêtes d’opinion, a déjà prévenu qu'il ne retirerait pas sa liste. « On verra ce qui sortira des urnes au soir du premier tour. S’il y a une réelle menace du RN dans telle ou telle région, et que nous ne sommes pas dans les deux premières positions, nous prendrons nos responsabilités », veut croire l’élu du Pas-de-Calais, Pierre-Henri Dumont.

LREM souhaite « réinventer le front républicain »

Du côté de La République en marche, c’est l’ambiguïté. Le président des marcheurs à l’Assemblée, Christophe Castaner, a bien défendu fin mai la stratégie du « front républicain ». Mais le député européen LREM Stéphane Séjourné, également conseiller politique d’Emmanuel Macron, a, pour sa part, invité son parti à « réinventer le front républicain » la semaine passée, plaidant pour des fusions dans l’entre-deux tours entre la liste arrivée en tête et celles de l’opposition pour battre le RN. « On voit bien que le front républicain tel qu’on l’a connu est inefficace, puisque les intentions de vote pour le RN sont aussi hautes qu’il y a cinq ans », a-t-il estimé dans un entretien à France Inter. « Une piste intéressante », lui a répondu le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal mercredi sur Europe 1. « Selon qu’on est à 10, 15 ou 20 %, et selon les risques de conquête du RN, la stratégie peut être différente : maintien, retrait ou fusion », confie un cadre de LREM. Cette « réinvention » du front anti-RN pourrait également servir à mettre en difficulté des adversaires pour 2022, comme Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, qui a déjà promis de ne pas s'allier avec LREM dans l'entre-deux tours.

A gauche, le front anti-RN également fragilisé ?

A gauche, certains gardent un souvenir amer des dernières régionales de 2015. Dans les Hauts-de-France et en Paca, le Parti socialiste, arrivé troisième, avait retiré ses listes entre les deux tours afin d’empêcher – avec succès – les victoires de Marine Le Pen et Marion Maréchal. Mais le prix à payer était lourd : aucun conseiller régional pendant six ans. Une stratégie qui reste toutefois défendue par certains cadres du PS, comme la maire de Paris PS Anne Hidalgo, qui y voit une « règle absolue », ou le Premier secrétaire Olivier Faure.

Chez Europe Ecologie-Les Verts, on assure que la stratégie sera établie au cas par cas, après le premier tour. « C’est un dilemme car le front républicain n’a pas suffi à enrayer la progression du RN, et ne pas avoir d’élus pendant six ans pour défendre ses idées sur ces territoires face à l’extrême droite est une lourde responsabilité », assure Eva Sas, porte-parole d’EELV. « Mais porter la responsabilité d’une victoire RN à la tête d’une région [en cas de maintien] serait également délicat. On évaluera en fonction du risque RN, des autres forces politiques et d’éventuelles alliances ». En Paca, le candidat écologiste Jean-Laurent Félizia a déjà fait savoir qu'il pourrait maintenir sa liste d'union de la gauche au second tour.

Reste à savoir si les consignes des différents partis seront suivis par les candidats sur le terrain. En 2015, le candidat socialiste Jean-Pierre Masseret avait refusé de se retirer de la course dans le Grand Est malgré les demandes de Solférino.