Retraites : Réformer ou pas avant la fin du quinquennat ? Le dilemme d'Emmanuel Macron
PRESIDENTIELLE•A l'heure du déconfinement, le chef de l'Etat remet sur la table la possibilité de relancer le chantier explosif d'une réforme des retraites, mise en suspend pendant la pandémieThibaut Le Gal
L'essentiel
- En déplacement dans le Lot ce jeudi, le président de la République a alimenté les spéculations sur l’explosive réforme des retraites, suspendue depuis mars 2020 par la pandémie.
- Sur le dossier des retraites, il a souligné que « rien n’est exclu », mais il « ne pense pas que la réforme qui était initialement envisagée puisse être reprise en l’état ».
- Le chef de l’Etat est face à ce dilemme : mettre la réforme à exécution au risque de relancer la contestation ou la repousser et s’exposer aux critiques de l’opposition.
«Quoiqu’il arrive, je présiderai jusqu’au dernier quart d’heure », a prévenu Emmanuel Macron. Mais le chef de l’Etat poursuivra-t-il les réformes pour les dix derniers mois de son quinquennat ? En déplacement dans le Lot ce jeudi, le président de la République a alimenté les spéculations sur la périlleuse réforme des retraites, suspendue depuis mars 2020 par la pandémie de coronavirus.
« Je ne pense pas que la réforme qui était initialement envisagée puisse être reprise en l’état », a précisé le chef de l’Etat devant la presse, tout en soulignant qu’il devra prendre des décisions « difficiles » pour que la dernière année du quinquennat soit « utile » au pays.
Relancer la réforme, au risque de relancer la contestation ?
Si le chef d’Etat se montre prudent, c'est que le dossier est potentiellement explosif. En décembre 2019, le projet de « mise en place d’un système à points » avait entraîné la mobilisation de centaines de milliers de personnes dans toute la France. Le gouvernement avait également dû ferrailler à l’Assemblée nationale, se voyant contraint de passer le texte en force, en mars 2020, en recourant à l’article 49-3. Le conflit social avait cessé en raison de l’irruption du Covid-19, avant que le projet de loi n’arrive au Sénat. Relancer la réforme, c’est prendre le risque de relancer le mouvement de mobilisation, au moment où l’épidémie persiste sur le territoire.
« Le texte est devenu un objet politique instrumentalisé. Si on souhaite réussir cette réforme des retraites, prenons le temps de sonder le pays, de dégager un consensus », plaide le député MoDem du Finistère, Erwan Balanant. « C’est un bon sujet pour la prochaine présidentielle, qui permettra le temps du débat. Et le candidat qui aura été élu en portant cette réforme aura la légitimité pour la mener ». Car si le candidat Macron avait promis en 2017 un régime de retraites universel, il n'évoquait alors pas la nécessité d'instaurer un âge pivot, mesure qui avait mis le feu aux poudres en 2019.
Ne pas entraver l’image du président réformateur
Reste que le chef de l’Etat est également pressé par une partie de son camp, et notamment le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, qui la juge « nécessaire » pour viabiliser le système par répartition. En reportant à l’après 2022 ce texte qu’il juge lui-même comme « la mère de toutes les réformes », le président prendrait un risque : se voir accuser d’immobilisme, par la droite notamment, avant le début de la campagne présidentielle. Le député Les Républicains de l’Yonne, Guillaume Larrivé, a dénoncé ce vendredi sur Public Sénat « ces hommes politiques irresponsables qui consistent à dire qu’il ne faut jamais rien faire parce qu’il y a des élections. On doit être capable de traiter la question des retraites et celle de la maîtrise des dépenses publiques ».
Dans la majorité aussi, certains poussent pour conforter l’image d’un « président réformateur ». « Le calendrier semble trop serré pour la réforme complète. Mais la mesure d’âge est nécessaire. Elle va susciter une grande émotion, mais la mettre en place avant la présidentielle, ce serait une démonstration de courage politique », juge Anne Genetet, députée et porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée.
Du côté du secrétariat d’Etat chargé des Retraites, on se contente de reprendre le vocable d’Emmanuel Macron. « Rien n’est aujourd’hui exclu. Le processus de réforme a été suspendu au début de la crise par le président, mais on n’a jamais cessé de travailler sur plusieurs scénarios ». Repoussement de l’âge légal ? Augmentation de la durée des cotisations ? Quid des régimes spéciaux ? Emmanuel Macron devrait « pouvoir expliciter début juillet lorsqu’il présentera sa feuille de route pour les prochains mois » avec certainement un sommet social, indique une source gouvernementale à l’AFP.