L’opération séduction d’Emmanuel Macron envers les jeunes est-elle efficace ?
JEUNESSE•Aides financières, vidéo avec McFly et Carlito… A moins d’un an de la présidentielle, le président de la République multiplie les mesures et les messages dédiés à l’attention des moins de 30 ansDelphine Bancaud
L'essentiel
- Ces derniers jours, Emmanuel Macron communique avec des représentants de la jeunesse (vidéo avec McFly et Carlito, rencontre avec le président de la Fage…) et a annoncé des mesures destinées aux moins de 30 ans.
- Ce qui signe sa volonté de reconquérir les jeunes à moins d’un an de la présidentielle et de les prendre en compte dans sa stratégie d’après Covid-19.
- Des gestes qui séduisent une partie de la jeunesse, mais qui laisse le reste de marbre. Car les problèmes de précarité et d’insertion professionnelle de beaucoup de jeunes sont loin d’être résolus.
Priorité aux jeunes. La situation sanitaire s’améliorant en France, Emmanuel Macron veut donner un coup d’accélérateur à ses actions envers les moins de 30 ans. Ces dernières semaines, tous les filons sont exploités. Celui de la communication sur mesure, avec la diffusion dimanche d’une vidéo avec McFly et Carlito, où l’on voit le président se livrer à un « concours d’anecdotes » avec le duo de Youtubeurs, émaillé d’un appel à Kylian Mbappé. Une vidéo qui affichait 12 millions de vues ce dimanche. La semaine dernière, le président a aussi rencontré le président de la Fage, première organisation étudiante. « C’était la première fois depuis son élection. On a senti qu’il était sensible à l’alerte envoyée par les corps intermédiaires et la société civile, concernant la situation préoccupante des jeunes », commente Paul Mayaux.
Le filon de l’action politique est aussi largement exploité. Vendredi, Emmanuel Macron a ainsi dévoilé le Pass Culture
doté de 300 euros et destiné aux 800.000 jeunes âgés de 18 ans. Le même jour le gouvernement a annoncé que la vaccination des plus de 18 ans serait avancée et commencerait dès le 31 mai. Fin avril, un simulateur en ligne baptisé la boussole a été lancé pour permettre aux jeunes d’identifier les mesures financières auxquelles ils ont droit. Et la séquence est loin d’être terminée, comme l’Indique l’Elysée à 20 Minutes : « Le président fera des annonces à l’attention des jeunes d’ici à l’été ». Selon nos informations, il pourrait s’agir d’une extension de la garantie jeune, c’est-à-dire d’une aide 500 euros par mois, octroyée aux moins de 25 ans qui n’ont ni formation, ni emploi, avec un accompagnement par les missions locales pour les aider à s’insérer.
« C’est un passage obligé dans une période de précampagne présidentielle »
Une volonté d’adresser des signes d’attention à la jeunesse qui s’inscrit dans un calendrier électoral particulier. Puisque moins d’un an nous sépare de la présidentielle. « C’est un passage obligé dans une période de précampagne présidentielle de s’adresser aux jeunes. Marine Le Pen, Fabien Roussel et Xavier Bertrand l’ont fait récemment. D’autant que parler aux jeunes, c’est s’adresser indirectement à leurs parents en les rassurant sur l’avenir de leurs enfants. Et les politiques ont une vision diffusionniste de la jeunesse : ils pensent que les jeunes sont en avant-garde sur certains sujets et que leurs avis infusent dans le corps électoral », explique à 20 Minutes Frédéric Dabi, le directeur général de l’Ifop.
Communiquer avec la jeunesse dans cette période de déconfinement semble aussi essentiel selon le politologue : « Une partie de la jeunesse a beaucoup souffert de la crise du Covid-19. Et les moins de 30 ans sont la catégorie qui cherche le plus à se projeter dans l’après crise. Il faut leur donner des perspectives ».
« Macron n’a pas apporté de vraies réponses à la précarité des jeunes »
Une stratégie qui semble plutôt porter ses fruits… à première vue. Selon un sondage Ifop pour Le Journal du Dimanche, la cote de popularité présidentielle, Emmanuel Macron progresse chez les plus jeunes, avec 51 % d’opinions favorables chez les 18-24 ans, soit 8 points de plus qu’en avril. « Il apparaît comme un président jeune qui se distingue de ses prédécesseurs », commente Fredéric Dabi. Mais selon Mélanie Luce, présidente de l’Unef, une part non négligeable des 18-24 ans restent critiques vis-à-vis de l’action du chef de l’Etat : « Les jeunes qui font la queue lors des distributions alimentaires restent l’angle mort du gouvernement. Emmanuel Macron n’a pas apporté de vraies réponses à la précarité des jeunes et il a refusé d’ouvrir le RSA au moins de 25 ans », déclare-t-elle.
Selon Paul Mayaux, les étudiants de cette tranche d’âge pourraient aussi reprocher au président une sorte de retard à l’allumage concernant la jeunesse : "Au début de la crise sanitaire, il ne s’est pas beaucoup adressé aux jeunes. Même, si cela a changé à partir d’octobre 2020 avec sa fameuse phrase "C’est dur d’avoir 20 ans en 2020" et les mesures qui s’en sont suivies [repas à 1 euro, hausse des aides d’urgence, « chèques psy », aide de 150 euros pour les boursiers et bénéficiaires des APL…]". Et selon le président de la Fage, certaines mesures indispensables n’ont toujours pas été prises : « Il faut revaloriser les bourses étudiantes pour la rentrée prochaine et mettre en place une allocation de rentrée étudiante », estime-t-il.
Quid de leurs votes en 2022 ?
Par ailleurs, selon le baromètre Ifop/Le JDD, la cote de popularité du président chez les 25-34 ans est moins bonne que chez les plus jeunes (42 % de satisfaits). Pas étonnant selon Frédéric Dabi : « C’est la génération de l’insertion, celle qui galère à s’insérer dans un contexte crise. » Comme l’a montré récemment l’Apec, les recrutements de jeunes diplômés ont chuté de 26 % en 2020 en raison de la crise sanitaire. Et leurs difficultés d’insertion professionnelle pourraient laisser des traces sur le déroulement de leur carrière. Ce qui pourrait leur laisser un goût amer en 2022.
Enfin, même en parvenant à séduire une partie de la jeunesse, Emmanuel Macron ne pourrait pas pour autant être sûr que cette opinion positive se transformerait en vote pour lui en 2022, indique Frédéric Dabi. « La popularité n’implique pas le vote, car les jeunes s’abstiennent beaucoup. Au second tour de la présidentielle en 2017, l’abstention a atteint 34 % chez les 18-24 ans, et est montée jusqu’à 40 % chez les 25-34 ans », rappelle-t-il. « Je crains qu’avec ce qu’ont vécu les jeunes depuis la crise sanitaire, ce chiffre soit encore plus important », lance Mélanie Luce.