Sur la crise sanitaire, Anne Hidalgo tente de se muer en rivale de Macron en vue de la présidentielle
PRÉSIDENTIELLE 2022•La maire socialiste de Paris multiplie les critiques sur la gestion de la crise du coronavirus par Emmanuel Macron, à un an de l'élection présidentielleLaure Cometti
L'essentiel
- Anne Hidalgo n’est pas satisfaite du timing du reconfinement imposé par le gouvernement à Paris depuis samedi, trop tardif selon ces déclarations dimanche à Sud-Ouest. Elle tacle également la «méthode» d’Emmanuel Macron, qui n’est «pas la bonne».
- La maire socialiste attaque régulièrement l’exécutif depuis le début de l’épidémie de coronavirus, en tant qu’élue locale.
- En se positionnant sur ce sujet et en avançant des propositions nationales, elle se pose aussi en rivale d’Emmanuel Macron en vue de la présidentielle de 2022.
«On aurait pu réagir plus tôt et ça n’a pas été fait ». Au lendemain de l’entrée en vigueur de nouvelles restrictions pour freiner le coronavirus, dans 16 départements dont Paris, Anne Hidalgo a de nouveau taclé le gouvernement, dans un entretien au journal Sud-Ouest. Depuis l’apparition de l’épidémie, la maire socialiste de la capitale critique régulièrement la gestion de crise de l’exécutif, tant sur le fond que sur la « méthode » d’Emmanuel Macron, qu'elle a dénoncée dimanche auprès des Echos et d’Europe 1. Alors que le Covid-19 s’impose dans l’actualité et dans la campagne présidentielle, ce thème est l’occasion pour Anne Hidalgo d’avancer ses propositions nationales sur la vaccination ou le confinement et d’apparaître comme une adversaire du président pour 2022.
Incarner le local et le pragmatisme
Anne Hidalgo a régulièrement attaqué les décisions de l’exécutif, lors de la fermeture des parcs et jardins au premier confinement, et plus récemment lorsqu’un confinement strict les week-ends était sur la table. La socialiste, qui a lancé à Douai le 17 mars dernier sa plateforme de réflexion « Idées en commun » dans «la perspective de 2022», entend se faire ainsi le relais des habitants, et parfois de leur exaspération.
« Depuis le début de la crise, elle a parfois bousculé des mesures trop technocratiques, dont les conséquences n’étaient pas acceptables, ou des décisions prises trop lentement », rappelle le sénateur socialiste Rémi Féraud, président du groupe Paris en Commun au Conseil de Paris. « Elle a toujours pensé qu’une autre gestion de crise aurait été possible, moins verticale. Comme d’autres maires elle exprime le manque de pragmatisme et de concertation de l’exécutif ». Ce sujet sanitaire permet ainsi de jouer la carte de l’élue de terrain, en prise avec « la vie réelle ».
L’entourage d’Anne Hidalgo, confortablement réélue en juin dernier, n’hésite pas non plus à vanter sa clairvoyance sur certains sujets. « Elle a parfois été amenée à agir en contradiction avec le gouvernement, et les faits lui ont ensuite donné raison », assure Patrick Bloche, adjoint à la mairie. « Elle a fait distribuer le stock de masques de la Ville aux soignants de l’AP-HP et aux médecins de ville dès le 18 mars, à un moment où la porte-parole du gouvernement nous disait que les masques ne servaient à rien face au virus [pour le grand public]. Dès le premier déconfinement, elle plaidait pour l’ouverture des parcs et jardins, contre l’avis de l’exécutif qui encourage aujourd’hui les activités de plein air ».
Dépasser le périph'
Anne Hidalgo avance aussi des mesures de portée nationale, comme son son souhait de vacciner «tout le monde» contre le Covid-19, sans restriction d’âge ni de santé, et de rouvrir, « avec des jauges très encadrées », les musées, les cinémas et les théâtres. L’élue de Paris entend ainsi s’adresser à tous les électeurs du pays, et prendre position sur des sujets connexes à la crise sanitaire, comme l’urgence sociale ou la transparence démocratique.
Son expérience dans la capitale peut servir cette ambition, selon Rémi Féraud, pour qui « les problématiques liées à la crise du coronavirus sont très proches, quelles que soient les villes ». La native d’Andalousie compte d’ailleurs s’appuyer sur « une équipe construite dans tous les territoires », et elle va poursuivre son tour de France. Après Nancy en février et Douai en mars, elle est depuis lundi et jusqu’à ce mardi à Bordeaux pour un colloque de l’Association internationale des maires francophones.
Se poser en rivale d’Emmanuel Macron pour 2022
En précampagne présidentielle, Anne Hidalgo entend aussi s’imposer comme une rivale crédible face à Emmanuel Macron. « Beaucoup de maires s’expriment plutôt comme des gestionnaires, mais il y a besoin face à Macron d’un maire politique audible, et Anne Hidalgo a cette capacité », estime François Kalfon, conseiller régional d’Ile-de-France.
Au gouvernement, les sorties de la maire socialiste agacent. « Elle se sert de sa casquette de maire pour se positionner sur des mesures nationales et préparer la présidentielle », souffle un conseiller de l’exécutif, qui rappelle le « couac » au sein de la mairie de Paris sur un reconfinement strict, à la fin du mois de février, appelant à plus d'« humilité ». Les macronistes ont pris l’habitude de riposter systématiquement, sur les réseaux sociaux ou par médias interposés, en l’attaquant sur son bilan parisien. Lorsque l’édile parisienne déclare à la mi-janvier qu'« avec de telles carences [dans la gestion de crise], le débarquement de juin 1944 aurait échoué », Gabriel Attal pilonne : « si le Débarquement avait été géré comme Anne Hidalgo a géré les Vélib', les bateaux n’auraient jamais quitté l’Amérique ».
Dans le camp Hidalgo, on est presque flattés de ces ripostes. « C’est la candidate que les macronistes estiment dangereuse. Ils pensent qu’elle est la seule à même de redresser la gauche, et ils veulent visiblement à tout prix l’éviter », juge Rémi Féraud. Reste à confirmer cette dangerosité dans les sondages, où la socialiste plafonne à 8 % d’intentions de vote au premier tour de la présidentielle depuis février, tandis qu’une enquête Ifop la donne perdante en cas de second tour face à Marine Le Pen. Le camp Hidalgo s’est donné jusqu’à l’automne pour confirmer sa candidature à l’Elysée.