STRATEGIEPourquoi le gouvernement a choisi de confiner sans enfermer

Coronavirus : Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de confiner sans enfermer ?

STRATEGIELes habitants des 16 départements concernés par un nouveau confinement peuvent sortir dans un rayon de 10 km, sans limite de temps
Manon Aublanc

Manon Aublanc

L'essentiel

  • Depuis vendredi, seize départements d’Île-de-France, des Hauts-de-France, de la Seine-Maritime, de l’Eure et des Alpes-Maritimes sont soumis à de nouvelles restrictions, pour quatre semaines.
  • Mais ce confinement d’un nouveau genre, « aéré », n’a rien à voir avec celui de mars.
  • Les habitants de ces départements peuvent sortir, entre 6 heures et 19 heures, sans limite de temps dans un rayon de 10 km.

Souvenez-vous, c’était il y a tout juste un an. Ces longues journées de mars, où nos sorties étaient strictement limitées à une heure, dans un rayon d’un kilomètre seulement. Cette fois, le gouvernement a adopté une autre stratégie : celle de confiner, mais sans enfermer.

Depuis ce vendredi, et pour quatre semaines, seize départements d’Île-de-France, de Seine-Maritime, de l’Eure, des Alpes-Maritimes et des Hauts-de-France sont à nouveau confinés. Mais les habitants peuvent sortir de chez eux, pour se promener, faire du sport ou s’aérer, sans limite de temps, et dans un rayon de 10 kilomètres. 20 Minutes vous explique pourquoi le gouvernement a changé son fusil d’épaule.

Des contaminations quasi inexistantes en extérieur

Si le message du premier confinement était bien « restez chez vous », celui d’aujourd’hui est loin d’être le même. Plus d’un an après l’apparition de l’épidémie, les scientifiques sont formels : les risques de contamination au coronavirus sont bien plus élevés en intérieur. Selon une étude de l’Institut Pasteur publiée le 9 mars 2021, repérée par nos confrères de Franceinfo, les contaminations se produisent en quasi-totalité dans un lieu clos, mal aéré, 5 % seulement ayant lieu en extérieur. « On sait aujourd’hui qu’on se contamine infiniment moins quand on se promène en plein air qu’en étant regroupés, sans masques, en intérieur », a justifié le Premier ministre, Jean Castex, jeudi lors de sa conférence de presse.

« Dehors, c’est comme une très grande pièce avec une superbe aération, il y a très peu de contamination si on porte son masque et qu’on respecte les gestes barrières », explique Michaël Rochoy, médecin généraliste, chercheur en épidémiologie et membre du collectif Du côté de la science. « Quitte à ce que les gens ne réduisent pas leurs contacts ou continuent de voir des personnes, autant qu’ils les voient à l’extérieur. Il n’aurait pas fallu que les gens se "cachent" en intérieur pour voir leurs amis et leur famille. Ça aurait été contre-productif », analyse Pascal Crépey, épidémiologiste l’École des hautes études de santé publique. « Autoriser, voire encourager, les activités en plein air est une décision qui a été prise en lien avec une certaine compréhension scientifique de la dynamique de l’épidémie », ajoute-t-il.

Réduire les contacts plutôt qu’enfermer

Et si l’option d’un confinement strict, comme en mars, a vite été écartée par le gouvernement, c’est aussi parce que ça aurait été « péjoratif moralement, avec peu d’avantages sanitaires », avance Michaël Rochoy. Selon un sondage réalisé en mars dernier par Santé publique France, près de 20 % des Français se disaient en dépression pendant le premier confinement. « Cette mesure est très importante pour la santé mentale des gens », notamment pour les plus jeunes et les personnes isolées, a également avancé Emmanuel Rusch, président de la Société française de santé publique (SFSP) et spécialiste en épidémiologie à l’université de Tours, ce samedi, sur Franceinfo.

Pour Michaël Rochoy, le gouvernement a aussi adapté sa décision à la saison actuelle : « Favoriser les activités d’extérieur, c’est une décision logique en avril, mais c’est un message plus difficile à entendre en décembre ». Pour Pascal Crépey, un confinement strict aurait été « inapproprié » : « Ce n’est pas le fait d’être enfermé qui fait baisser les contaminations, mais c’est la réduction des contacts entre les personnes », explique l’épidémiologiste, qui estime que le gouvernement a également pris en compte « l’acceptabilité » des mesures. « C’est plus acceptable de mettre en place un confinement qui n’est pas un enfermement et d’essayer en parallèle de bien expliquer l’objectif : la réduction des contacts », détaille-t-il.

La campagne vaccinale comme stratégie

Avec un confinement plus aéré, pourra-t-on réussir à faire baisser les contaminations ? Oui, mais pas suffisamment, estime Karine Lacombe, qui mise sur le vaccin pour endiguer la pandémie : « Ce type de confinement à lui tout seul ne permettrait probablement pas de juguler l’épidémie telle qu’on l’a maintenant. Mais on a la promesse du vaccin qui va probablement tout changer », a déclaré la responsable du service des maladies infectieuses à l’hôpital parisien Saint-Antoine sur France Inter. La campagne de vaccination, c’est l’autre partie de la stratégie gouvernementale.

Si son démarrage a été quelque peu fastidieux, la campagne vaccinale s’est accélérée ces dernières semaines, avec l’arrivée du vaccin AstraZeneca. Pour l’instant, près de 6 millions de personnes ont reçu au moins une injection, dont 2,4 leurs deux doses, selon les chiffres du ministère de la Santé. « La campagne de vaccination montre déjà ses premiers effets. Chez les plus de 75 ans, les courbes de mortalité ou d’hospitalisation ne suivent pas la même dynamique », estime Pascal Crépey, prenant l’exemple du Royaume-Uni et d’Israël, où « la dynamique de l’épidémie semble être impactée par la campagne vaccinale ». Mais pour Michaël Rochoy, ce choix n’est pas forcément stratégique : « Le pari d’Emmanuel Macron, c’est de tout miser sur le vaccin, en sachant qu’en avril on n’aura que 10 % de la population vaccinée. C’est un pari perdu d’avance ». Rendez-vous mi-avril pour faire le point sur l’épidémie après quatre semaines de confinement.