ESSAIE ENCOREDésobéir et être retoqué en justice, le coup de com' de l'extrême droite ?

Occitanie : Braver l’interdit et être retoqué par la justice, la nouvelle stratégie des élus d’extrême droite ?

ESSAIE ENCORECe lundi, la réouverture des musées à Perpignan a été suspendue par le tribunal administratif de Montpellier. Mais ce n'est pas la première fois qu'une décision d'un maire proche de l'extrême-droite est jugée illégale par la justice
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Avant la suspension de la réouverture des musées à Perpignan ce lundi, d’autres décisions de maires proches de l’extrême droite ont été retoquées par le tribunal administratif.
  • « C’est une façon de faire parler d’eux, confie le politologue Michel Crespy. Ils savent très bien qu’ils sont dans l’illégalité, ils savent très bien que cela va être interdit. »
  • Mais « si les maires RN étaient dociles, et qu’ils ne faisaient pas d’actions un peu en dehors des clous, finalement, les électeurs ne demanderaient pourquoi est-ce qu’ils sont là », explique Virginie Martin, docteure en sciences politiques.

Sans surprise, l’ouverture de quatre musées à Perpignan (Pyrénées-Orientales), décidée par Louis Aliot (RN), en dépit des règles en vigueur pour lutter contre le Covid-19, a été retoquée ce lundi par le tribunal administratif de Montpellier (Hérault). En novembre, l’élu avait essuyé un revers de la même instance, alors qu’il avait autorisé les commerces à rouvrir. Un insuccès qu’il avait partagé avec Robert Ménard (divers), un habitué des bancs du tribunal administratif, qui avait bravé le même interdit à Béziers.

Défier la loi, puis être rappelé à l’ordre par la justice, est-ce une stratégie bien huilée pour les maires proches de l’extrême droite ? « C’est une façon de faire parler d’eux, analyse le politologue montpelliérain Michel Crespy. Ces élus savent évidemment très bien qu’ils sont dans l’illégalité, ils savent très bien que cela va être interdit par le tribunal administratif. Mais ils le font quand même. C’est un coup politique. »

« De très habiles provocations »

Cela leur assure « une présence médiatique », reprend Virginie Martin, docteure en sciences politiques et chercheuse à la Kedge Business School. « Vous vous rendez compte, ouvrir un musée alors que le Louvre est fermé ! Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, en politique, comment faire parler de soi sans faire de coup de communication ? C’est un gros problème. Ils sont obligés de mettre les pieds dans le plat pour se faire entendre. »

Pour Emmanuel Négrier, directeur de recherches en sciences politiques au CNRS à Montpellier, « les actions revendiquées par ces élus sont de très habiles provocations ». « Ni trop frontales pour effrayer, ni très consensuelles pourtant, afin d’éveiller l’attention, confie le politologue. Cela peut contrevenir à la loi, mais au fond, le pari est que cela alimente une rhétorique de "Il n’y a pas de quoi fouetter un chat, après tout, ce n’est pas méchant", etc., qui désarme en partie la critique démocratique. »

Ils « essaient de dire quelque chose à leur électorat »

Mais si, pour la crèche de Noël installée en mairie par Robert Ménard et plusieurs fois jugée illégale, l’élu « flatte les "cathocrates" qui sont déjà en grande partie dans son électorat, avec les musées, Louis Aliot atteint deux clientèles qui lui font grandement défaut : la classe moyenne éduquée, qui domine la sociologie des musées et applaudit l’audace, et les milieux artistiques et culturels qui, en dehors de quelques losers, étaient franchement hostiles au RN et qui perdent, par ce coup d’éclat, un argument », poursuit le spécialiste.

A travers ces décisions, ces élus essaient « de dire quelque chose à leur électorat », confirme Virginie Martin. « Si les maires RN étaient dociles, et qu’ils ne faisaient pas d’actions un peu en dehors des clous, finalement, les électeurs ne demanderaient pourquoi est-ce qu’ils sont là. Ils donnent ainsi le "la" de leur programme : les racines chrétiennes, la gestion du Covid-19… Ce sont des signaux forts de communication. »

Et ce n’est pas nouveau, poursuit la politologue. « A Vitrolles (Bouches-du-Rhône), le couple Mégret avait mis en place une préférence nationale, ce qui était, bien évidemment, totalement illégal. » Et cette méthode n’est pas, confie Virginie Martin, une singularité des maires proches de l’extrême droite : « Un certain nombre de gens, notamment à l’extrême gauche, disent aujourd’hui qu’il faut désobéir. »