Le MoDem met la pression sur Emmanuel Macron pour la proportionnelle aux législatives en 2022
PARLEMENT•L’instauration de la proportionnelle aux élections législatives était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017 mais pourrait être abandonnée.Thibaut Le Gal
L'essentiel
- L’instauration de la proportionnelle aux élections législatives était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017.
- La mesure, qui était un des piliers de l’alliance avec François Bayrou et le MoDem, ne devrait pas être à l’agenda du gouvernement pour la fin de quinquennat.
- De quoi susciter la colère des élus centristes, qui tentent de faire pression sur le chef de l’Etat.
C’est un serpent de mer politique. L’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives ressurgit régulièrement dans les débats. Cette fois, c’est François Bayrou qui dégaine. Le patron du Modem, partisan historique de la mesure, s’apprête à envoyer une lettre au chef de l’Etat après l’avoir soumise aux responsables politiques de tous bords. « Moi, je n’ai pas l’habitude de renoncer à ce que je considère comme essentiel, particulièrement dans la crise que nous vivons », dit-il à l’Agence France Presse (AFP).
Dans son courrier, le haut-commissaire au Plan déplore « la brutalité » du scrutin majoritaire actuel, dans lequel « ni le pluralisme, ni l’équité ne sont respectés » et appelle à « un changement de culture politique qui permette, entre les différents courants politiques, chaque fois que possible, dialogue et coresponsabilité ». La sortie n’est pas anodine, puisque l’exécutif semble au contraire vouloir enterrer cette réforme institutionnelle, promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017.
Un des piliers de l’alliance avec le Modem en 2017
Le candidat d’En Marche s’était ainsi engagé à « instiller une dose de proportionnelle» dès la première année de son mandat. La mesure était même l'un des pilliers de la précieuse alliance avec François Bayrou, qui avait renoncé à se présenter au mois de février 2017. Mais depuis son élection, le président de la République ne fait que la repousser, au gré des crises politiques même si en avril 2019, il assurait encore vouloir porter la dose à 20 % en 2022. Aujourd’hui, c’est l’épidémie de coronavirus qui est invoquée :
« Étant donné la priorité donnée à la gestion de la crise et à la relance, et le calendrier parlementaire bien rempli, cette réforme n’est pas une priorité à ce stade », s’agace l’entourage d’Emmanuel Macron à l’AFP. Même motivation chez le patron de La République en marche, Stanislas Guerini, pour qui le « sujet est à regarder de façon plus large en 2022, pour donner un souffle nouveau à notre démocratie ».
« Les dindes ne votent pas à Noël »
Mais le Modem, on l’a compris, n’entend pas en rester là. Les parlementaires centristes sont donc à la manœuvre pour tenter de faire plier l’exécutif. « Comme le dit Jean-Louis Bourlanges [député centriste], ''les dindes ne votent pas à Noël'' », assure Erwan Balanant. Heureusement, le député Modem développe : « Il est évident qu’une fois que vous êtes élus députés, vous pensez que le système qui vous a élu est le meilleur. Il est donc plus difficile de le réformer », ajoute-t-il, visant ses collègues macronistes.
L’élu du Finistère balaie au passage l’habituelle critique faite au système proportionnel : l’instabilité. « Les projections faites sur les résultats de 2017 donnent à chaque fois une majorité [sauf pour la proportionnelle intégrale] », dit-il. Selon des propos rapportés, le patron des députés LREM Christophe Castaner se serait, lui, inquiété de voir entrer à l’Assemblée une centaine d’élus RN avec un tel système. « Et alors ? Tant mieux, on verrait qu’ils n’ont rien à proposer au pays et qu’ils ne peuvent entrer dans aucune coalition », ajoute Erwan Balanant.
Référendum, amendement ou simple abandon ?
Reste que le calendrier s’annonce serré. La loi oblige de retoucher le mode de scrutin au minimum un an avant sa tenue, soit d’ici cinq mois pour des élections en 2022. Le groupe Modem veut déposer à l’Assemblée un amendement en faveur de la proportionnelle au projet de loi de report des élections régionales, examiné à partir du 3 février à l’Assemblée. François Bayrou milite, lui, pour un référendum.
Bruno Bonnell, député LREM du Rhône, hausse les épaules. « La proportionnelle était cohérente dans une plus large réforme institutionnelle, avec une réduction de députés, etc. Faire un bout de réforme ne me paraît pas opportun », dit-il. « Je comprends la frustration instantanée de nos partenaires, mais les accords électoraux de notre alliance dans le système actuel leur apporteront autant de satisfaction en juin 2022, si ce n’est plus ». Puisque tel semble être son destin, la proportionnelle pourrait être recyclée dans un programme de campagne de second quinquennat du candidat Macron.