LOCAL OU NATIONALMélenchon en a-t-il vraiment « strictement rien à foutre de Marseille » ?

Jean-Luc Mélenchon en a-t-il vraiment « strictement rien à foutre de Marseille » ?

LOCAL OU NATIONALElu en 2017 député de Marseille, Jean-Luc Mélenchon, aujourd’hui candidat à la présidentielle, n’a pas réussi, si ce n’est cherché, à avoir un véritable ancrage local
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Pour sa première apparition médiatique depuis sa déclaration de candidature à la présidentielle 2022, Jean-Luc Mélenchon a choisi Marseille.
  • Ce choix peut surprendre, le député se faisant rare dans sa ville électorale, au point d’être taxé par la gauche locale de ne pas être intéressé par les réalités de la cité phocéenne.
  • En trois ans, Jean-Luc Mélenchon n’a pas fait de Marseille sa terre politique, et préfère s’appuyer sur des situations locales pour ses prises de position nationales.

Il est là, au milieu de celles et ceux qui sont les acteurs quotidiens de la vie politique marseillaise. De Martine Vassal, présidente LR du département et de la métropole, et candidate malheureuse aux municipales, à la nouvelle maire EELV de Marseille Michèle Rubirola, en passant par le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, longtemps premier adjoint au maire de Marseille, Renaud Muselier. Au même titre que ces élus locaux, Jean-Luc Mélenchon s’approche de la porte d’Aix et dépose une gerbe de fleurs, en hommage aux morts pour la France.

En ce 11 novembre, soit quatre jours après sa déclaration de candidature à la prochaine présidentielle, le député des Bouches-du-Rhône, qui a recueilli les 150.000 signatures citoyennes qu'il voulait, a choisi de faire sa première sortie médiatique à Marseille, dans cette ville qui l’a propulsée à l’Assemblée nationale en 2017, après des mois sans aucune apparition publique dans la cité phocéenne. Un peu plus tard, le député tournera sa pastille hebdomadaire, La revue de la semaine, en direct de sa permanence marseillaise, pour évoquer pour la première fois depuis longtemps dans ce bulletin vidéo très suivi la cité phocéenne, en l’occurrence ici l’action de ses militants locaux envers les démunis.

« Vous savez la différence entre un député et un conseiller général ? »

« Tous les 11 novembre, je pratique la religion républicaine, explique-t-il à 20 Minutes. Donc je suis à un monument aux morts, celui de l’endroit où je suis élu. J’étais une fois à Barbaste quand j’étais député du grand Sud-Ouest. Et puis sinon, dans le petit cimetière de Massy quand j’étais conseiller général de l’Essonne. Et maintenant ici. »

On lui fait toutefois remarquer qu’il se fait plutôt rare ces derniers temps dans la deuxième ville de France. Jean-Luc Mélenchon s’agace. « Vous savez la différence entre un député et un conseiller général ? On vous l’a enseignée, sans doute, dans votre journal ? Je suis député, donc je suis au Parlement national. »

« Se présenter à la présidentielle et vouloir incarner une candidature populaire quand on n’a jamais foutu un pied depuis qu’on est élu à Marseille dans la cité Félix-Pyat, sur sa circonscription, excusez-moi, mais ça me fait rire. » Dans le microcosme politique marseillais, et particulièrement à gauche, on s’agace autant qu’on se délecte, sous couvert d’anonymat, de la relative absence de Jean-Luc Mélenchon sur le terrain depuis son élection à Marseille.

« Il ne s’est pas implanté localement à Marseille »

« Il n’en a strictement rien à foutre de Marseille, lance une cadre historique de la gauche marseillaise. Il est venu là pour se faire élire et on ne sait même pas s’il le refera en 2021. C’est quand même incroyable pour quelqu’un comme moi, qui fait de la politique aux côtés et pour les Marseillais. Un homme politique, c’est quelqu’un qui se fait connaître et reconnaître de ses électeurs, prêt à manger des vaches enragées pour eux. Mais lui, il ne s’est pas implanté localement à Marseille. C’est un politique éphémère, qui aurait pu s’implanter ailleurs. Et je ne lui pardonne pas ce qu’il a fait pour les municipales. »

Après avoir tenté d'aider à bâtir l’union de la gauche à Marseille, en étant « candidat à rien », comme il le disait à l’époque, le chef de file de la France insoumise a en effet pris ses distances avec les équipes du Printemps marseillais dont il ne partageait pas la stratégie, soutenant même dans un secteur une liste contre celle du Printemps Marseillais. Ce n’est que durant l’entre-deux-tours que Jean-Luc Mélenchon a apporté son soutien du bout des lèvres à Michèle Rubirola, arrivée en tête à la surprise générale. Comme le rapporte La Provence, sa suppléante à l’Assemblée nationale, Sophie Camard, aujourd’hui maire de secteur, a d’ailleurs formalisé cet éloignement en adhérant il y a peu à la formation d’Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann, la Gauche républicaine et socialiste.

« Il nationalise tout de suite le débat »

« Jean-Luc Mélenchon a été parachuté dans la circonscription considérée comme la plus à gauche du pays, rappelle Nicolas Maisetti, docteur en sciences politiques. Il n’a pas vraiment d’assise électorale en termes de légitimité locale. Marseille n’est pas pour lui une terre électorale à labourer. Il ne l’a pas investie politiquement. Cette ville n’est pas vraiment dans sa stratégie de conquête du pouvoir. Il a plutôt essayé de développer un discours autour de Marseille comme illustration des conséquences des mauvaises politiques publiques nationales. Quand on l’interroge sur la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, devant les décombres, il nationalise tout de suite le débat. En revanche, il s’appuie sur ses troupes locales pour pouvoir faire cela. »

Depuis son élection, que ce soit à la cité Air-Bel pour parler de logement insalubre ou au McDonald’s de Saint-Barthélémy pour parler emploi, Jean-Luc Mélenchon a en effet mis sa notoriété au service de combats menés localement par des militants qui lui sont proches. « Il n’en a pas rien à faire, peste Mohamed Bensaada, l’un de ces militants. Jean-Luc a toujours une dimension nationale, mais il est souvent là. Il suit les dossiers, discrètement, comme récemment la question des compatriotes bloqués au Maghreb. Il a relayé ce problème lors d’une question en séance. Non seulement, il est attaché à Marseille, mais il est le seul député de Marseille qui travaille pour Marseille. A chaque fois que nous, on l’a interpellé, il répond. »


Notre dossier sur Jean-Luc Mélenchon

Des années après son élection, la popularité de Jean-Luc Mélenchon à Marseille semble en tout cas intacte, à en croire les passants qui viennent à sa rencontre et le félicitent, ce mercredi 11 novembre. Soudain, alors qu’il quitte la porte d’Aix, le chef de file LFI se fait interpeller sur sa vidéo TikTok tournée devant le Vélodrome. Amusé, le candidat à la présidentielle prend le carnet qu’on lui tend et griffonne en guise d’autographe… « Ici, c’est Marseille, bébé. »