CAMPAGNERetailleau mise sur la base militante LR contre « la droite de grand-papa »

Présidentielle 2022 : Chez LR, Bruno Retailleau mise sur la base militante contre « la droite de grand-papa »

CAMPAGNEDans la perspective de 2022, le patron des sénateurs LR tente d’imposer à son parti le maintien d’une primaire à droite
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Bruno Retailleau souhaite participer à une primaire pour désigner le candidat de la droite pour 2022.
  • Sur une ligne conservatrice, le patron des sénateurs LR pense avoir le soutien de la base militante.
  • Mais la direction du parti pourrait lui préférer Xavier Bertrand, plus populaire dans les sondages.

A droite, il n’est pas le plus clinquant, mais il avance méticuleusement ses pions. Bruno Retailleau ne cache pas ses ambitions pour la présidentielle 2022. « J’ai des convictions, je les défendrai, s’il faut être candidat, je le serai », répète-t-il depuis plusieurs mois. Le patron des sénateurs Les Républicains a joué un nouveau coup, jeudi dernier, en exposant son projet pour « remettre la France en ordre » dans une lettre envoyée à ses sympathisants.

« Jamais je n’ai confondu mes désirs personnels avec le destin collectif. Jamais je ne me suis rêvé en président de la République. Voilà ma force », écrit-il, dans ce texte publié sur le site de Force républicaine, l’ancien mouvement de François Fillon, qu’il préside aujourd’hui. Un proche confirme : « Il ne rêve pas de l’Elysée depuis toujours, contrairement à d’autres, mais il travaille à un projet présidentiel depuis trois ans. C’est une démarche lente qui ne cesse d’avancer. Il sait aussi qu’il y a de nombreux obstacles, et que sa famille politique freine des quatre fers… »

Jouer les militants contre la direction du parti

Le sénateur de Vendée, réélu brillamment en septembre dernier, dit vouloir participer à la primaire de son parti. Sauf que la direction des Républicains, Christian Jacob en tête, ne semble pas décidée à en organiser une. « Les militants qui continuent de payer leur cotisation veulent désigner leur candidat et ne pas se le voir imposer par je ne sais quelle nomenklatura. Si on choisissait en petit conciliabule, ce serait la mort du parti ! », tranche Sébastien Meurant, sénateur du Val-d’Oise, à l’aile droite de LR.

Pendant des mois, le président Jacob espérait pouvoir mettre tout le monde d’accord avec la candidature de François Baroin et s’éviter une primaire coûteuse et inflammable, comme l’y obligent pourtant les statuts du mouvement. Mais le maire de Troyes a depuis jeté l’éponge, et laisse la droite face à un vide.

Les Républicains se sont offert un peu d’air en repoussant la décision jusqu’après les régionales, reportées au mois de juin. Et la piste Xavier Bertrand, qui a quitté le parti en 2017 et refuse d’entendre parler d’une primaire, séduit de nombreux cadres. « Ils ne voulaient pas abîmer Baroin dans une primaire, ça peut se comprendre. Mais ils n’arriveront pas à faire la même chose avec Xavier Bertrand. Les militants n’en veulent pas ! », s’agace un proche de Bruno Retailleau.

La ligne conservatrice peut-elle rassembler pour gagner ?

« On refuserait de donner la parole à nos militants, à nos sympathisants ? Ca c’est la droite de grand-papa, de l’entre-soi, la vieille droite ! Cette droite d’en haut craint la droite d’en bas. Parce qu’ils se demandent si la droite d’en bas pense convenablement », taclait en octobre sur BFMTV Bruno Retailleau en 2017. Ses partisans en sont convaincus : la ligne ferme de l’ancien stratège de François Fillon à l’élection présidentielle – libérale sur l’économie et conservatrice sur le sociétal – serait plus en phase avec la base militante que le discours porté par l’actuelle direction.

« Le centre de gravité du peuple de droite est conservateur et c’est aussi le seul espace politique disponible face à Emmanuel Macron. C’est la seule question : a-t-on une différence de degré ou de nature avec le président ? », interroge Sébastien Pilard, conseiller régional LR des Pays de la Loire et cofondateur de Sens Commun.

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A l’inverse, ses détracteurs dénoncent une « ligne étriquée », peu à même de rassembler au-delà des adhérents. « Il incarne un courant qui existe au sein de LR mais ce n’est pas suffisant pour rassembler l’ensemble des Français, souligne le député LR de l’Aisne Julien Dive, soutien de Xavier Bertrand. L’an dernier, les militants ont d’ailleurs élu dès le premier tour Christian Jacob à la présidence du parti face à des candidats plus conservateurs. »

La direction garde aussi un mauvais souvenir de la campagne des européennes de 2019, où le conservateur Xavier Bellamy n'avait récolté que 8,48% des voix. « Cette pourtant sur une ligne ferme sur le régalien, l’immigration, attachée à la famille, à la transmission des valeurs, à la Nation, que François Fillon est parvenu à faire plus de 20 % en 2017, malgré les affaires que l’on sait », nuance Sébastien Meurant. Un vice-président du parti l'assure : « Je ne pense pas que la direction trouve la ligne de Bruno Retailleau trop à droite. Si la direction n’est pas pro-Retailleau, c’est plus une question de personne qu’une question idéologique ».

Des atouts, mais un déficit de notoriété

Bruno Retailleau n’a pour l’instant pas grands soutiens de poids. Mais dans cette stratégie – les militants contre la direction – l'intéressé dispose d’un butin inestimable. En reprenant les rênes de Force républicaine, le sénateur a hérité des fichiers de sympathisants (plus de 275.000 noms, selon son entourage) et d’une grande partie des dons de la campagne de François Fillon en 2017. « Il utilise ce trésor de guerre à des fins personnelles et non collectives, c’est dommage, regrette Julien Dive. Il se démultiplie dans les médias, s’exprime sur tous les sujets, abreuve de courriers les militants pour espérer remonter dans les sondages. »

Car en cas d’abandon de la primaire, c’est bien les enquêtes d’opinion qui pourraient décider de l’identité du champion. Et Bruno Retailleau, qui n’a jamais occupé de fonctions ministérielles, est à la traîne. Selon le sondage Ifop d’octobre, le sénateur ne récolterait que 8 % des suffrages pour la présidentielle, bien loin des 16 % de Xavier Bertrand. « Il y a un déficit de notoriété, reconnaît un proche. On verra à la fin du premier semestre 2021 où on en est et si on est en capacité de rattraper notre retard. »