Coronavirus : La deuxième vague signe-t-elle l'échec de la stratégie « vivre avec le virus » ?
EPIDEMIE•L’opposition accuse l’exécutif de ne pas avoir assez anticipé la nouvelle vague épidémiqueThibaut Le Gal
L'essentiel
- Face à la propagation rapide du coronavirus, l’exécutif s’apprête à prendre des « décisions difficiles ».
- Le gouvernement pourrait annoncer un durcissement du couvre-feu ou un nouveau confinement dans les prochaines heures.
- L’opposition accuse l’exécutif de n’avoir pas assez anticipé la nouvelle vague de l’épidémie.
Le gouvernement pressé de réagir. Face à la propagation rapide du coronavirus sur le territoire français en ce début d’automne, l’exécutif s’apprête à prendre des « décisions difficiles ». Emmanuel Macron a réuni ce mardi un Conseil de défense sur l’épidémie de Covid-19, première d’une série de réunions sur la crise. En fin d’après-midi, Jean Castex a reçu les responsables politiques puis les partenaires sociaux pour évoquer « les durcissements envisagés ».
Mais face à cette nouvelle vague et l’éventualité d’un nouveau confinement, les critiques fusent. Droite et gauche reprochent au gouvernement son « imprévoyance » et une « absence d’anticipation ».
« Le relâchement a été trop important »
Le 14 juin dernier, le chef de l’Etat tournait « la page du premier acte de la crise », évoquant « une première victoire contre le virus ». « Nous allons donc pouvoir retrouver le plaisir d’être ensemble, de reprendre pleinement le travail mais aussi de nous divertir, de nous cultiver. Nous allons retrouver pour partie notre art de vivre, notre goût de la liberté. En somme, nous allons retrouver pleinement la France », disait-il lors d’une allocution télévisée.
Les indicateurs sont alors à la baisse et le gouvernement incite les Français à partir en vacances aux quatre coins de l’Hexagone. Un optimisme prématuré ? « On a laissé circuler les Français, mais il y a eu un trop grand brassage – alors que le virus n’avait pas disparu –, sous prétexte de relancer l’économie. Le relâchement a été trop important, car certains pensaient que la vague état derrière nous », regrette Annie Chapelier, députée du Gard passée de LREM au groupe Agir. Un argument balayé par un cadre de la majorité : « L’ampleur de la seconde vague surprend tout le monde. Mais je ne pense pas qu’elle soit liée à ce qui s’est passé en juin-juillet. La hausse des contaminations d’octobre est plutôt liée aux comportements de la rentrée. »
« Si on annonçait un reconfinement il y a trois semaines, on aurait eu la révolution ! »
Dès le 20 août, la direction générale de la Santé avertit que l’épidémie repart à la hausse. Le 9 septembre, le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy évoque « une augmentation très rapide, exponentielle » du nombre de cas et presse le gouvernement à prendre « des décisions difficiles ». Il est vite recadré par Emmanuel Macron. « Le conseil scientifique est dans son rôle, qui est technique », assure-t-il, mais il revient aux dirigeants « démocratiquement élus » de « prendre des décisions […] sans céder à quelque panique que ce soit ».
Pour encourager la relance économique, l’exécutif maintient sa stratégie de « vivre avec le virus ». Mais la hausse des admissions en réanimation le contraint à prendre des mesures toujours plus restrictives, jusqu’à l’annonce du couvre-feu étendu à 54 départements le 22 octobre. Aurait-il trop tardé ? « A chaque décision, on est attaqué par l’opposition, on a des manifestations, des recours judiciaires… Si on annonçait un reconfinement il y a trois semaines, on aurait eu la révolution ! », fustige le chef de file des sénateurs LREM, François Patriat. « Le gouvernement a donc pris des mesures au fur et à mesure. Et on va tâtonner comme ça jusqu’au vaccin, comme tous les pays, car le virus est inconnu. Même le Conseil scientifique navigue à vue », ajoute ce proche du chef de l’Etat.
« Il n’y a pas de bonne solution car un reconfinement aurait des conséquences dramatiques sur notre économie. Et, au-delà, des conséquences morales et psychiques pour les Français », ajoute Erwan Balanant, député Modem du Finistère. L’idée d’un durcissement des mesures sanitaires voire d’un reconfinement a pourtant fait son chemin chez de nombreux responsables politiques de tout bord au cours des derniers jours.
Un manque d’anticipation dans les hôpitaux ?
L’exécutif est également attaqué sur son « impréparation » alors qu’Emmanuel Macron promettait le 14 juillet que la France serait « prête » cas de seconde vague. Plusieurs experts ont ainsi pointé des failles dans la stratégie de traçage des personnes infectées. Le chef de l’Etat a lui-même reconnu en septembre des erreurs, notamment au niveau des tests, alors que les délais d’accès et de résultats se sont souvent allongés dans les grandes métropoles. L’opposition accuse également le gouvernement de n’avoir tiré aucune leçon de la première vague dans les hôpitaux, notamment sur les capacités en lits de réanimation.
« Rien n’a été mis en place dans les hôpitaux après la crise, alors que les soignants sont sur les rotules. On retrouve aujourd’hui les mêmes problématiques que lors de la première crise : les difficultés autour des tests, le manque de réactivité des ARS [agences régionales de santé], les lenteurs administratives », énumère l’élue Annie Chapelier, également infirmière anesthésiste. « Bien sûr, les hôpitaux anticipent mieux à l’échelle locale, mais il n’y a pas eu de politique nationale, et on se retrouve aujourd’hui débordés ».
Signer l’échec de la stratégie « vivre avec le virus »
Au ministère de la Santé, on reconnaît quelques « difficultés », notamment sur les « phénomènes d’engorgement concernant les tests au mois de septembre ». « Mais on a identifié le problème, et ça s’est amélioré », répond-on. « Concernant les lits en réanimation, on est passés de 5.000 à 5.800 lits, mais on n’a pas la possibilité d’élargir les hôpitaux et les formations de personnels prennent du temps », ajoute l’entourage d’Olivier Véran.
Mais avec l’augmentation de formes graves de Covid-19, certains hôpitaux voient rouge. Ce qui contraint le gouvernement à devoir annoncer dans les prochaines heures des mesures plus restrictives, voire un nouveau confinement. Et signer l’échec de la stratégie « vivre avec le virus » prônée par l’exécutif depuis l’été ? « Il y a eu des erreurs, et certaines ont été reconnues par le président. Mais les Français se rendent compte de la difficulté à gouverner ce pays », répond le député LREM de Paris, Pacôme Rupin. « Quand on fera le bilan, et qu’on se comparera avec les autres pays du monde, on n’aura pas à rougir de ce qui a été fait. »