ENQUETELes perquisitions chez Véran et d'anciens ministres polluent l'exécutif

Coronavirus : Les perquisitions chez les ministres et ex-ministres polluent l'exécutif

ENQUETEDans le cadre d’une enquête sur leur gestion de l’épidémie, les domiciles et bureaux de plusieurs responsables politiques, dont le ministre de la Santé, ont été perquisitionnés ce jeudi
Laure Cometti

L.C.

L'essentiel

  • Mis en cause dans une enquête pour leur gestion de la crise sanitaire, le ministre de la Santé Olivier Véran, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe et les ex-membres du gouvernement Agnès Buzyn et Sibeth Ndiaye ont vu leurs domiciles et bureaux perquisitionnés ce jeudi matin.
  • L'opération a eu lieu quelques heures avant une conférence de presse gouvernementale très attendue, sur les détails des mesures chocs annoncées la veille par Emmanuel Macron.
  • Ces perquisitions ont quelque peu parasité la communication de l’exécutif sur la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Elles soulignent aussi que le gouvernement est sous pression face à sa gestion de la crise sanitaire.

C’est une nouvelle dont l’exécutif se serait bien passé. Le domicile et le bureau du ministre de la Santé ont été perquisitionnés ce jeudi matin, quelques heures avant une conférence de presse gouvernementale sur le couvre-feu, dans le cadre d’une information judiciaire sur la gestion de la crise sanitaire par l'exécutif. Des perquisitions ont été également menées chez l’ex Premier ministre Edouard Philippe, l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, l’ancienne porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon et la directrice générale de Santé Publique France, Geneviève Chêne.

A l’issue de la conférence de presse destinée à faire le service après-vente des mesures chocs annoncées par Emmanuel Macron la veille, les journalistes ont évidemment interrogé le Premier ministre sur les perquisitions chez Olivier Véran. Jean Castex a été contraint de témoigner sa confiance « totale » dans le ministre de la Santé. « Vous comprendrez qu’il ne m’appartient absolument pas de commenter les décisions d’une autorité judiciaire », a-t-il ajouté, en rappelant qu’Olivier Véran « bénéficie d’une totale présomption d’innocence ».

« On n’a rien à cacher »

« La perquisition, c’est le suivi classique d’une procédure judiciaire », balaie le député La République en marche de la Vienne, Sacha Houlié, avocat de profession. « On n’a rien à cacher. Mais ça tombe mal, même si je pense que c’est anecdotique par rapport à la situation sanitaire. Les Français sont plus préoccupés par le détail des mesures que par la visite de policiers chez Monsieur Véran ce matin. »

D’autres parlementaires de la majorité contactés par 20 Minutes préfèrent ne pas commenter une enquête en cours. Mais ils déplorent qu’elle vienne parasiter la communication gouvernementale de lutte contre le Covid-19. « C’est la procédure normale » et « ça prouve qu’il n’y a pas deux justices à deux vitesses », souligne de son côté la députée LREM du Tarn Marie-Christine Verdier-Jouclas sur BFMTV, ajoutant qu’elle ne « voudrait pas qu’on brouille le message le plus important : ce que nous a dit le président hier soir. »

En revanche, le député LREM du Rhône Bruno Bonnell n’apprécie pas le choix de perquisitionner chez Olivier Véran ce jeudi. « Je trouve ça déplacé. Le ministre de la Santé n’a pas besoin de ça, juste avant sa conférence… Ça pouvait attendre dix jours, et ce timing ne me semble pas à la hauteur de l’enjeu actuel ».

Pression judiciaire

Ces perquisitions, très médiatisées, viennent rappeler à l’opinion que l’exécutif est sous pression pour sa gestion de la première vague épidémique. Au total, depuis le début de la crise sanitaire, 90 plaintes contre des ministres ont été adressées à la Cour de Justice de la République (CJR) – seule instance habilitée à juger les membres du gouvernement pour l’exercice de leur fonction. Seules neuf plaintes ont été jugées recevables – visant les politiques perquisitionnés ce jeudi – et une information judiciaire a été ouverte le 7 juillet pour « abstention de combattre un sinistre ». Elle a été confiée à la commission d’instruction de la Cour de justice de la République.

Le parquet de Paris a également reçu plusieurs dizaines de plaintes ciblant parfois des responsables de l’administration. Il a ouvert le 9 juin une enquête préliminaire, notamment pour « homicides involontaires » ou « mise en danger de la vie d’autrui ».

Avec la reprise de l’épidémie, le gouvernement Castex, nommé en juillet, pourrait à nouveau faire l’objet de plaintes devant la justice. A la mi-septembre, le collectif Victimes Coronavirus France, qui réunit 200 personnes, a déposé une plainte contre le Premier ministre devant la CJR, estimant que le gouvernement continuait de « naviguer à vue » face au virus.