Présidentielle 2022 : A droite, Xavier Bertrand tente de s'imposer en anti-Macron
CAMPAGNE•La candidature du président des Hauts-de-France pour représenter la droite fait son chemin chez Les RépublicainsThibaut Le Gal
L'essentiel
- Xavier Bertrand ne cache pas ses ambitions d'être candidat à la présidentielle 2022.
- Le président des Hauts-de-France doit encore convaincre Les Républicains, qu'il a quittés fin 2017, d'être le seul candidat à droite.
- Xavier Bertrand a répondu à 20 Minutes, quelques jours après un sondage Ifop qui le place comme meilleur candidat de la droite pour 2022.
A droite, c’est celui « qui a le plus faim », dit de lui Rachida Dati. « Ça a un rapport avec mon physique ? » s’amuse Xavier Bertrand, qui ne cache pas ses ambitions pour la présidentielle 2022. « Mais oui, je suis totalement engagé. Je bosse pas mal, j’ai la chance d’avoir de l’énergie, de dormir peu. Je ne fais jamais les choses à moitié, je suis comme ça. »
Retranché sur son territoire depuis son départ des Républicains fin 2017, Xavier Bertrand n’a jamais caché cet objectif : une réélection à la tête des Hauts-de-France comme marchepied pour la présidentielle. « Je ne vais pas me cacher derrière mon petit doigt. Il faut un président pour les Français, capable de les comprendre et de les protéger. Mais je n’oublie pas ma priorité : le choc de la crise sanitaire et sociale pour les habitants de la région », dit-il. Son entourage évoque « un tournant » : « Il a jusqu’ici mis en œuvre une politique réussie dans les Hauts-de-France et montré qu’il pouvait taper sur Emmanuel Macron. Maintenant il faut rassembler. »
L’assureur de province contre le banquier de Rothschild
Pour convaincre la droite, qui peine parfois à se démarquer de la politique d’Emmanuel Macron et de l’exécutif, Xavier Bertrand (sur) joue la différenciation avec le chef de l’Etat. « C’est l’anti-Macron par excellence », appuie Julien Dive, député LR de l’Aisne, proche de l’intéressé. « Il ne vient pas des milieux d’affaires. Il n’incarne ni l’urbain, ni la finance. Il est au contraire passé par des mandats locaux, en phase avec les territoires. C’est le mieux placé pour affronter le chef de l’Etat. »
Depuis plusieurs mois, Xavier Bertrand et ses proches tentent d'installer ce duel entre le petit assureur de province et le banquier d’affaires de chez Rothschild. « La politique fonctionne sur des images, sourit Jean-Paul Mulot, représentant de la région Hauts-de-France au Royaume-Uni, qui le connaît depuis plus de trente ans. Mais c’est pas de la com’. L’idée n’est pas de refaire le coup du "président normal" de François Hollande. Xavier, il est vraiment comme ça, c’est un mec très content de vivre à Saint-Quentin. Il a souvent été méprisé au cours de sa carrière car il n’entre pas dans la norme des politiques classiques. »
Cette stratégie vise peut-être à cacher les points communs sur le fond entre les deux hommes. L’ancien maire de Saint-Quentin n’a-t-il pas validé par exemple la réforme du code du travail, soutenu la privatisation d’ADP ou l’extension de la PMA ? « Si j’étais Macron-compatible, j’aurais donné suite aux demandes, et je serais au gouvernement depuis longtemps », réplique-t-il. « Etre anti-Macron, ce n’est pas un projet, mais on est très différents. Je ne partage pas l’idée que si les premiers de cordée vont bien, ça aidera tout le monde. Je n’ai pas non plus sa naïveté sur les questions de sécurité ou l’islamisme. J’ai une conviction, il faut chercher à rassembler les Français. »
Exit Baroin, bonjour Bertrand ?
Il y a quelques mois encore, au sein de LR, on ne faisait pas grand cas des ambitions de Xavier Bertrand. Mais au gré des événements, l’idée d’une candidature de l’ancien ministre de Sarkozy a fait son bonhomme de chemin. « Il a marqué son attachement à sa famille politique, il est ferme sur le régalien, proche des territoires. C’est une hypothèse crédible qu’il faudra regarder en temps voulu », assure le député de l’Ain Damien Abad. Le Nordiste profite du forfait pressenti de François Baroin, le favori de nombreux cadres. « Baroin cochait beaucoup de cases. Evidemment, maintenant, la porte s’ouvre un peu plus » pour Bertrand, confesse le président du groupe LR à l’Assemblée.
Le parti n’ignore pas non plus que l’ancien maire de Saint-Quentin est pour l’instant le mieux placé à droite pour la présidentielle (à 16 %, mais loin derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron), d’après une enquête Ifop-Fiducial, publié ce dimanche. Un sondage encourageant pour Xavier Bertrand, qui révèle aussi les carences des candidats de droite testés. « Je suis d’une droite sociale, j’ai réussi à convaincre beaucoup d’ouvriers et d’employés que j’agis pour eux au niveau de la région, mais il faut le faire davantage au niveau national », reconnaît-il.
Signe du réchauffement avec le parti : Xavier Bertrand a déjeuné la semaine dernière en tête à tête avec le patron de son ancien parti, Christian Jacob, une première depuis trois ans. Et les deux hommes ont convenu de se revoir, dès le mois d’octobre. « Les ponts n’ont jamais été coupés », précise le député LR du Nord, Sébastien Huyghe, qui prévient : « Xavier Bertrand a un certain nombre d’atouts, c’est vrai. Mais le chemin est encore long et semé d’embûches. »
Passer l’étape des régionales et éviter la primaire
Si sa cote a grimpé, Xavier Bertrand est pour le moment loin de faire consensus au sein de LR. « Pour gagner, il faut un espace politique. La ligne Macron-compatible avec une dose de territoire, c’est un peu court », tacle un membre du bureau politique, soutien de Bruno Retailleau. Le patron des sénateurs LR, également candidat pour 2022, n’a d’ailleurs pas renoncé à l’organisation d’une primaire. La question sera tranchée après les régionales. « Les militants ne sont pas là que pour coller des affiches. On ne peut pas imposer d’en haut la candidature de quelqu’un qui a quitté le navire en pleine tempête [avec son départ de LR en 2017]. Il en va de notre survie », poursuit ce proche du sénateur de Vendée.
Mais d’ici là, Xavier Bertrand devra d’abord passer l’étape des régionales. Elu face à Marine Le Pen grâce au retrait du candidat de gauche en 2015, il est aujourd’hui convaincu qu’il y aura une triangulaire en mars prochain. Et en cas de défaite, il abandonnera toute ambition politique : « Si je ne réussis pas à convaincre 6 millions de personnes, je ne tenterai pas d’en convaincre 67 millions. »