Coronavirus, « maladresses », popularité… Le trou d’air de Jean Castex
POLITIQUE•Le Premier ministre connaît une chute de popularité dans les sondagesThibaut Le Gal
L'essentiel
- Début juillet, Jean Castex a été nommé Premier ministre en remplacement d’Edouard Philippe.
- Le chef du gouvernement, qui a commis quelques maladresses, connaît une période difficile dans les enquêtes d’opinion.
- Le Premier ministre souffre-t-il de la comparaison avec son prédécesseur ?
C’était il y a deux mois, autant dire un siècle en ces temps de coronavirus. Le 3 juillet dernier, Emmanuel Macron nommait Jean Castex à Matignon à la surprise générale, en remplacement d’Edouard Philippe, tout juste réélu maire du Havre. A l’époque, l’exécutif louait le profil « couteau suisse » et proche des territoires du nouveau chef du gouvernement, qui devait relever le pays et son économie, ebranlés par l'épidémie de Covid-19.
Huit semaines plus tard, alors que le virus circule de nouveau activement sur le territoire, le Premier ministre peine à s’imposer comme une figure forte de la majorité dans l’opinion. « C’est vrai que j’ai beaucoup d’emmerdements ! », confie-t-il au Parisien ce samedi. « J’édicte des mesures. Ça ne fait parfois pas plaisir, mais c’est mon devoir. Et même si j’en prends plein la figure en ce moment, ce n’est pas grave. J’assume ».
Des maladresses, notamment sur l’application StopCovid
D’ailleurs, dans les enquêtes d’opinion, Jean Castex est en chute libre. Le chef du gouvernement perd 9 points en un mois dans celle de l’Ifop, avec 46 % de Français approuvant son action. Sa cote de confiance sombre aussi dans le sondage de l’institut Kantar pour le Figaro Magazine, à désormais 28 % (-5 %).
« Cette impopularité est logique, car nous sommes dans une période délicate pour les Français. La situation sanitaire patine, il n’a que des décisions difficiles à prendre, des restrictions alors que les gens aspirent à vivre, tout le monde est un peu tendu, c’est pourquoi il n’imprime pas encore », explique Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. « C’est difficile d’être à Matignon en ce moment, mais il a aussi fait des erreurs, commis quelques maladresses comme sur l’application StopCovid », souffle un parlementaire de la majorité.
Pour sa première grosse émission télévisée, jeudi 24 septembre, Jean Castex a en effet créé la stupeur sur le plateau de « Vous avez la parole » sur France 2. Interrogé sur l’application StopCovid, lancée par l’exécutif pour identifier et tracer les personnes contaminées, le Premier ministre a tout bonnement reconnu ne pas l’avoir téléchargée, provoquant un sourire crispé sous le masque de son ministre de la Santé Olivier Véran.
Une comparaison délicate avec Edouard Philippe ?
Son autorité a aussi été mise à mal au moment de la polémique sur l’ensauvagement, entre ses deux ministres Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti, qu’il n’est pas parvenu à apaiser. Et même la carte « monsieur territoires », qui devait être sa marque de fabrique, a été écornée ces derniers temps : sa décision de fermer les restaurants et les bars dans la métropole d’Aix-Marseille la semaine dernière a irrité les élus locaux, qui ont dénoncé une « punition collective », prise de manière unilatérale.
L’étoile de Jean Castex, qui n’a jamais brillé bien haut, a donc pali, même au sein de sa majorité. « Il souffre clairement de la comparaison avec son prédécesseur, mais Edouard Philippe avait géré la crise par le confinement, une solution drastique, mettant le pays à l’arrêt. Lui tente de ménager la chèvre et le chou. Ce numéro de funambule est compliqué et périlleux », défend Bruno Bonnell. « Mais il a deux atouts, poursuit le député LREM du Rhône, il parle de manière sincère et directe aux Français et il est complémentaire du président, grâce à sa culture du territoire, qui répond aux accusations d’un gouvernement hors sol ».
La comparaison avec l’actuel maire du Havre est d’autant plus délicate que l’ancien Premier ministre caracole, lui, en tête des sondages. Selon une enquête d’Odoxa publiée fin septembre, une majorité de Français (54 %) souhaiterait même le retour dans la vie politique nationale de l’ancien Premier ministre. « Dès qu’une personnalité prend de la distance, il devient le politique préféré des Français, balaie Erwan Balanant. Mais ils n’ont pas du tout le même profil. Philippe avait un côté normand, voire britannique, sur l’humour, la façon d’être. Castex, c’est autre chose… Il arrive dans un contexte plus difficile, où les répercussions économiques de la première vague se font sentir. Mais il a des cartes en main, un plan de relance de 100 milliards, ça permet de mener des politiques ».
Le chef de la majorité pourra tester son autorité auprès de sa majorité dès jeudi, avec l’arrivée à l’Assemblée d’une proposition de loi visant à allonger de 12 à 14 semaines de grossesse le délai légal pour recourir à l’avortement. Selon le JDD, les députés LREM souhaiteraient voter pour le texte malgré les consignes inverses du gouvernement.