DISRUPTIONEmmanuel Macron en quête d'une coalition en vue de sa réélection

Présidentielle 2022 : Emmanuel Macron en quête d'une coalition en vue de sa réélection

DISRUPTIONLe chef de l'Etat souhaite rassembler plusieurs partis et associations qui soutiennent sa politique
Laure Cometti

Laure Cometti

L'essentiel

  • En cette rentrée politique, Emmanuel Macron a lancé un nouveau chantier : il veut créer une coalition rassemblant son parti, LREM, et d’autres qui le soutiennent, dont l’allié centriste du MoDem et le nouveau parti de centre-droit Agir.
  • L’idée est de lancer une dynamique en vue de la présidentielle de 2022 et d'élargir l'espace politique de la majorité.
  • Dans un premier temps, un intergroupe doit voir le jour à l’Assemblée.

Quatre ans après avoir créé En marche !, Emmanuel Macron prépare un nouvel ovni politique. Le chef de l’Etat veut rassembler son parti et d’autres mouvements au sein d’une coalition ou d’une confédération. Alors que le groupe parlementaire LREM s’érode et que les élections municipales ont été un échec pour les marcheurs, l’enjeu est de lancer une nouvelle dynamique au-delà du parti présidentiel, en vue des scrutins de 2021 et 2022.

Macron à la manœuvre

« C’était une idée qu’on avait défendue avec Stéphane Séjourné [député européen et ex-conseiller à l’Elysée] auprès du président il y a deux ans », se souvient Pierre Person, député de Paris et numéro 2 de LREM. D’après lui, Emmanuel Macron a décidé « d’accélérer » ce projet, qu’il pilote lui-même. « Cela devrait aboutir à une instance de liaison, rassemblant les chefs des partis et associations d’élus qui soutiennent le président et l’action du gouvernement », explique Pierre Person.

Si le chef de l’Etat a lancé ce chantier, c’est bien sûr pour préparer 2022, selon Bruno Bonnell, député LREM du Rhône : « La crise des gilets jaunes et celle du Covid-19 vont retarder les effets de nos réformes, nous obligeant à nous projeter plus loin, en 2027 ». Mais cette démarche part aussi d’un constat amer. « L’hégémonie absolue de LREM n’est absolument plus une réalité. Il faut qu’on élargisse le cercle, pour rassembler plus de monde, et ne pas laisser de place aux gens qui doutent », poursuit l’élu.

LREM à bout de souffle

Après les succès électoraux des législatives de 2017, puis des européennes de 2019, les municipales ont été un camouflet pour les macronistes. Et au fil du quinquennat, une trentaine de députés ont claqué la porte du groupe LREM à l’Assemblée, qui élit mercredi sa nouvelle présidence. Les marcheurs sont aujourd’hui 276 dans l’hémicycle, sous le seuil de la majorité absolue (289). Le groupe a encore perdu trois députés ce mardi, partis chez l’allié MoDem.

« Ça ne pose pas de problème pour la stabilité de la majorité », analyse Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Traduction : ils continueront à soutenir Emmanuel Macron et le gouvernement.

Le deuil du parti unique

Ce soutien sera d’ailleurs l’élément fédérateur de cette coalition. « Il faut entraîner une dynamique d’organisation, en vue du combat électoral du printemps 2021 [les élections régionales et départementales], puis de la présidentielle de 2022 », reprend Pierre Person. « Une instance commune nous nous permettra d’être mieux organisés, plus unis, plus cohérents, et aussi d’offrir un espace politique plus large. »

De nombreux partenaires possibles ont été approchés. Côté gauche, Territoires de progrès, une association créée par des anciens du PS derrière le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, verra très prochainement de nouveaux membres du gouvernement rejoindre ses rangs, assure sa direction. Et elle devrait tout naturellement intégrer cette coalition présidentielle, selon Gilles Savary, son délégué général, toutefois lucide sur les motivations d’un tel rapprochement. « Le président se dit qu’il vaut mieux faire transformer son parti unique en partis coalisés. L’état de grâce de LREM est fini, Emmanuel Macron est condamné à une coalition. »

« Le clivage gauche-droite est plus que jamais ringard ! »

Côté droit, Agir, le mouvement créé par d’ex-LR soutiens du chef de l’Etat derrière le ministre Franck Riester, souhaite en être. « Le but, c’est de restructurer et élargir
la majorité. On peut solliciter d’autres composantes, l’UDI, ou certains LR », espère Olivier Becht, député du Haut-Rhin et cofondateur d’Agir, chez qui « on se réjouit » de l'appel de Christian Estrosi, maire LR de Nice, à s’allier avec Emmanuel Macron en 2022.

Si la proposition du Niçois est accueillie avec prudence chez LREM, on espère bien convaincre d'autres LR « Macron-compatibles », comme Christophe Béchu, maire d’Angers. Président de l’association La République des maires, il accueillera le 25 septembre Edouard Philippe, ancien Premier ministre, ex LR qui n’a jamais adhéré à LREM, au grand dam de certains cadres du parti présidentiel, qui s’interrogent sur ses intentions politiques.

Un intergroupe à l’Assemblée pour commencer

Mais rassembler des élus de gauche et de droite, ça ne vous rappelle pas quelque chose ? « En 2017, on a gagné grâce au "en même temps", mais on sait qu’on ne pourra pas rejouer cette partie-là », constate Bruno Bonnell. « Le président a raison de changer, et de proposer à des partis de se rassembler, pour à nouveau dépasser les clivages politiques, surtout le gauche-droite, qui est plus que jamais ringard, à l’heure de la crise économique, écologique et des débats sur la démocratie », s’enthousiasme l’élu, qui a également endossé le rôle de vice-président du Mouvement radical, une formation également susceptible de rejoindre cette coalition.

Si la proposition macroniste intéresse les partis courtisés, ceux-ci restent toutefois vigilants. « Pour rétablir un pacte républicain, donner un horizon, je pense qu’on a tout intérêt à avoir coalition large, mais sans dilution des idées », prévient Erwan Balanant du MoDem, allié de toujours de LREM. En attendant la concrétisation de cette constellation politique, un « intergroupe » va voir le jour à l’Assemblée. « Les députés LREM, MoDem et Agir se réuniront pour la première fois mardi 15 septembre, dans l’optique de coproduire des projets de loi, à trois groupes et avec le gouvernement », annonce Olivier Becht. L’occasion d’un premier test pour ce nouvel alliage politique.