Coronavirus : Le casse-tête du report du second tour des municipales
ELECTIONS•Si la décision de reporter le second tour des municipales a fait consensus dans la classe politique, certaines modalités sont déjà très critiquées par l’oppositionLaure Cometti
L'essentiel
- Après la décision du gouvernement de reporter le second tour, l’opposition a formulé plusieurs craintes et critiques.
- Pointant le risque sanitaire, certains élus déplorent que l’exécutif autorise les conseils municipaux élus au premier tour à se réunir « à huis clos » dès ce vendredi pour élire leur maire.
- D’autres s’inquiètent du report de la date de dépôt des listes pour le second tour, qui interviendrait en mai si le scrutin se tient le mois suivant. Ils jugent que ce délai, habituellement de deux jours après le premier tour, peut permettre des « débauchages ».
Une nouvelle polémique sur les municipales pour le gouvernement ? En pleine crise du coronavirus, la décision de maintenir le premier tour des municipales avait été remise en question. Si le choix d'Emmanuel Macron de décaler le second tour a fait consensus dans la classe politique, la question de la date du scrutin et du dépôt des listes est vivement critiquée dans l’opposition, malgré les appels à l’unité nationale.
En Conseil des ministres ce mercredi, le gouvernement a acté le report du second tour des municipales « au plus tard au mois de juin 2020 », à une date qui sera fixée par décret. C’est ce que prévoit le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de coronavirus.
Des élus veulent le report de l’installation des maires élus
Quant aux conseillers municipaux et communautaires, conseillers d’arrondissement et conseillers de Paris élus au premier tour dimanche, ils « entrent en fonction immédiatement », et seront « renouvelés intégralement en mars 2026 ». Ils pourront se réunir pour élire leur maire en fin de semaine, mais « à huis clos », a indiqué le ministre de l’Intérieur.
Dans un un communiqué, le sénateur socialiste de la Moselle Jean-Marc Todeschini, juge qu’il s’agit « d’une grave erreur de gestion de la crise ». Le vice-président de l’Association des maires de France partage son constat. Patrick Molinoz l’explique dans une vidéo qu’il a publiée ce mardi soir sur les réseaux sociaux. Pour l’élu, la décision du gouvernement est « mauvaise » et « va mettre en péril la santé des élus locaux ». « Nous devons être concentrés sur l’accompagnement de nos concitoyens dans l’application et le respect des mesures sanitaires indispensables pour combattre l’épidémie », insiste-t-il, demandant au gouvernement de décaler l’installation des exécutifs municipaux.
Le report du second tour discuté dès jeudi au Parlement
Le second tour concerne peu de communes (autour de 16 %) mais beaucoup de Français (environ un électeur sur trois), puisqu’il s’agit souvent de villes très peuplées. Selon Christophe Castaner, 30.000 communes ont pourvu leur conseil municipal dès le premier tour, tandis que 4.922 villes vont avoir besoin d’un second tour. A la mi-mai, le Conseil scientifique sur le Covid-19 sera consulté pour donner son avis sur une date du 21 juin pour la tenue de ce scrutin, et un rapport sera présenté par l’exécutif au Parlement, au plus tard le 10 mai.
« Dans l’hypothèse où il ne serait pas possible de l’organiser en juin, nous serions amenés à prendre de nouvelles dispositions pour repousser le second tour », a prévenu Christophe Castaner ce mardi. Ce projet de loi devrait susciter des critiques de l’opposition lors de son examen, jeudi au Sénat puis vendredi à l’Assemblée.
L’opposition souhaite un dépôt de listes au plus tôt
Car le gouvernement n’a pas encore tranché l’épineuse question de la date du dépôt des listes pour ce second tour. Il pourrait être décalé au mois de juin, rallongeant considérablement la période d’entre-deux tours et de discussions entre différents candidats en vue du second tour. Or les députés et sénateurs PS, de même que les sénateurs LR et centristes, majoritaires au sein de la Haute Assemblée, réclament que ce dépôt soit fait « dans les meilleurs délais ».
Les parlementaires socialistes l’ont écrit dans un courrier au Premier ministre ce mercredi. « Pour ne pas déconnecter les deux tours, il convient que le dépôt des candidatures se fasse dans le prolongement du premier tour, c’est-à-dire dans les meilleurs délais, et non, comme semble le prévoir le gouvernement, mi-juin, une semaine avant le second tour », plaident-ils.
Un second tour biaisé par la durée des tractations ?
Les socialistes estiment qu'« un doute légitime marquerait le scrutin si les différentes listes avaient plusieurs mois pour discuter sur les éventuelles alliances, créant un climat démocratique malsain ». Selon eux, « cette disposition offrirait toutes les possibilités de négociations et de débauchages possibles ».
La droite est sur la même ligne. « On s’opposera à cette disposition du gouvernement. Il trahit l’esprit de la loi », a prévenu le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau sur Public Sénat. Et le président du groupe centriste Hervé Marseille l’a jugée « délétère ».
Plus nuancé, le député insoumis Alexis Corbière préfère « ne pas polémiquer sur le sujet », estimant qu’une date de dépôt autour du 5 ou du 10 mai serait acceptable en cas d’un scrutin fin juin. Si le scrutin devait être repoussé plus tard, l’élu de Seine-Saint-Denis estime en revanche qu’il « faudra discuter et réorganiser le scrutin ». La séance de questions au gouvernement prévue ce jeudi s’annonce animée.