Municipales 2020 : L’eau de Toulouse est-elle « la moins chère de France », comme l’affirme Jean-Luc Moudenc ?
FAKE OFF•La municipalité de Toulouse affirme avoir mis en place le tarif d'eau potable le plus avantageux parmi les grandes villes françaisesAlexis Orsini
L'essentiel
- En 2018, le maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, s’engageait à offrir à ses habitants l’eau la moins chère de France parmi les villes de plus de 100.000 habitants.
- Avec un tarif en vigueur de 2,91 euros par mètre cube depuis le 1er mars 2020, la municipalité se targue d’avoir tenu sa promesse.
- Ce prix est-il vraiment le moins cher parmi les grandes villes françaises ? Et comment a été établi ce comparatif ? 20 Minutes s’est penché sur la question.
Edit du 12 mars 2020 : après réception et consultation de la grille tarifaire du prix de l'eau à Strasbourg, nous pouvons confirmer que son eau est la moins chère des grandes villes de France, à 2,86 euros le mètre cube.
A la veille des élections municipales, Jean-Luc Moudenc, maire LR de Toulouse (Haute-Garonne) et candidat à sa réélection, ne manque pas de vanter une mesure phare adoptée pendant son mandat.
« Depuis le 1er mars, les Toulousaines et les Toulousains bénéficient de l’eau la moins chère de France ! Grâce aux nouveaux contrats de l’eau, le prix de l’eau consommée, à partir de maintenant, baisse de 25 % (2,91 euros par m3 pour une famille) soit 120 euros par an, en moyenne, en plus pour notre pouvoir d’achat », affirme-t-il ainsi sur son site de campagne.
Si ce changement vient d’entrer en vigueur, il avait été annoncé par la métropole de Toulouse dès 2018, lorsqu’elle s’était engagée à diminuer le tarif de l’eau afin que ses habitants bénéficient du prix le plus avantageux de l’Hexagone pour une ville de plus de 100.000 habitants. Comme elle l’expliquait alors, ce changement devait être rendu possible par la signature d’un nouveau contrat de gestion de l’eau avec l’entreprise Veolia.
Mais Toulouse est-elle vraiment aujourd’hui la ville à proposer l’eau la moins chère de France ?
FAKE OFF
Pour le savoir, il faut d’abord rappeler ce qu’inclut exactement le « prix de l’eau ». Si celle-ci est par nature gratuite, ce tarif englobe la tarification des différents services qui permettent de bénéficier d’une eau propre à la consommation.
Comme le rappelle l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement sur son site internet, « l’alimentation en eau potable et l’assainissement requièrent des infrastructures importantes dont la construction et l’entretien sont coûteux : captage, réseaux, station de production d’eau potable, station de traitement des eaux usées… » A ce coût, indépendant de la consommation d’eau, viennent s’ajouter « des redevances et des taxes revenant à divers organismes publics », comme les agences de l’eau.
En 2014, le prix moyen de l’eau en France était ainsi de « 3,98 euros par mètre cube, toutes taxes comprises », selon Eau France, le service public d’information sur l’eau. Sur l’année 2018 – la dernière année consultable sur le site d’Eau France –, le prix global de l’eau pour une facture de 120 m³ était de 3,88 euros par mètre cube à Toulouse contre 3,62 euros à Paris.
Un calcul prévisionnel réalisé en 2018
Le tarif de l’eau au 1er mars 2020 a été validé par la métropole de Toulouse le 13 décembre 2018. Contacté par 20 Minutes, Pierre Trautmann, adjoint à la mairie de Toulouse chargé des gestions déléguées, nous explique comment la métropole de Toulouse a procédé pour comparer ses tarifs avec ceux des autres grandes villes de France : « Nous nous sommes basés sur le classement des tarifs réalisé par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), un établissement public qui réalise notamment des études sur l’eau. Comme nous ne pouvions pas deviner quel serait le tarif de l’eau dans les autres villes de plus de 100.000 habitants en janvier 2020, au moment où nous avons pris notre décision, nous nous sommes basés sur les derniers tarifs connus à l’époque – ceux du 1er janvier 2017 – et nous y avons ajouté 1,5 % d’inflation. »
Le tableau statistique utilisé lors de la délibération de la métropole – que nous avons pu consulter – indiquait bien, au sein du trio de tête des grandes villes proposant les tarifs d’eau les moins chers, Toulouse en première position (2,78 euros par mètre cube) suivi d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) et Strasbourg (Bas-Rhin) avec 2,88 euros par mètre cube chacun.
Toulouse, Aix-en-Provence et Strasbourg dans le trio de tête
En 2020, les prévisions de hausse formulées par la mairie de Toulouse deux ans plus tôt se sont révélées plutôt exactes puisque Aix-en-Provence propose toujours un prix de l’eau supérieur au sien, à 2,99 euros le mètre cube, selon les données que nous a communiqué la Régie des eaux du pays d’Aix.
L’eurométropole de Strasbourg, qui s’était engagée à réduire son prix à 2,86 euros le mètre cube « d’ici 2020 », soit cinq centimes de moins qu’à Toulouse, a-t-elle mis en place ce tarif ? Contactée, la collectivité locale n’avait pas été en mesure de nous répondre avant la parution de l’article mais elle nous a, depuis, transmis la grille tarifaire en vigueur en 2020, prouvant que le tarif de l'eau y est bien de 2,86 euros le mètre cube aujourd'hui. « Il est possible que certaines villes aient un prix inférieur si l’augmentation des tarifs depuis 2018 n’a pas été aussi vite que l’inflation prise en compte dans nos calculs », reconnaît Pierre Trautmann.
Contacté par 20 Minutes, Lucien Sanchez, président de l’association Eau Secours 31, qui assure un suivi de la gestion et de l’utilisation de l’eau de Toulouse Métropole, nous indique pour sa part : « On ne peut pas nier que la promesse a été tenue à ce stade, sachant que ce tarif est prévu dans le nouveau contrat – sous réserve de pouvoir vérifier son application effective. Il faudra attendre six mois et le premier relevé de consommation pour savoir si la promesse est tenue – ou le mois de juin pour beaucoup de communes proches de Toulouse, pour lesquelles le changement a eu lieu dès janvier », poursuit-il.
« Le plein effet [de cette nouvelle tarification] pour les habitants de Toulouse sera connu dans six mois, les premiers relevés de juin montrant trois mois avec l’ancien tarif et trois mois avec le nouveau », confirme Pierre Trautmann. Le nouveau tarif adopté est en outre garanti sur les douze années de délégation à Veolia prévues dans le contrat, puisqu’il ne peut être modifié qu’avec l’accord de Toulouse Métropole et selon une formule d’indexation définie.