DEBATSLe spectre du 49-3 brandi face à l'« urgence » de réformer les retraites

Réforme des retraites : Le spectre du 49-3 brandi par la majorité face à l'« urgence »

DEBATSPlusieurs reponsables de la majorité ont préparé le terrain à cette procédure d’exception pour permettre l’adoption du texte avant les municipales
Rémi Vallez

Rémi Vallez

L'essentiel

  • Depuis plusieurs jours, des responsables de la majorité préparent le terrain pour un recours au 49-3 pour permettre l’adoption de la réforme des retraites.
  • Selon la Macronie, il s’agit de répondre à l’obstruction de l’opposition face à l'« urgence » d’instaurer un régime universel.
  • Certains élus LREM s’opposent toutefois au calendrier serré voulu par l’exécutif.

Débats englués, recours forcé au 49-3 ? C’est la petite musique qui monte depuis quelques jours dans les rangs de la majorité, alors que les débats sur la réforme des retraites font du quasi-surplace à l’Assemblée. En cause, les milliers d’amendements déposés par l’opposition de gauche, accusée de « sabotage ». L’article 49-3 de la Constitution, qui permet au gouvernement d’engager sa responsabilité et de faire adopter le texte sans vote, « va devenir inévitable ! », a par exemple prévenu le député LREM Jean-Baptiste Moreau ce dimanche sur France Info. Le gouvernement maintient en effet son objectif d’une adoption du projet de loi avant le premier tour des élections municipales, le 15 mars prochain.

À l’instar de Jean-Baptiste Moreau, plusieurs marcheurs ont préparé le terrain au cours des derniers jours, dans la presse comme dans les couloirs du Palais-Bourbon. « Des échanges que nous avons pu avoir avec des députés de la majorité […], il ressort que les débats pourraient être interrompus à la fin de la semaine, jeudi ou vendredi, par le recours au 49-3 », a même dénoncé le socialiste Régis Juanico ce lundi dans l’hémicycle.

« Comme dans un match de football, l’opposition fait de l’antijeu. La France insoumise et les communistes nous bombardent d’amendements, sous prétexte de "débat démocratique" ! », dénonce Bruno Bonnell, député LREM, qui jure toutefois que le recours au 49-3 n'est pas inéluctable. « A cette heure, la majorité n’en a pas du tout l’intention », assure l’élu rhodanien, conscient qu’un passage en force « renforcerait les critiques de l’opposition de gauche, qui n’a de cesse de saboter les débats. Mais s’il faut avoir du bon sens et aller vers un 49-3 pour porter ce texte majeur et nécessaire, alors nous en aurons ! »

« Pas d’urgence à faire adopter le projet avant les municipales »

Le recours au 49-3 « n’est pas la question aujourd’hui », balaie-t-on du côté de Matignon. « Nous croyons toujours au débat et nous n’avons pas à subir la pression médiatique et politique sur cette question. Le Premier ministre est actuellement en soutien des parlementaires de la majorité pour avoir un débat sur le fond ».

Opposé à l’utilisation de cette procédure, le député marcheur du Vaucluse Jean-François Cesarini s’interroge toutefois sur le calendrier retenu par l’Elysée. « Il n’y a pas d’urgence à faire adopter le texte avant les municipales. Début décembre, l’opinion était avec nous. Et puis, il y a eu les grosses mobilisations de décembre et janvier, et les sondages se sont inversés. » Co-signataire d’unetribune pour s’opposer à l’utilisation de l’article 49-3, il est l’un des rares, dans les rangs de LREM, à militer ouvertement pour un rallongement des débats dans l’hémicycle. « N’ayons pas peur de prendre le temps, en dépit des municipales. Trois semaines supplémentaires pour affirmer le bien-fondé du projet, la réforme des retraites le vaut bien », assure Jean-François Cesarini.

« Trois semaines pour tout détruire »

« Un mois ou deux de plus ne suffiraient même pas ! » s’exclame le député LFI Ugo Bernalicis, qui torpille une « mauvaise réforme, un texte obscur, dangereux, et truffé de trous. » Et l’élu du Nord de dénoncer ces « députés LREM qui, dans les couloirs de l’hémicycle et à la buvette de l’Assemblée, assument de désirer le 49-3 pour passer le week-end en famille plutôt que de débattre dans les conditions de calendrier qu’ils avaient eux-mêmes décidées. Trois semaines pour tout détruire, c’était leur programme de vacances. »

Du côté de Matignon, l’entourage d’Edouard Philippe réaffirme la nécessité d’une adoption rapide du texte. « Il y a urgence à réformer le système actuel, qui est très injuste. On est en février, le texte est en discussion depuis six mois, c’est un temps suffisant pour l’expliquer aux Français, d’autant que l’extrême gauche montre qu’elle n’a pas réellement envie de débattre », tacle un conseiller d’Edouard Philippe. Le gouvernement espère un vote définitif sur la réforme avant l’été.