Congé de deuil parental : Comment la majorité LREM s’est pris les pieds dans le tapis
POLITIQUE•Le refus d’allonger le congé pour la perte d’un enfant a créé une polémique politique et un malaise au sein de la majorité La République en marche, qui a finalement fait volte-face et annoncé l’ouverture d’une concertationThibaut Le Gal
L'essentiel
- L’Assemblée nationale examinait ce jeudi la proposition de loi d’un député UDI-Agir visant à étendre de cinq à douze jours le congé pour les salariés confrontés au deuil d’un enfant.
- Suivant la consigne du gouvernement, les députés LREM ont rejeté ce texte.
- Après la polémique, l’exécutif a finalement décidé de faire machine arrière.
La République en marche… arrière. Dans la tourmente après avoir refusé d'allonger le congé pour la perte d'un enfant, l’exécutif rétropédale. Suivant la consigne du gouvernement, les députés LREM ont d’abord rejeté ce jeudi la proposition d’un élu UDI-Agir visant à étendre de 5 à 12 jours les congés pour les salariés confrontés au deuil.
Ce refus a créé un tollé, de l’opposition jusqu’au Medef, obligeant Emmanuel Macron à intervenir. Samedi, le chef de l’Etat a tancé son gouvernement, lui demandant « de faire preuve d’humanité ». Dans la foulée, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a admis une «erreur» et indiqué que la majorité était prête à revoir sa position. « On profitera du débat au Sénat pour pouvoir rectifier les choses », a confirmé la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye sur France 2, ce lundi, reconnaissant « une erreur d’appréciation politique ». 20 Minutes revient sur cette volte-face.
Pourquoi les députés ont voté contre ?
« Cinq jours, c’est trop peu. » En défendant son texte, ce jeudi, Guy Bricout (UDI-Agir) avait demandé à ses collègues de l’Assemblée nationale de faire preuve « d’humanité » pour les « ces familles endeuillées ». Sa proposition, balayée par Muriel Pénicaud, avait finalement été rejetée par 40 voix contre 38, au terme d’un débat enflammé. Pour se justifier, la ministre du Travail avait déploré que le texte reposait sur un congé « payé 100 % par l’entreprise ».
« Cette proposition n’avait pas de raison d’être, car elle aborde la question de la souffrance de la perte seulement sous l’angle d’une autorisation d’absences supplémentaires, ce n’est pas suffisant, pas à la hauteur », justifie Annie Vidal. Interrogée par 20 Minutes, la députée LREM de la Seine-Maritime dénonce une « polémique inutile » : « On s’est arrêté sur cet article mais on n’a pas dit que nous avions voté aussi pour permettre des dons de RTT entre collègues ».
« On est dans une telle dévotion au gouvernement qu’il n’y a même plus de réflexion »
Cette controverse a toutefois relancé les critiques en amateurisme faites aux députés de la majorité. L’élu UDE François-Michel Lambert dénonce des « députés godillots » : « On est dans une telle dévotion au gouvernement qu’il n’y a même plus de réflexion. Ils ont peur d’avoir une parole un peu décalée. C’est pour ça que je suis parti, j’ai vite senti dans le groupe que la démocratie parlementaire avait été confisquée », dénonce l’élu des Bouches-du-Rhône, qui a claqué la porte du parti en octobre 2018.
« C’est une fausse polémique. La discipline de vote, ça s’appelle le bon fonctionnement de la démocratie représentative », répond un député ayant voté contre l’extension du congé. « Il existe des milliers de lois qui passent chaque année à l’Assemblée, il est impossible de connaître en détail chaque mesure. Il est normal que l’on se réfère aux collègues travaillant sur le texte. »
« C’est une erreur collective », souffle un député
Mais les errements des derniers jours ont suscité le malaise des marcheurs, parfois pris à partie sur Internet. « J’aurais préféré que mon nom n’y soit pas, d’autant que je n’étais pas dans l’hémicycle. Etant en mission, j’avais donné mon vote par délégation », souffle l’un d’eux. « L’objectif du projet est louable, mais on aurait dû insister sur le fait que c’est à la solidarité nationale de financer les congés donnés, pas aux entreprises. Je ne comprends pas pourquoi on n’a pas amendé plus tôt dans cette voie-là, c’est une erreur collective », ajoute le parlementaire.
« On a reçu de nombreux messages de gens très remontés sur les réseaux sociaux. La députée était catastrophée après cette polémique », indique l’entourage d’une élue, qui avait également « donné » son vote au groupe. « On est passés pour avoir fait quelque chose d’inhumain alors qu’on est justement en train de travailler sur le projet pour améliorer les conditions de parents endeuillés. Personne ne s’est vraiment coordonné au niveau de la communication. Tout le monde était un peu en panique après cette polémique, la ministre, les députés… »
Le gouvernement a annoncé dès ce vendredi l'ouverture d'une concertation pour répondre à l'« émoi » au sein de l’opinion publique et améliorer le texte en vue de son examen au Sénat. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la Protection de l’enfance, recevront « dès demain (…) l’ensemble des associations concernées », ainsi que le Medef et les syndicats, a annoncé la députée LREM Olivia Grégoire ce lundi. Annie Vidal confie : « C’est une satisfaction, même si je regrette que le gouvernement n’ait pas enclenché cette réécriture du texte dès la première lecture, le message aurait été plus efficace. »