Exclusif. Municipales 2020 à Paris : « Villani a pris un engagement, c’est d’être loyal », rappelle Griveaux
INTERVIEW•Le candidat LREM à Paris présente à « 20 Minutes » les premiers éléments de son projet « collaboratif » et s’exprime sur la menace d’une candidature dissidente de Cédric VillaniPropos recueillis par Thibaut Le Gal
L'essentiel
- Benjamin Griveaux a envoyé des cartes postales aux Parisiens cet été. Il en a reçu en retour « 4.000 à 5.000. Si je devais retenir un message principal : c’est la galère de vivre à Paris ».
- Après les ralliements de Mounir Mahjoubi et de Delphine Burkli, maire (ex-LR) du 9e, le candidat LREM annonce d’autres arrivées à ses côtés.
- Face à la candidature annoncée de Cédric Villani, Benjamin Griveaux attend le 4 septembre pour se prononcer. Mais il assure : « Je crois en l’éthique personnelle. »
«Vous pensiez vraiment que pour être maire de Paris, c’était un long fleuve tranquille ? » Benjamin Griveaux vit un début de campagne mouvementé depuis son investiture par La République en marche. Le candidat LREMaux municipales 2020 à Paris a répondu à nos questions dans un café, place de la République, jeudi matin. Il nous présente les premiers éléments de son projet « collaboratif » avec les Parisiens et s’exprime sur la menace d'une candidature dissidente de Cédric Villani.
Vous avez envoyé des cartes postales aux Parisiens cet été pour recueillir des idées pour la ville. Pourquoi ?
Dans cette campagne, j’ai fait le pari de l’hyper proximité. C’est notamment la raison pour laquelle Mounir Mahjoubi nous a rejoints. Aujourd’hui, les décisions se prennent trop loin des Parisiens. Avec les maires d’arrondissement, et au-delà, dans les quartiers, on doit pouvoir mettre en œuvre des solutions concrètes au plus près des habitants, plutôt que décider depuis l’Hôtel de ville des choses qui ne s’appliquent jamais sur le terrain. Sur des sujets du quotidien : l’état de la voirie, la propreté, les espaces verts, la sécurité… Il y a un an, avec «Paris et moi», on a fait un diagnostic avec 20.000 Parisiens. La phase qui s’ouvre aujourd’hui est celle des solutions avec une plateforme collaborative, et des enquêtes de terrain, dès ce week-end, sur les questions d’éducation. La carte postale vient s’instaurer dans ce dispositif au long cours.
Qu’en avez-vous retenu ?
On a reçu 4.000 à 5.000 cartes postales. Si je devais retenir un message principal : c’est la galère de vivre à Paris. Les habitants dénoncent les obstacles du quotidien : dans le logement, l’emploi, les transports… L’un des rôles du maire de Paris est de supprimer ces galères et de faciliter le quotidien. Regardez l’étude publiée ce jeudi, 80% des cadres parisiens veulent quitter la ville, c’est invraisemblable ! Les Parisiens nous disent combien il est compliqué de vivre à Paris, que c’est cher, qu’ils aimeraient mieux élever leurs enfants ailleurs. Ils nous disent aussi qu’il ne fait plus bon vivre ici : le manque de propreté et l’insécurité, pour les femmes notamment, sont souvent évoqués. Sur l’écologie, beaucoup ont mis l’accent sur la pollution sonore, demandant qu’on verbalise plus durement les deux roues qui font un vacarme pas possible, et réveillent les gens la nuit. Ces réponses, et celles collectées sur le terrain ou la plateforme, vont être confrontées à notre groupe d’experts, budgétées, pour aboutir à un projet co-construit. La démocratie participative ne doit pas venir uniquement quand le mandat est engagé mais avant, dans la construction du projet.
Les Parisiens n’ont pas assez été entendus pendant cinq ans ?
Ceux qui feront le bilan d’Anne Hidalgo, ce sont les Parisiens. Moi je suis là pour dire que, sur la sécurité par exemple, il y a eu une surdité absolue de la mairie. Quand vous avez des habitants qui vous disent « on ne peut plus vivre dans le quartier parce qu’il y a des agressions permanentes », c’est inacceptable. Ce que je conteste dans le mode de fonctionnement à Paris, c’est que la maire de Paris décide de tout, toute seule. Et quand quelque chose ne va pas, ce n’est jamais de sa faute, mais celle de l’Etat, de la région…
Anne Hidalgo a lancé quelques pistes pour faire participer les Parisiens, à travers le budget participatif, ou plus récemment en les invitant à coécrire une délibération sur la démocratie participative…
Elle avait tout un mandat pour le faire, mais elle ne le fait que six mois avant les élections. Le budget participatif, j’y suis favorable, mais il y a moins de 5 % des Parisiens qui y ont participé [10 % selon la mairie]. Et là je vois les élus de la majorité prendre en photo les toilettes remises à neuf des écoles en disant « merci au budget participatif », on se moque de qui ? Refaire les toilettes dans une école, c’est le boulot du maire. On connaissait le green washing, ça c’est du participation washing. On peut trouver des moyens pour faire de la vraie participation mais pas sur les compétences obligatoires. Je suis pour un budget participatif fléché sur des projets innovants.
« Cédric Villani est quelqu’un de courtois, je n’imagine pas qu’il ne me réponde pas » »
Mounir Mahjoubi aura pour rôle d’encadrer « la campagne d’hyper proximité ». Quelle différence avec les conseils de quartiers déjà existants ?
On va déjà les doubler. Il y en aura 240. Paris doit devenir la référence mondiale en matière de participation. Que ce soit au niveau des grands sujets, ou de l’hyper proximité, à l’échelle du quartier, de la rue, et pourquoi pas de l’immeuble. Un exemple concret : il y a 36.000 nids-de-poule à Paris pour 6.000 rues. L’adjoint à la mairie ne peut pas connaître toutes les voiries, en revanche, le maire d’arrondissement et les habitants des quartiers connaissent eux les besoins.
Pourquoi le ralliement de Mounir Mahjoubi est-il arrivé si tard ?
La photo de famille le soir des résultats, personne n’y croit. On se souvient de Manuel Valls ou de François de Rugy autour de Benoît Hamon [lors de la primaire du PS en 2017] et on a vu la suite. La sincérité, ça prend du temps. Dans l’actuelle majorité, on s’envoie des noms d’oiseaux entre les Verts et Anne Hidalgo, car ils ont fait le programme sur un coin de table entre les deux tours. Moi, je veux construire quelque chose dans la durée, qui résiste aux moments difficiles. Mounir a pris le temps qu’il faut. On a échangé tout l’été, je trouve cette démarche plus sincère.
Cédric Villani devrait s’exprimer sur ses intentions mercredi prochain. France Info et « Les Echos » assurent qu’il annoncera sa candidature à la mairie de Paris. Quelle est votre réaction ?
J’ai mon petit côté scientifique moi aussi, et je me fonde sur des faits réels. Il a dit qu’il donnerait sa réponse le 4 septembre, attendons le 4 septembre. Je lui ai fait une proposition inédite, qu’on copilote ensemble cette campagne, qu’il soit à mes côtés quand on va faire les grands arbitrages sur le programme et sur les personnalités qui vont porter ce projet. Je souhaite qu’il puisse être à nos côtés, c’est sa famille. Et il a pris un engagement, qu’il a répété à maintes reprises, c’est d’être loyal. Je crois en l’éthique personnelle.
S’il était candidat, il ne serait donc pas loyal ?
Je ne fais pas de politique fiction, rendez-vous le 4 septembre. Je me fonde sur ce que dit le candidat, pas les “on-dit” des entourages. Je laisse les autres commenter. Je fais ma campagne, j’enregistre des ralliements. Mounir Mahjoubi lundi, et ce jeudi la maire du 9e arrondissement Delphine Bürkli. D’autres ralliements vont venir.
Espérez-vous une réponse de Cédric Villani à votre lettre avant sa prise de parole mercredi ?
C’est quelqu’un de courtois, je n’imagine pas qu’il ne me réponde pas.
Pourquoi ne l’a-t-il pas encore fait ?
Ça prend du temps, je lui ai envoyé un courrier de trois pages, avec des choses assez denses, programmatiques, sérieuses. Cédric Villani est un homme sérieux.
Vous lui avez proposé de devenir copilote de la campagne. N’est-ce pas un aveu de faiblesse ?
Tendre la main pour rassembler n’est jamais un aveu de faiblesse. Préférer le collectif aux aventures individuelles non plus. Le maire de Paris, s’il est seul, échoue.
Pensez-vous pouvoir gagner sans le soutien de Cédric Villani ?
Il n’y a pas d’homme providentiel, personne, moi compris. Il n’y a qu’un collectif et un projet, c’est comme ça une élection municipale.
S’il se présentait et qu’il obtenait de meilleurs sondages que vous, est-ce que ça ne rendrait pas compliquée votre candidature ?
Les bons sondages ont laissé croire que Philippe Séguin, Nathalie Kosciusko-Morizet et Jack Lang devaient être maire de Paris. La dernière fois que j’ai vérifié, aucun des trois ne l’a été. Ne vous fiez pas aux sondages, mais écoutez les Parisiens.